«En 40 ans de vie politique, je ne suis jamais intervenu pour faire pression », a certifié mercredi le maire (PS) d’Évry Francis Chouat, ancien premier adjoint de Manuel Valls, au journal Le Parisien, en rendant publique sa démission de la présidence du centre des traitements de déchets Semardel.
Vendredi, Mediapart avait dévoilé deux courriers du député et maire (UMP) d’Étampes, Franck Marlin, dénonçant, en septembre et novembre, « l’ingérence et les pressions » subies par la commission d’appel d’offres du syndicat intercommunal de gestion des déchets (Siredom), et venant des gestionnaires – élus et administratifs – du centre de traitement des déchets Semardel, présidé par Francis Chouat. L’objectif de ces pressions étant pour la Semardel d’obtenir le maximum de marchés.
« Ma démission est bien antérieure à cet article de presse contre lequel j’ai d’ailleurs déposé plainte », a prétendu Francis Chouat mercredi, précisant avoir « présenté (sa démission) le 21 octobre au président du conseil général ». En réalité, le maire d’Évry, décoré il y a quinze jours de la Légion d’honneur par le ministre de l'intérieur, s’est maintenu jusqu’à présent à la tête de l’usine de traitement des déchets. Et sa prétendue démission du 21 octobre résonne comme une mauvaise plaisanterie.
Pour s’en convaincre, il suffit de relire les documents publiés par Mediapart vendredi. Le 31 octobre, le « démissionnaire » signait encore sa réponse à Frank Marlin en sa qualité de président de Semardel, et Franck Marlin lui écrivait encore, le 18 novembre, à l’Écosite de Vert-le-Grand, d’où le bras droit de Valls présidait toujours aux destinées de l’usine Semardel. Dans leurs lettres, ni Marlin ni Chouat n’évoquaient un seul instant l’éventualité d’un départ. « C’est un déminage en règle, commente un cadre du conseil général. Il y a eu des discussions entre Jérôme Guedj (président de l’instance départementale) et Francis Chouat (vice président), vendredi, le soir de la sortie du papier de Mediapart. La décision a été prise ce soir-là. »
« J’ai pris cette décision pour deux raisons, a expliqué Francis Chouat au Parisien, d’abord pour une question d’emploi du temps. Lorsque j’ai pris ce poste, je n’étais pas encore maire d’Évry. Ensuite siégeant à l’agglomération, je suis amené à traiter des dossiers comme le chauffage urbain qui concerne également la Semardel. Pour des raisons déontologiques, je ne veux pas qu’on puisse développer la moindre suspicion de conflits d’intérêts à mon sujet. »
Chouat a succédé à Manuel Valls au poste de maire d’Évry en juin 2012, et à celui de président de l’agglomération d’Évry centre Essonne, en juillet 2012, alors qu’il était président de la Semardel depuis février. Il lui aura donc fallu un an et demi pour découvrir le conflit d’intérêts découlant de ses multiples casquettes. Un problème juridique plus lourd si l’on considère ses fonctions de vice-président du Syndicat intercommunal Siredom qui octroie des marchés à l’usine de la Semardel qu’il préside. Francis Chouat avait d’ailleurs envisagé début 2013 de démissionner non pas de la Semardel, mais du Siredom.
Mais la vraie question qui fâche est celle des pressions exercées sur la commission d’appel d’offres du Syndicat intercommunal. Le directeur général de l’organisme, Gérard Lacan, dénonce par courrier des « dysfonctionnements graves relevant du code pénal ». Le président de la commission d’appel d’offres se heurte aux protestations du directeur de l’usine Semardel, furieux d’un appel d’offres qu’il n’a pas remporté. Marlin dénonce « l’ingérence » et « la pression directe » de ce DG, déjà condamné deux fois pour des malversations. Le 18 novembre, Franck Marlin met en cause directement le maire d’Évry : « En aucun cas les choix de la commission d’appel d’offres ne peuvent être mis en cause par un prestataire candidat, rappelle-t-il. C’est la raison pour laquelle, j’ai fait part à plusieurs reprises de mon étonnement suite à vos interventions et à celles d’administrateur de la Semardel sur le bien-fondé des décisions de la commission d’appel d’offres. » Vos interventions, souligne Marlin.
Mercredi, questionné lui aussi par Le Parisien, l’élu d’Étampes semblait faire machine arrière. « Ce sont des échanges épistolaires qui ont été volés, a-t-il prétendu. Et ils ne mettaient pas directement en cause Francis Chouat. » Maillon solide du système érigé par l’ancien président (RPR) du conseil général Xavier Dugoin, Franck Marlin a été lui-même condamné pour des rémunérations fictives reçues d’une filiale de la société Parachini, qui a construit l’usine de retraitement des déchets Semardel. Mais aussi dans l’affaire des emplois fictifs de l’ancien président Dugoin.
Jeudi, le conseil général devait évoquer la question de la désignation d’un successeur de Francis Chouat au conseil d'administration de la Semardel. Sur la short list des pressentis, l’on citait, mercredi, Claire Robillard, vice-présidente du conseil général chargée du développement durable, maire (PS) de Palaiseau – où elle a succédé à ce poste au ministre de la ville François Lamy –, et Carlos Da Silva, suppléant de Manuel Valls aux législatives de 2012, devenu député à sa nomination à l’intérieur, qui est le troisième vice-président du conseil général, chargé des finances.
(Actualisation, jeudi 17h) La réunion de l'instance départementale a mis en évidence encore un peu plus le caratère précipité de la démission de Francis Chouat de la Semardel: le sujet n'étant pas à l'ordre du jour, il a été acté qu'il serait abordé lors d'une prochaine séance.
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