Pestiféré, fâché avec la terre entière, Patrick Buisson n’a plus grand-chose à perdre. Pour gagner de l’argent, il est donc prêt à tout. D’après nos informations, l’ancien « hémisphère droit » de Nicolas Sarkozy et de Jean-François Copé traîne aujourd’hui l’UMP devant la justice pour exiger le règlement de factures qu’il estime impayées. Une bataille d’avocats est ainsi programmée pour le mois de juin prochain devant la 4e chambre civile du tribunal de grande instance de Paris (celle du droit des obligations).
Alors que Patrick Buisson a été remercié par Jean-François Copé à la fin 2012 (ou début 2013), après des années de « bons » et loyaux services, il semble considérer que son contrat avec l’UMP n’a pas été résilié en bonne et due forme. Jean-François Copé y aurait mis fin verbalement…
On comprend que Patrick Buisson s’y accroche. Passé avec l’UMP via sa société Publiopinion, ce marché lui rapportait à l’époque 31 993 euros par mois pour des commandes de sondages et pour de l’analyse d’opinion – soit quasiment 400 000 euros par an.
Après une phase d’inertie au lendemain de son éviction, Patrick Buisson a décidé de se rebeller. Au printemps 2014, il aurait ainsi adressé une première mise en demeure à Jean-François Copé, son ancien « poulain », afin de réclamer le paiement d’une liasse de factures au titre de l'année 2013. Quelques mois plus tard, il franchissait un pas supplémentaire en assignant le parti.
Celui-ci refuse depuis de payer ces mensualités – qu'il a tout de même provisionnées. Considérant ne rien devoir à Patrick Buisson, l'UMP argue du fait qu’aucune prestation correspondant à ces drôles de factures n’a jamais été livrée.
En choisissant aujourd’hui d’étaler ces affaires sur la place publique, Patrick Buisson donne l’impression de jouer une revanche contre l’actuel président de l’UMP, Nicolas Sarkozy. En mars 2014, en effet, les deux hommes s’étaient affrontés dans les prétoires par avocats interposés, après que la presse avait dévoilé des enregistrements réalisés par Patrick Buisson en toute clandestinité à l’Élysée, son petit dictaphone planqué dans la poche, au grand dam de Nicolas Sarkozy (Mediapart avait récupéré des extraits dans la foulée du Canard enchaîné et d’Atlantico, puis publié un article ici).
Trahis, l’ancien président et son épouse (qu’on entendait aussi sur les bandes) avaient illico déposé plainte pour atteinte à la vie privée et obtenu 10 000 euros d’indemnités chacun. Si Nicolas Sarkozy avait renoncé à réclamer son dû, Carla Bruni avait humilié Patrick Buisson en lui envoyant un huissier à TF1 (où l’ancien journaliste d’extrême droite continue de diriger la chaîne Histoire).
À vrai dire, à l’origine, c’est Nicolas Sarkozy lui-même qui avait « infiltré » Patrick Buisson à l’UMP, au début de l’année 2010 (comme le racontent nos consœurs Ariane Chemin et Vanessa Schneider dans leur biographie de ce dernier, Le Mauvais Génie). À l’époque, le conseiller « sondages » de l’Élysée venait de se faire épingler par la cour des comptes, qui jugeait son contrat à la présidence « exorbitant » – une information judiciaire sur des soupçons de « favoritisme » et de « détournements de fonds publics » est toujours en cours (voir notre dossier sur cette « affaire des sondages »).
Contraint de réduire la voilure à l’Élysée, Nicolas Sarkozy s’était donc arrangé pour que le secrétaire général de l’UMP, Xavier Bertrand, compense le « manque à gagner » de Patrick Buisson via un contrat de 10 000 euros par mois. À peine Jean-François Copé arrivé à la tête du parti, fin 2010, un avenant au marché avait ensuite fait tripler ce montant. D’après Ariane Chemin et Vanessa Schneider, Patrick Buisson se gaussait ainsi auprès de certains amis : « C’est rigolo, non, de piquer de l’argent à un juif ? »
BOITE NOIRESollicité par Mediapart, Patrick Buisson n'a pas souhaité faire de commentaire.
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