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Attentats : le projet de loi renseignement n'aurait pas changé grand-chose

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À la suite de l’arrestation fortuite dimanche de Sid Ahmed Ghlam, soupçonné du meurtre d'une professeure de fitness à Villejuif (Val-de-Marne) et d’avoir voulu commettre un attentat dans deux églises de Villejuif, le gouvernement a aussitôt embrayé sur la justification de son projet de loi sur le renseignement, en discussion au Parlement et très décrié : « Nous devons toujours améliorer notre capacité de renseignement dans l’État de droit d'aujourd'hui et dans celui de demain, a déclaré mercredi 22 avril le président François Hollande. C'est la raison pour laquelle il y a un texte en discussion, je souhaite que ce texte soit adopté. » Sur TF1 mercredi, le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve a ajouté : « Nous sommes en train de mettre en place des dispositifs de ciblage de la lutte antiterroriste destinés à renforcer l’efficacité des services (…). La loi sur le renseignement est là pour ça. » Allant plus loin, le premier ministre Manuel Valls a lui affirmé jeudi matin sur France inter que « la loi sur le renseignement aurait donné plus de moyens aux services de renseignement pour effectuer un certain nombre de surveillances ».

Mais qu'en est-il réellement ? On sait que Sid Ahmed Ghlam est un étudiant en informatique de 24 ans, de nationalité algérienne, déjà fiché par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Selon Le Monde, il avait été signalé par l'un de ses proches au printemps 2014 après avoir émis le souhait de rejoindre la Syrie. Le jeune homme est alors convoqué par la DGSI pour un entretien administratif, comme cette dernière a pris l'habitude de le faire pour « mieux cerner le profil type des personnes impliquées dans les filières terroristes », selon un rapport du Sénat.

En février 2015, il disparaît pendant une semaine en Turquie. Dès son retour, il est à nouveau convoqué par la DGSI et placé sous surveillance. Mais une nouvelle fois, celle-ci ne permet pas de recueillir assez d'éléments pour ouvrir une procédure judiciaire. « Nous avons procédé à toutes les vérifications qui devaient être faites. À partir du moment où ces vérifications ne révèlent pas de connexions avec des milieux terroristes, nous sommes dans un État de droit et dans un État de droit, nous luttons contre le terrorisme en respectant les principes du droit », a affirmé Bernard Cazeneuve. Au moment de son arrestation, il faisait cependant l'objet d'une fiche S13, pour “sûreté de l’État”, correspondant à un danger « moyen » selon le ministère de l'intérieur, et impliquant un signalement en cas de contrôle de police « sans attirer l'attention ». Ce qui n'implique pas nécessairement une surveillance active des services de renseignement.

Dimanche dernier, vers 8 h 50, Sid Ahmed Ghlam, qui s'est blessé avec une arme, appelle le Samu depuis le XIIIe arrondissement de Paris. Il affirme qu'un homme lui a tiré sur les jambes pour lui voler son sac. Les secours l'emmènent à l'hôpital et préviennent les policiers, comme c'est la procédure en cas de blessure par arme. Ceux-ci remontent les traces de sang qui les conduisent jusqu'à la voiture du jeune homme. À l'intérieur de celle-ci, ils trouvent dans un premier temps un gyrophare. Parallèlement, les services de renseignement sont alertés par l'identité de la “victime”. La perquisition du domicile et du véhicule de Sid Ahmed Ghlam est ordonnée. Dans la voiture, les policiers découvrent un fusil mitrailleur de type kalachnikov et deux pistolets automatiques. Dans son appartement, situé non loin de la bibliothèque François-Mitterrand, ils trouvent trois autres kalachnikovs, quatre gilets pare-balles, des gyrophares et des brassards de police. Les enquêteurs auraient également mis la main sur des documents évoquant un projet d'attentat, dimanche dernier, contre deux églises de Villejuif au moment de la messe. Sid Ahmed Ghlam a été immédiatement placé en garde à vue. Celle-ci peut durer six jours, en cas de risque d’action terroriste imminente. L'enquête a été confiée à la brigade criminelle ainsi qu'à la DGSI.

Qu'aurait apporté le texte sur le renseignement en cours d'adoption ? Manuel Valls s'est bien gardé jeudi matin de préciser sa pensée. Le projet de loi légalise certaines techniques de renseignement intrusives (balises GPS, sonorisations, IMSI-catchers, etc.) déjà utilisées par les services et élargit les « finalités » du renseignement bien au-delà du terrorisme (par exemple à « la prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions » et « des violences collectives de nature à porter atteinte à la sécurité nationale »). Il autorise aussi l'installation d'algorithmes directement sur les réseaux des hébergeurs ou fournisseurs de services, pour détecter des comportements suspects en fonction de critères prédéfinis.

Or, comme avant lui les frères Kouachi ou Mohamed Merah, Sid Ahmed Ghlam était déjà dans les radars de la DGSI. Les fameux algorithmes auraient donc été a priori de peu d'utilité. « Il y a eu un signalement de Ghlam à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) au printemps 2014. Elle l'a convoqué et des données de connexion concernant sa téléphonie ont été récupérées. Elles n'ont rien révélé », a expliqué Bernard Cazeneuve sur TF1. Et « lorsqu'au début de l'année 2015, nous avons eu d'autres informations selon lesquelles il aurait pu se déplacer en Turquie pour un voyage qu'il a justifié par des raisons touristiques, le même processus a été mis en place. Il n'a rien révélé », a poursuivi le ministre de l'intérieur.

Une fois Sid Ahmed Ghlam repéré, le projet de loi sur le renseignement aurait-il alors permis de mieux le surveiller ? Faisons un peu de fiction. Le texte aurait-il par exemple permis aux services de sonoriser son domicile ? Légalement peut-être (si cela avait été jugé proportionné par le Premier ministre), mais rien ne dit que les services auraient considéré Sid Ahmed Ghlam comme une cible suffisamment sérieuse pour mettre en œuvre une technique aussi intrusive. À en croire Bernard Cazeneuve, ils n'avaient en effet apparemment pas jugé utile de le mettre sur écoute ou de le filocher (ce qui est autorisé dans le cadre de la loi actuelle). Les soupçons de terrorisme permettent en effet, en l'état actuel du droit, de déclencher toute une série de mesures comme la mise sous écoute de ses communications téléphoniques, l'interception de ses communications électroniques ou encore la collecte de ses données de connexion sur Internet.

Le défi n'est donc pas tant de repérer des profils dangereux que de hiérarchiser les cibles, comme l'a souligné un récent rapport du Sénat. Après les attentats de Paris, le nombre de « personnes radicalisées » signalées est passé de 1 498 à 3 246 en trois mois. Les individus impliqués directement dans les filières syriennes (1 432) représentent désormais près de la moitié des « 3 000 individus nécessitant une attention particulière de la DGSI ». Les services de renseignement, « débordés », n’arrivent plus à suivre « alors même que les événements de janvier 2015 ont montré l’impérieuse nécessité de ne pas négliger la surveillance des cibles plus anciennes », indique ce rapport de la commission d'enquête sur les filières djihadistes.

« Je crois qu'il vaudrait mieux se focaliser sur le renseignement de terrain que sur ce que propose la loi renseignement, estime dans Atlantico le chercheur François-Bernard Huygue, chercheur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Ce qu'elle propose apporte peu dans la lutte contre le terrorisme. Et il n'est pas très utile de vouloir trouver de nouveaux profils suspects si l'on n'arrive déjà pas à traiter efficacement ceux que l'on a déjà dans nos dossiers. »

La découverte d'un véritable arsenal dans la voiture et au domicile de Sid Ahmed Ghlam (quatre fusils kalachnikovs, un revolver Sphinx, un Sig sauer déclaré volé par un policier, et des chargeurs) pose une autre question. Comment est-il possible à un individu, faisant l'objet d'une fiche S, de se procurer aussi facilement des armes sans attirer l'attention de la PJ et de la DGSI ? « Nous constatons que bon nombre de trafics d'armes ou matières illicites transitent sur le territoire à bord de véhicules routiers, indique dans un communiqué du 22 avril la CGT police, un syndicat minoritaire (1,4 % des voix aux dernières élections). Pourquoi ne pas en tenir compte ? Les exemples récents n’ont semble-t-il pas été analysés. Focaliser toute l’attention sur les réseaux informatiques ne résoudra rien. C'est certes un élément à suivre, mais c’est insuffisant. »

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Alerte info BFM


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