Vendredi 29 novembre, Mediapart organise une grande soirée en direct de la rédaction sur le thème des femmes en politique, avec cet intitulé « Pour en finir avec la politique macho » (seront présentes Najat Vallaud-Belkacem, Chantal Jouanno, Laurence Rossignol, Caroline de Haas... voir le programme ici).
Le documentaire-fiction que nous vous proposons ci-dessous est une belle entrée en matière. Fruit de 57 entretiens menés en 2011 et 2012 auprès d'élues de toutes tendances par la chercheuse en science politique Camille Froidevaux-Metterie, ce film de 35 minutes (réalisé par Laurent Metterie) est une manière originale d'incarner les enseignements de cette étude. Autour de quatre figures de femmes politiques, qui rapportent exactement les propos des élues, il fait entendre les raisons de l'engagement, les résistances et les obstacles rencontrés, l'articulation entre la vie publique et de la vie privée, les sacrifices consentis… et en filigrane, les souffrances vécues. Toute chose qui s'avoue rarement publiquement.
La solitude… ainsi se termine ce film. « C'est l'un des grands enseignements de cette enquête, précise Camille Froidevaux-Metterie, professeure de science politique à l’Université de Reims Champagne-Ardenne et membre de l’Institut universitaire de France (IUF). Être femme et faire de la politique son métier, « c’est dur, c’est une souffrance intime, on m’a raconté des épisodes dépressifs, on m'a parlé d'alcoolisme, de séparation. Des femmes renoncent car elles n’ont pas envie de ce sacrifice. D'autant qu'à l'inverse des pays anglo-saxons où il existe des dispositifs au sein des partis pour accompagner les jeunes femmes, en France, il y a très peu de solidarité entre les femmes politiques. Elles ne sont pas très chaleureuses entre elles, elles ne se font pas de cadeaux ; quand l'une arrive plus haut, elle se désolidarise des autres. »
Cette conclusion est largement partagée par celles qui ont pu voir ce film. Projeté à ce jour trois fois (en juin dernier à l’ENA, puis au conseil régional d’Île-de-France et auprès des femmes de l’UDI), la professeure en science politique a recueilli les avis des spectatrices. Beaucoup se rejoignent pour faire « le constat amer d'une situation très difficile », beaucoup aussi se reconnaissent dans les propos tenus tout en refusant de se ranger dans un type particulier de femmes politiques. Camille Froidevaux-Metterie a pourtant assez vite identifié quatre types d'élues :
« L’amazone, celle qui se donne à la vie politique, endosse les habits du masculin (Camille Froidevaux-Metterie en a identifié 10 sur les 57 élues interrogées) ;
La manager : souvent, elle a été cadre supérieure. Elle manage son propre parcours, est très peu solidaire des autres femmes politiques et sera par exemple contre la parité (13 femmes sur les 57 élues interrogées) ;
La citoyenne. Souvent issue de la société civile, elle est celle qu’on est venue chercher, mais qui restera modeste, s’étonnera d’être là et ne cherchera pas à faire carrière (19 sur les 57) ;
La femme contemporaine, celle que je m'attendais à découvrir : une femme qui est autant publique que privée, qui tient ensemble toutes les dimensions de l’existence sans renoncer à rien de ce qui la constitue (15/57).
Ces quatre types, je les ai identifiés à mi-chemin de l’enquête, ce sont aussi quatre apparences que l'on a voulu incarner dans le film par quatre actrices différentes. ».
Ces quatre postures n'existent pas à l'état pur, ce sont des types abstraits, synthèses du travail de recherche. « Mais toutes les phrases qu'elles disent ont été prononcées, telles quelles », précise la chercheuse.
Les 57 entretiens, d'une heure environ chacun, ont été retranscrits, ré-assemblés et appris par les actrices. Le tournage a repris le dispositif d'entretiens en face-à-face que la chercheuse a conduits pendant l'année de son étude. Le montage a suivi aussi la progression des thèmes abordés dans les entretiens réels :
1- l'entrée dans la vie politique, les éventuels sacrifices consentis notamment celui d'une carrière professionnelle normale ;
2- la découverte de la vie politique et du machisme qui y règne ;
3- le travail politique au féminin. « De prime abord, elles affirment toutes qu’il n’y a pas de différence, se souvient la chercheuse. Mais dès qu'on entre dans le détail, que l'on parle de la voix, de la prise de parole... de grandes différences apparaissent avec les hommes : les femmes se pensent a priori incompétentes, elles participent donc moins aux débats, à l'opposé de leurs confrères qui sont d’emblée plus à l’aise. »
4- l'importance de l'apparence et de la présentation de soi (« un thème aussi très sexué ») ;
5- enfin, la question de la vie privée, des enfants, des couples.
Si ces 57 femmes interrogées (âgées de 27 à 65 ans, élues au Conseil de Paris, conseillères régionales d'Île-de-France, députées, sénatrices et pour quelques-unes d'entre elles ex-ministres) dessinent le monde politique qu'elles vivent comme un champ de bataille, Camille Froidevaux-Metterie y voit aussi un paysage qui change : « Certes, dans la vie interne des partis politiques, les procédures de désignation des candidats favorisent encore beaucoup les hommes : il faut gravir les échelons internes, c’est là souvent que les femmes abandonnent. Mais tous les grands partis ont eu à leur tête des femmes (Michèle Alliot-Marie pour le RPR, Martine Aubry pour le PS et Marine Le Pen aujourd'hui au FN). »
Paradoxalement, la fin du cumul des mandats n'est pas plébiscitée par les femmes pour accélérer la mutation : « Certaines élues sont farouchement contre l'interdiction. Elles pensent que les hommes en profiteront pour favoriser les femmes qui leur seraient “inféodées”. »
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