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L’Institut Curie soupçonné d’escroquerie à la Sécurité sociale

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L’Institut Curie, célèbre organisme de cancérologie, se serait livré à une pratique « pouvant recevoir la qualification d’escroquerie » au préjudice de la Caisse primaire d’assurance maladie, selon un courrier adressé par le cabinet d’avocats Avi Bitton au procureur de la République de Paris.

Ce cabinet d’avocats défend des salariés de l’Institut visés par un plan de licenciements (lire notre article sur ce plan social). Il a adressé au procureur un signalement s’appuyant sur des témoignages de médecins et sur un ensemble de documents mettant en évidence une pratique qui aurait permis à l’Institut, pendant des années, de facturer deux fois certains examens radiologiques et ainsi d’obtenir, de manière répétée, deux remboursements pour un seul examen médical.

Mediapart a cherché à contacter le président de l’Institut Curie, le professeur Thierry Philip, en déplacement le 21 mai et pas joignable rapidement. Son service de communication nous a dit « rassembler les éléments nécessaires » pour nous répondre « dans les meilleurs délais ».

La pratique signalée par les avocats a été dénoncée et critiquée en interne par plusieurs médecins de l’Institut. Elle concerne les examens réalisés par une technique d’imagerie « hybride » dite TEP/TDM. Cette technique utilise une machine qui combine deux procédés : celui du scanner « conventionnel » qui montre l’anatomie des tissus, et la tomographie à émission de positons (TEP), qui révèle le métabolisme des cellules. L’examen réalisé à l’aide de cette machine hybride permet de caractériser les tumeurs et d’analyser leur réponse à un traitement.

La technique hybride constitue donc en elle-même un progrès. Le « stratagème » mis en œuvre à l’Institut Curie consiste grosso modo à utiliser la partie « scanner conventionnel » de la machine comme si elle était autonome. C’est-à-dire que lorsqu’un patient est examiné dans la machine, en plus de l’examen TEP/TDM, il repasse dans le scanner, cette deuxième acquisition permettant d’obtenir une image scanographique (TDM). Autrement dit, on fait comme si deux examens avaient été réalisés au lieu d'un.

Cela pose plusieurs problèmes. Techniquement, le scanner TDM de la machine hybride n’est pas paramétré pour fonctionner comme s’il était autonome. Dans la technique hybride, les images scanographiques n’ont qu’une valeur de support anatomique, et n’ont pas les qualités requises d’un examen TDM à part entière. Qui plus est, ce scanner TDM n’a pas été homologué et inscrit dans la carte sanitaire, du fait qu’il est censé jouer un simple rôle d’auxiliaire de la TEP dans la machine complète.

De plus, pour réaliser la deuxième acquisition, on augmente la dose reçue par le patient. Et l’on doit injecter un produit de contraste, qui nuit à la qualité de l’image TEP/TDM. Tout cela est évidemment contraire aux pratiques réglementaires.

Quel est le but de cette manipulation ? Selon les avocats, « il apparaît que la fondation Curie déclare, auprès de la caisse d’assurance maladie, la réalisation de deux examens médicaux pour chaque patient faisant l’objet de l’examen d’imagerie hybride TEP/TDM, usant, vraisemblablement, d’une ruse lui permettant de donner force et crédit à l’existence d’un second examen ».

Les avocats font état de témoignages de membres de la fondation Curie selon lesquels la direction aurait adressé des feuilles de soins à la caisse d’assurance maladie « en mentionnant l’examen TEP/TDM sous deux dénominations différentes », faisant donc croire que deux examens ont été effectués. Le « stratagème » aurait impliqué la rédaction, à chaque fois, de deux comptes rendus pour ce qui était en réalité un examen unique. Selon les avocats, « cette pratique permet à l’Institut Curie de facturer deux fois le même examen sous deux dénominations différentes ».

Selon des témoignages recueillis par Mediapart, cette pratique s’est répétée régulièrement depuis plusieurs années, et plusieurs dizaines d’examens par an auraient été ainsi dédoublés depuis 2007. Plusieurs médecins des services d’imagerie ont dénoncé ces pratiques illégales, mais se sont trouvés en conflit avec la direction qui aurait refusé d’y mettre fin.

D’après les éléments rassemblés par les avocats, l’Institut Curie aurait effectivement obtenu des remboursements d’actes médicaux sur cette base irrégulière, et les doubles facturations auraient perduré, malgré l’opposition de médecins, et dans un contexte social tendu lié aux licenciements.

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