Du 15 septembre au 31 octobre 2014 s’est déroulée en Bretagne une enquête publique sur la centrale à gaz que Poweo Direct Énergie veut construire à Landivisiau (Finistère). Ce projet d’une capacité de 446 mégawatts (MW) retient l’attention car en pleine crise du secteur gazier, sa rentabilité économique repose sur une aide publique pouvant s’élever jusqu’à 40 millions d’euros par an pendant 20 ans, financée par la contribution au service public de l’électricité (CSPE). C’est aussi une centrale thermique brûlant du gaz, qui émet du CO2 et dérègle le climat, en flagrante contradiction avec les objectifs affichés de réduction des gaz à effet de serre.
Au total, l’enquête publique recense 2 900 observations et deux pétitions. Mais la présidente de la commission d’enquête a procédé à un curieux classement : alors qu’au total lui sont parvenues 2 274 contributions défavorables à la centrale et 406 favorables, elle a décompté à part 1 915 documents opposés au projet. Ces lettres rédigées à la main ou par ordinateur lui ont pourtant été remises en main propre, en douze fois, par des membres de l’association “Landivisiau doit dire non à la centrale” (LDDNC). Chaque paquet déposé a fait l’objet d’un récépissé officiel, daté et signé de sa main. L’avis final de la commission d’enquête ne retient que 359 observations défavorables contre 350 favorables, un faible écart. Il précise « qu’il convient d’ajouter à ce décompte » 683 lettres types, 1 232 contributions libres, une pétition de 148 signatures et 3 cyberpétitions contre le projet. Au total, toutes les voix apparaissent dans l’avis de la commission mais toutes ne sont pas décomptées à parts égales. Pour Alexandre Faro, avocat de LDDNC, « cette compilation dévalorise les participations défavorables au projet et survalorise les favorables. Les opposants ont joué le jeu de l’enquête publique et regrettent qu’on ne reconnaisse pas la valeur de leur travail ». Jointe par téléphone, Michelle Tanguy, la présidente de la commission d’enquête, par ailleurs directrice d’une agence d’urbanisme à Lorient, botte en touche : « Je n’ai plus en tête le dossier. Je ne peux pas vous répondre. » Un peu plus tard, elle précise par SMS : « L'enquête est close. Ma mission a pris fin. Je n'ai rien d'autre à ajouter. »
L’avis de l’enquête publique n’est que consultatif : c’est toute la limite de ce type de consultation, qui n’a rien à voir avec la démocratie participative. Même si elle avait rendu un avis défavorable au projet, rien n’aurait obligé la puissance publique à le suivre. C’est tout l’enjeu de la réforme de la démocratie environnementale annoncée par François Hollande après la mort de Rémi Fraisse sur le site du barrage de Sivens, et qui a fait l’objet d’une commission présidée par le sénateur socialiste Alain Richard, qui devait rendre son rapport mercredi 3 juin à Ségolène Royal.
Mais la mésaventure des opposants à la centrale à gaz de Landivisiau est révélatrice de l’étanchéité de l’administration et de ses représentants aux critiques des citoyens à l’encontre des projets d’aménagement du territoire. Malgré les presque 2 000 avis défavorables, malgré la contre-expertise précise et argumentée des opposants au « pacte électrique breton » estimant nécessaire la construction d’une nouvelle centrale thermique (voir ici), la puissance publique poursuit son chemin sans ciller. Le 22 avril, le ministère de l’écologie a déclaré d’utilité publique la construction des lignes à haute tension devant transporter l’électricité produite par le futur site. Le 6 mai, la préfecture du Finistère a délivré l’arrêté d’autorisation de la centrale. Trois associations l’attaquent devant le tribunal administratif, pour son défaut de prise en compte des avis exprimés et pour absence d’identification des besoins en énergie, alors que la commande publique s’engage sur le projet pour vingt ans. Devant le conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, Xavier Caïtucoli, président de Direct Énergie, a déclaré que « sans cette subvention, il n’y aurait pas de centrale à cycle combiné gaz ». Cet aveu interroge sur les usages de l’argent public, en l’occurrence celui des consommateurs d’électricité, en période affichée de transition énergétique.
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