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De l’UMP aux Républicains : l’opération de blanchiment de Sarkozy

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C’est la dernière touche apportée à son projet. Celle qui vient conclure sept mois de stratégies et de petits arrangements internes tournés vers un seul et même but : réendosser le costume de Bonaparte. En organisant, ce samedi 30 mai à Paris, le congrès refondateur de sa famille politique, Nicolas Sarkozy s’offre l’occasion de montrer à ses adversaires qui est le véritable patron de l’UMP, désormais rebaptisée “Les Républicains”.

L’ancien chef de l’État a beau assurer, en parlant de lui à la troisième personne, qu’il ne s’agit pas du « parti de Sarkozy ou d’un autre », mais d’une « force qui prépare l’avenir », nul ne doute que le seul avenir qui l’intéresse est le sien. Alain Juppé, François Fillon, Bruno Le Maire et consorts s’entêtent à vouloir le concurrencer pour la primaire de 2016 ? Il leur impose une journée entièrement dédiée à sa gloire personnelle.

Nicolas Sarkozy et quatre des élus UMP choisis pour animer le congrès refondateur du 30 mai.Nicolas Sarkozy et quatre des élus UMP choisis pour animer le congrès refondateur du 30 mai. © Twitter/@NicolasSarkozy

Jeudi 28 et vendredi 29 mai, les 213 030 militants revendiqués par le parti de la rue de Vaugirard étaient appelés à répondre par vote électronique aux trois questions suivantes :

  • Approuvez-vous “Les Républicains” comme dénomination de notre mouvement ?
  • Approuvez-vous les projets de statuts et de règlement intérieur issus des travaux de la commission de révision des statuts ?
  • Approuvez-vous la liste de candidats, adoptée en bureau politique le 19 mai 2015, en vue de la composition du premier bureau politique ?

Ils sont 97 440 à s’être prononcés, soit 45,74 %. Un score évidemment salué par les élus de droite encore présents sur Twitter vendredi soir, mais qui paraît pourtant bien faible au regard des résultats qu’obtenait le PS quand il était dans l’opposition (en 2008, le congrès de Reims avait par exemple réuni 130 000 votants). Sans surprise, une grande majorité des militants UMP ont répondu “oui” aux trois questions (voir le détail des résultats sous l’onglet “Prolonger”).

Pour les proches de Nicolas Sarkozy, ces résultats apparaissent comme un plébiscite de l’action menée par le patron de l’opposition depuis son retour en politique. Comme il l’avait calculé, l’ancien chef de l’État peut désormais se targuer d’être lui aussi un “père fondateur” de la droite. Il se rêve en de Gaulle et souhaiterait ardemment que chacun l’envisage ainsi. C’est pourquoi il cultive la ressemblance avec le général dans le moindre détail. Mais hormis son fidèle Hortefeux, personne n’y croit sérieusement.

Juste après sa diffusion, l'appel de Nicolas Sarkozy a circulé sur les réseaux sociaux, accolé à celui de De Gaulle.Juste après sa diffusion, l'appel de Nicolas Sarkozy a circulé sur les réseaux sociaux, accolé à celui de De Gaulle. © DR

Ainsi démarre la vaste opération de blanchiment imaginée par Nicolas Sarkozy. Tout doit passer à la lessiveuse, à commencer par sa propre image. En changeant le nom de l’UMP, comme il l’avait promis lors de la campagne pour la présidence du parti, l’ex-chef de l’État peut clamer sans rougir aux militants : « Quand je pense quelque chose, je le dis. Quand je dis quelque chose, je le fais. » S’il veut aller au bout de ses ambitions élyséennes, le patron de l’opposition doit convaincre tous les déçus de 2007 qu’il tiendra désormais ses promesses.

Ses adversaires en interne sont loin d’être dupes. « Il s’organise pour gagner », souffle l’un d’entre eux. Mais piégés dans le village Potemkine du « grand rassemblement », ils assistent, impuissants, à la nette progression de Nicolas Sarkozy dans la course à 2017. Aucun croche-pattes n’est possible. Le risque de se voir accuser de divisions est beaucoup trop grand. L’ex-chef de l’État a cédé sur la primaire. Il a fait quelques concessions pour arranger tout le monde sur les nouveaux statuts (qui n’engagent pas de modifications profondes) et sur la composition du bureau politique enrichi de 20 membres supplémentaires. C’est déjà bien suffisant à ses yeux. Du coup, il s’approprie la lumière.

En l’espace d’un semestre, le patron de l’opposition a déjà réussi à écarter deux de ses adversaires à la primaire : Xavier Bertrand, dont nul ne sait trop ce qu’il est devenu, et François Fillon, qu’il souhaite voir « à terre et sans oxygène » et qu’il fait passer, en attendant, pour le « pire des traîtres ». Comme le souligne Éric Ciotti, Sarkozy « avance tel une colonne de chars dans le désert ». Parmi les candidats sérieux au scrutin de 2016, c’est-à-dire s’étant préparés assez tôt pour espérer concourir, restent donc Alain Juppé et Bruno Le Maire. L'ex-chef de l'État a accordé à chacun d’entre eux un temps de parole de 10 minutes ce samedi. Lui s’est réservé trois quarts d’heure.

C’est son moment. Celui qu’il voudrait graver dans les mémoires comme le jour où fut lancé le « parti politique moderne digne du XXIe siècle ». Mais ses opposants ne l’entendent pas de cette oreille. « On change de nom, voilà. Ce congrès est surtout un moment coûteux pour pas grand-chose », minimise Gilles Boyer, le conseiller politique d’Alain Juppé. Pour parer ce type de critiques, le trésorier de l’UMP, Daniel Fasquelle, répète depuis un mois que l’événement est placé sous le signe de la « sobriété ». Il a tout de même dégagé plus de 500 000 euros pour l’organiser.

Pour un parti dont les caisses sont vides, la somme est coquette. Elle n’a cependant rien à voir avec les 5 millions d’euros déboursés en 2004 pour le grand show à l'américaine du Bourget, durant lequel Nicolas Sarkozy avait été sacré patron de l’UMP, avec 85,1 % des voix. À l’époque, la primaire n’existait pas. La droite n’en avait pas besoin. Elle avait déjà trouvé son homme providentiel. Fin novembre, après deux ans d’une existence moribonde sous la présidence d’Alain Juppé, le parti naissait pour de bon au son des promesses de son nouveau président.

Première élection de Nicolas Sarkozy à la tête de l'UMP, le 28 novembre 2004, au congrès du Bourget.Première élection de Nicolas Sarkozy à la tête de l'UMP, le 28 novembre 2004, au congrès du Bourget. © Reuters

« Je veux que chaque adhérent ait un rôle à jouer, que son avis soit sollicité, que par-dessus tout il se sente respecté », « Je veux que notre formation devienne un grand mouvement populaire », « Je veux rassembler »…, clamait-il alors. Dix ans et un quinquennat plus tard, rien n’a changé ou presque. Nicolas Sarkozy est redevenu patron de l’UMP, élu cette fois avec 64,5 % des suffrages exprimés. Et il “veut” toujours la même chose. « Un mouvement avec des adhérents qui participent, qui font des choix, qui sont des bâtisseurs », « créer le premier parti du XXIe siècle », « rassembler »… Des formules copiées-collées pour une seule et même ambition : conquérir l’Élysée.

Au jeu des différences, Gilles Boyer note tout de même un point essentiel : « En 2004, nous avions une montagne d’argent, aujourd’hui, nous avons une montagne de dettes. » Au mois de mars, elle culminait encore à 69,3 millions d’euros. L'ardoise est aussi colossale que les excès de l'UMP le furent à partir de 2004. Rue de Vaugirard, la décennie qui vient de s’écouler ne garde pas seulement le goût du champagne, elle conserve également la saveur désagréable des affaires. La faire disparaître constitue le principal enjeu de l’opération de blanchiment du parti.

En reprenant la tête de l’opposition, Nicolas Sarkozy avait un but très précis : ripoliner la vitrine de l'UMP pour remiser les ennuis dans l’arrière-boutique. De la même façon qu’il est revenu en politique pour se protéger judiciairement, l’ex-chef de l’État a décidé de changer le nom du parti en raison du « calendrier judiciaire » qu’il se dit contraint de gérer depuis l’affaire Bygmalion. Il n’est pas le seul à avoir fait ce calcul. « Changer de nom était devenu nécessaire compte tenu des turbulences et des affaires qui ont terni le sigle de l’UMP depuis deux ou trois ans », reconnaît l’ancien président de l’Assemblée, Bernard Accoyer.

Mais la manip’ est tellement grossière qu’elle risque de faire long feu. D’autant que derrière ce nouveau parti se cachent toujours les mêmes protagonistes : Jean-François Copé, Claude Guéant, Patrick Balkany, Guillaume Peltier… et bien sûr, Nicolas Sarkozy lui-même. Les ex-UMP qui ont maille à partir avec la justice pourront s’appeler “Les Républicains”, les enquêtes judiciaires les visant ne s’arrêteront pas pour autant. Telles sont les limites de la lessiveuse mise en place par le patron de l’opposition : elle ne blanchit pas les gens.

C’est certainement ce qui fait le plus défaut à l’ex-chef de l’État. L'entourage. Depuis 2004, il a perdu toutes les têtes pensantes qui figuraient parmi ses proches pour ne conserver que les amis embarrassants. Emmanuelle Mignon, le cerveau de la campagne victorieuse de 2007, a déserté les rangs depuis fort longtemps. Résultat : à deux ans de la présidentielle, pas la moindre idée nouvelle n'émerge de la rue de Vaugirard. En réunions publiques, Nicolas Sarkozy fait des blagues, mais ne semble guère pressé de parler propositions. La question du projet politique a été renvoyée à juin 2016. En attendant, l’ex-chef de l’État continuera d’alimenter sa lessiveuse en vapeur médiatique.

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

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