Ancien juge d’instruction et actuel responsable des questions de justice à l’UMP, le député du Rhône Georges Fenech avait signé en décembre 2014 une tribune sur l’affaire Kerviel, dans laquelle il faisait part de son « malaise » face à la désignation d’un « coupable idéal ». « Le syndrome de l'erreur judiciaire ou, a minima, celui d'un procès inéquitable envahit les esprits », avait-il écrit dans le JDD. Après les révélations de Mediapart, l’élu UMP « appelle de [ses] vœux une révision de ce procès ». « Je vois mal comment la puissance publique, l’autorité judiciaire, le parquet, pourraient balayer d’un revers de main cet événement », dit-il.
Quel regard portez-vous sur l’affaire Kerviel à la lumière des nouveaux éléments ?
Georges Fenech. J’ai depuis le début de cette affaire le sentiment que la justice n’est pas allée jusqu’au bout. J’avais rencontré Me Koubi, l’avocat de Jérôme Kerviel, sur le sujet. Je m’étais immédiatement rendu compte que certains éléments du dossier n’avaient pas été explorés : scellés, boîtes mails… Certains témoins n’avaient pas pu s’exprimer librement. Cette enquête apparaît aujourd’hui comme ayant été tronquée. On a le sentiment que la justice a été trompée. Cela ne veut pas dire que l’on dédouane complètement Kerviel de ses responsabilités, mais qu'il semble clair que le jugement qui a été rendu ne concerne qu’une petite partie de l’affaire. À ce titre, je considère qu’il n’est pas satisfaisant.
Le procès doit-il être révisé ?
Le témoignage que la commandante de police chargée de piloter cette affaire à la brigade financière a livré au juge Roger Le Loire est sans précédent dans l'histoire judiciaire. Sa déclaration mérite à elle seule une révision du procès et j’appelle de mes vœux cette révision. D’ailleurs, je vois mal comment la puissance publique, l’autorité judiciaire, le parquet, pourraient balayer d’un revers de main cet événement. La balle est désormais dans les mains de la chancellerie.
Que pensez-vous du rôle de la Société générale dans cette affaire ?
On ne peut pas reprocher à l’une des parties d'avoir voulu se défendre. Pour autant, les moyens engagés par cette banque [100 millions d’euros pour les seuls frais de communication – ndlr] n’ont rien à voir avec ceux de Jérôme Kerviel. Cela participe forcément au malaise. La question que soulève cette affaire est surtout celle de l’inefficacité et de l’impuissance de la justice et des enquêteurs pour démasquer le vrai du faux face à la puissance financière des grandes banques. Il faudrait donner beaucoup plus de moyens à la justice, et notamment à la justice financière, pour qu’elle puisse réaliser de vraies enquêtes. Pour le moment, ces moyens sont dérisoires.
Le député PS Yann Galut demande la création d'une enquête parlementaire. Soutenez-vous cette initiative ?
C’est compliqué de réaliser une commission d’enquête parlementaire car on ne peut pas le faire sur une procédure en cours. Or le volet civil de l’affaire a été cassé par la Cour de cassation et doit être de nouveau jugé. On pourrait en revanche imaginer une commission d’enquête parlementaire sur le fonctionnement général des marchés boursiers, etc. Pourquoi pas ?
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