Une soixantaine de notes rédigées à la main sur des feuilles de classeur par le docteur Jacques Servier, fabricant du Mediator, restées secrètes jusqu’ici, dévoilent le fonctionnement du lobbying pharmaceutique. Écrites entre 1994 et 2002, elles ont été saisies lors d’une perquisition dans les locaux du groupe ordonnée par les juges du tribunal de grande instance de Paris chargés d'instruire l'affaire du Mediator. Ces notes confidentielles, que Mediapart a pu se procurer, constituent un matériau exceptionnel. Il révèle de l’intérieur les manœuvres du laboratoire pour défendre les prix et le statut de ses produits auprès des ministres et de l’administration.
Jacques Servier décrit dans un style elliptique un univers d’intrigues, de rivalités, d’influences et de règlements de comptes. Il cite des politiques, de nombreux acteurs de la santé, des professeurs de médecine. Ses notes sont difficiles à déchiffrer, parfois illisibles. Le patron du Mediator formule des jugements lapidaires, qui expriment ses positions très tranchées sur l'industrie du médicament : il n'aime pas les laboratoires américains et considère que l'intérêt de la France s'identifie à celui des firmes françaises, à commencer par la sienne.
Servier se plaint de la « malhonnêteté » de l’administration, dénonce les « manœuvres » du laboratoire américain Eli Lilly, fabricant du Prozac, à qui il reproche sa promotion des anti-dépresseurs et qui, prétend-il de manière elliptique, « aurait financé le précédent gouvernement pour 200 millions » (la phrase, écrite en mai 1994 – gouvernement Balladur –, viserait donc le gouvernement Bérégovoy).
Il qualifie la vaccination obligatoire contre l’hépatite B de « cadeau de Douste-Blazy à SKB (laboratoire britannique producteur du vaccin, devenu une composante de GSK – ndlr) ». Philippe Douste-Blazy, qui a pris cette mesure en 1994, est un ami de Servier de longue date.
Il signale un laboratoire dont les associés « blanchiraient de l’argent » avec la protection d’un membre de l’Agence du médicament, dénonce une « malversation » sur l’hépatite C, ou la « mafia Tabuteau-Vial ». Didier Tabuteau, premier directeur de l’Agence du médicament, a été membre des cabinets de Claude Evin puis de Bernard Kouchner ; Servier ne le considère manifestement pas comme un ami ; pas plus que Daniel Vial, lobbyiste avec qui a travaillé Jérôme Cahuzac (lire notre article). L’inimitié avec Vial peut être liée à la proximité de ce dernier avec le groupe Sanofi, qui a tenté au début des années 2000 d’absorber le groupe Servier.
Ces notes de Servier mettent en vedette un autre personnage, dont Mediapart a dévoilé le rôle caché pendant des années : le professeur François Lhoste, directeur scientifique chez Servier de 1985 à 1989, qui a ensuite conseillé le laboratoire pendant de longues années, alors qu’il siégeait à partir de 1993 au Comité économique du médicament (CEM), devenu en 2000 le Comité économique des produits de santé (CEPS). Mis en examen pour prise illégale d’intérêts en avril 2014, Lhoste a participé aux travaux du comité jusqu’à ces derniers jours, puisque c’est seulement à la suite de notre article que Marisol Touraine, ministre de la santé, a demandé son exclusion.
Or, Jacques Servier a rédigé ses notes à partir de comptes rendus que lui faisait régulièrement François Lhoste. Toutes les notes portent la mention « FLH », qui désigne François Lhoste (l’intéressé l’a lui-même reconnu lors de sa déposition, d’après un document de l’instruction que nous avons pu consulter). De 1994 à 2000, Servier a rédigé entre cinq et douze notes « FLH » par an, et un peu moins en 2001 et 2002. À plusieurs reprises, les notes font état d’avis de François Lhoste ou d’interventions directes de ce dernier. Servier cherche aussi à le placer auprès des ministres. Une note du 20 novembre 1995 indique : « Un mot à Barrot sur FLH. »
Jacques Barrot, ministre de la santé de 1979 à 1981, puis des affaires sociales de 1995 à 1997, député centriste et maire d’Yssingeaux (Haute-Loire), est lié à Servier par l’intermédiaire de Madeleine Dubois, son ancienne attachée parlementaire. Entrée chez Servier en 1985, elle a été directrice de la communication du groupe jusqu’en 1995, avant de retrouver Barrot pour être son chef de cabinet au ministère des affaires sociales. La communication entre Servier et Barrot ne semble pas trop difficile. Jacques Barrot apparaît dans un document interne du groupe Servier parmi les « personnalités importantes concernant la défense des médicaments remboursés à 35 % ».
Dans une note datée du 16 octobre 1995, Jacques Servier livre un autre scoop posthume : il affirme avoir recouru à l’aide de Raymond Soubie, futur conseiller de Nicolas Sarkozy, pour défendre un médicament de son laboratoire, le Daflon, face à l’administration qui voulait en faire baisser le prix. La note précise : « Communiquer à Marmot derniers résultats Daflon… Marmot et Barrot s’entendent très bien. (Faire intervenir Barrot.) Soubie parle à Marmot de Daflon… »
À l’époque, Jean Marmot, haut fonctionnaire, est président du CEM, chargé de fixer le prix de tous les médicaments remboursés ; Jacques Barrot est ministre des affaires sociales du gouvernement Juppé ; Raymond Soubie, qui sera conseiller de Nicolas Sarkozy pour les affaires sociales de 2007 à 2010, est PDG d’un très important cabinet de conseil, Altedia (aujourd’hui intégré dans Adecco). Le Daflon est un veinotonique, classe de médicaments qui reviennent cher à la Sécurité sociale et dont le gouvernement cherche à réduire le coût.
Il n’est plus possible de confronter les points de vue des protagonistes : Jean Marmot a disparu en 2004, Jacques Servier et Jacques Barrot sont tous deux morts en 2014. Mais les liens de Soubie et Servier sont avérés. Contacté par Mediapart, Raymond Soubie ne nie pas avoir conseillé Servier sur des sujets sociaux, via sa société Altedia. Il ajoute avoir donné à Servier des conseils visant à l’aider à résister aux visées de Sanofi.
Servier mentionne d’ailleurs Soubie dans une note où il évoque Synthélabo, laboratoire qui a fusionné en 1999 avec Sanofi. Auparavant, Synthélabo était une filiale de L’Oréal et appartenait à la famille Bettencourt. Le 4 juillet 1995, Servier écrit, sans expliciter son propos : « Discuter cette affaire avec les Bettencourt (et eux seuls) (en parler à Soubie). » Interrogé sur ce point, Soubie dit ignorer totalement de quoi Servier voulait lui parler.
Soubie reconnaît aussi avoir eu avec Servier de nombreuses conversations, souvent « à bâtons rompus ». Mais il n’a pas souvenir d’être intervenu auprès du président du CEM pour défendre le Daflon : « Jean Marmot était un magistrat intransigeant, d’une rigidité inflexible, dit-il. Essayer de l’influencer sur un tel sujet n’aurait servi à rien, cela n’aurait eu d’autre utilité que de l’irriter. »
Ce n’était manifestement pas l’opinion de Servier. Le nom de Marmot est celui qui revient le plus souvent dans ses notes, alors même qu’il n’est resté à la tête du CEM que jusqu’en 1996 et qu’à en croire Soubie, il n’était pas influençable. Jacques Servier apparaît aux petits soins pour lui : « Voir Marmot », « visite à Marmot », « rassurer Marmot », « soutenir M. », « Marmot mieux suivi ». Plusieurs notes suggèrent que Servier voit en Marmot un allié dans son combat pour défendre les médicaments français. En février 1996, alors que le deuxième gouvernement Alain Juppé doit être nommé, il écrit : « Marmot pourrait être ministre de la santé. » En fait, c'est Hervé Gaymard qui prend le secrétariat d'État à la santé.
Le sujet central des notes de Servier est bien sûr la défense des intérêts de son groupe, à commencer par les prix de ses produits, pour lesquels il ne cesse de mobiliser ses alliés et relations. Ce qu’illustre parfaitement la note déjà citée du 16 octobre 1995, dans laquelle Servier fait appel à Jacques Barrot et à Raymond Soubie pour convaincre Jean Marmot des mérites du Daflon.
Le 11 décembre 1995, Servier revient sur le Daflon : « FLH s’est opposé à une proposition de déremboursement des phlébotropes… Redocumenter Marmot sur le sujet. Très urgent : passer à FLH docts (documents) sur Daflon – insister sur anti-inflammatoire. Phlébotrope pourrait faire un très bon psychoéveillant… » Clairement, François Lhoste ne se contente pas de donner des conseils, il prend des positions dans le sens de Servier et transmet des documents favorables au Daflon.
La note du 11 décembre fait référence aux phlébotropes, également appelés veinotoniques (ou phlébotoniques), la classe de médicaments à laquelle appartient le Daflon. Ces médicaments destinés à traiter les symptômes de l’insuffisance veineuse (jambes lourdes, varices) sont alors très vendus en France, bien qu’ils n’apportent pas de bénéfice flagrant et semblent plutôt moins efficaces que le recours à des bas de contention. Une étude de l’Agence du médicament, réalisée en 1999, observe qu’il y a en France 18 millions de prescriptions de veinotoniques par an, et que le marché français est le premier au monde (quatre fois plus important que le marché allemand et huit fois plus que l’italien).
On comprend que les veinotoniques soient dans le collimateur de la Sécurité sociale et du gouvernement, qui cherchent à maîtriser les dépenses de santé. En fait, les veinotoniques ont été la première classe de médicaments visés par une mesure de déremboursement, mais celle-ci a été très longue à mettre en œuvre, puisqu’elle n’a abouti qu’en 2008…
En 1995, on n’en est qu’au début. Le Comité économique du médicament s’efforce d’obtenir des nombreux laboratoires qui fabriquent des veinotoniques qu’ils acceptent de baisser leur prix. La préoccupation de Servier est à la fois d’éviter une forte baisse du prix du Daflon et d’écarter la perspective d’un déremboursement. Début 1995, Servier écrit à propos des phlébotropes : « N’accepter baisse que contre engagement de non déremboursement et sous réserve de fait scientifique nouveau. »
Selon Raymond Soubie, « Servier s’est accroché à ces produits veinotoniques, alors que je lui ai toujours dit que ce n’était pas l’avenir et que son intérêt était de rechercher des molécules nouvelles ». À l’évidence, Jacques Servier n’a pas été convaincu. En 1996, il poursuit la bataille pour les veinotoniques, comme le montre cet extrait d’une note du 30 juillet : « Classes thérapeutiques : l’agence (du médicament – ndlr) voulait d’énormes classes ex anti-hypertenseurs (mais sur intervention FLH : ce seront des classes pharmaceutiques)… »
L’idée de former des classes de médicaments plus petites, défendue par « FLH », implique que moins de produits seraient concernés par le déremboursement éventuel d’une classe. En 1995, Servier voulait déjà « séparer les phlébotoniques des phlébotropes »… Ou comment couper les cheveux en quatre pour tenter de sauver des potions inutiles. « FLH » a donc réussi à imposer les petites classes, en avançant des arguments scientifiques, mais c’est aussi un moyen indirect de protéger des médicaments menacés parce que leur service médical rendu (SMR) est insuffisant.
La suite de la note met en relief l’un des thèmes favoris de Jacques Servier, la défense de l’« intérêt de l’État ». Ce qui dans son esprit signifie l’intérêt des laboratoires français, à commencer par le sien, par opposition au « lobby » étranger, surtout américain : « Marmot commencerait à suspecter que Tab (Didier Tabuteau, directeur de l’Agence du médicament – ndlr) ne défend pas les intérêts de l’État. Preuves que les Américains sont derrière la guerre antiphlébotropes. Les socialistes aiment les laxatifs. Marmot ne veut pas de deremb des phl (déremboursement des phlébotropes – ndlr) mais réexamine le cas des produits. Negma se déclarerait en faillite. Surtout publier ulcère veineux avant la fin de l’année. Le lobby est objectivement allié des socialistes. Un bon allié serait Chevènement. »
Negma est un laboratoire français qui produit comme Servier des veinotoniques et qui est à la fois un concurrent et un allié potentiel. La publication sur l’ulcère veineux vise à faire apparaître une nouvelle utilité du Daflon, pour défendre son prix. L’hypothèse d’une alliance avec Jean-Pierre Chevènement ne manque pas de saveur, lorsque l’on connaît les préférences politiques – pas vraiment à gauche – de Jacques Servier. Quant à l’affirmation selon laquelle les socialistes aiment les laxatifs…
Fin 1996, Jean Marmot quitte la présidence du CEM, où il est remplacé par Jean-François Bénard, conseiller maître à la Cour des comptes. Servier note, le 3 février 1997, que « Marmot gardera un regard sur le médicament », et le 21 mars que « Marmot a obtenu la confirmation de Bénard ». Le 12 novembre 1998, Servier note : « Activer Marmot + RS (Raymond Soubie ? – ndlr) », sans préciser pour quel problème. Marmot réapparaît dans les notes de 2002, alors que le pouvoir est revenu à droite et que le nouveau ministre de la santé est l’UDF Jean-François Mattei. Servier note que le CV de FLH a été envoyé à Mattei et que, selon Marmot, Lhoste « serait bon comme conseiller de Mattei ». L’affaire ne se conclura pas.
Avant Mattei, il y a eu la dissolution de l’Assemblée nationale par Jacques Chirac, le 21 avril 1997. Servier, persuadé que la droite restera au pouvoir, écrit : « Sarkozy aurait les affaires sociales. » Mais c’est Martine Aubry qui succède à Jacques Barrot, tandis que Dominique Strauss-Kahn arrive aux Finances. Jacques Servier ne tarde pas à trouver des interlocuteurs adéquats.
Le 9 juin, il observe que « Lombard est très bien avec Strauss-Kahn », et se propose de « le réunir avec FLH ». Le contexte montre qu’il s’agit de Didier Lombard, futur PDG de France Télécom, à l’époque directeur général des stratégies industrielles au ministère de l’économie et des finances, chez Strauss-Kahn.
En octobre 1997, Servier souhaite recourir à Pascal Beau, membre du parti socialiste, ancien conseiller au ministère de la santé, devenu directeur-adjoint de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam). Il écrit : « Faire intervenir Pascal Beau sur la convention (directement auprès de Jospin) très influent sur Jospin. » Et, le 21 janvier 1998, il indique que Beau est « important au PS sur le médicament ». Mais on ne sait pas si Beau est réellement intervenu.
En 1999, le Daflon est toujours sur la sellette. Extrait d’une note du 21 février : « Accord gouvernemental de principe. Proposition FLH : procédure conventionnement. Daflon : on irait vers un plafonnement proche de ce qu’il est aujourd’hui… Pascal Beau aurait un rôle important (ami de FLH). Très grande importance de Strauss-Kahn… »
Malgré tous ses efforts, Jacques Servier devra accepter, en 1999 et 2000, la baisse du prix du Daflon dont le service médical rendu est insuffisant. Il a plus de succès avec le Coversyl, un anti-hypertenseur devenu le produit vedette du groupe Servier, et ses dérivés, le Preterax et le Bipreterax. François Lhoste connaît parfaitement ces produits, car il a participé à leur développement. C’est donc tout naturellement que Lhoste conseille son ancien patron sur la stratégie à suivre, comme le montre une note du 7 septembre 1998 : « Avis de FLH : voir le rapporteur… et obtenir soit Pret = Bipret = plus de 97 F ou bien Bipret = Coversyl, Preterax = Coversyl 2. Résumé : agression assez forte, bonne défense par Bénard. Demander hausse prix commun entre 100 et 105 ou mieux chaque produit au prix du Coversyl correspondant. »
Cette cuisine sur les prix vise à prolonger le succès commercial du Coversyl avec de pseudo-nouveautés. Tout en cherchant à faire apparaître comme différents des produits très similaires (on retrouve l’intérêt de la logique défendue par Lhoste contre les « énormes » classes thérapeutiques telles que les anti-hypertenseurs).
Dans une note antérieure (mars 1998), Servier défend le concept que le Preterax possède un double mécanisme d’action, et que cet argument doit être mis en avant : « Bénard pourrait faire dire à Avouac que 2 méca. » Bernard Avouac est à l’époque (depuis 1989 et pour peu de temps encore) le président de la Commission de la transparence, l’une des instances importantes pour le prix des médicaments (voir notre article Les gendarmes du médicament faisaient affaire avec les laboratoires). Plusieurs notes suggèrent que Servier considère Avouac comme un allié. Lorsque ce dernier quitte la Commission de la transparence, en 1998, Servier soupçonne une intervention de son ennemi Daniel Vial. Il note : « Avouac aurait été débarqué par Vial. »
En 2000, Jacques Servier fait campagne pour le Diamicron, un traitement d’appoint utilisé dans le diabète de type 2. Entre temps, Bénard a quitté le Comité économique du médicament, devenu le CEPS. Il a été remplacé par Noël Renaudin, que Servier ne considère pas comme un interlocuteur aussi favorable que Marmot et Bénard.
Le 10 juillet 2000, Servier prévoit d’« intervenir auprès du cab min (cabinet du ministre – ndlr) de l’industrie (sur le Diamicron – ndlr) ». Une note du 20 septembre détaille la tactique. Servier veut contacter Didier Lallemand, haut fonctionnaire au ministère de l’économie, qui s’occupe du médicament et qui est en relation avec Lhoste. L’approche doit se faire en plusieurs étapes : « Diamicron. À Lallemand : pouvez-vous faire quelque chose ? Lallemand téléphonera sans doute à Renaudin. Dire à Lallemand que nous avons à nous plaindre des experts. »
Servier prévoit ensuite de rencontrer Renaudin après avoir téléphoné à Lallemand, tout en prenant contact avec le responsable de la caisse d’assurance maladie, Pierre-Jean Lancry, et ajoute : « FLH le fait parallèlement. » Bref, il s’agit d’une manœuvre d’encerclement autour de Renaudin.
Quelques mois plus tard, le 15 décembre, Jacques Servier constate toujours « une grande adversité » contre le Diamicron, et il note « Urgence PDouste ». Il s’agit de Philippe Douste-Blazy, ami de longue date de Servier. Ce dernier a notamment financé la campagne législative de Douste-Blazy en 1993 et a subventionné, à sa demande, une étude épidémiologique, ainsi qu’un club de rugby, le FC Lourdes. Le 17 janvier 2001, Servier écrit : « PDouste gros moyens d’action. » En 2002, Servier mentionne encore que « PDouste garde une importance ». Malgré les liens entre les deux hommes, les notes de Servier ne permettent pas de savoir s’il a effectivement demandé une intervention à Douste-Blazy. Ce dernier redevient ministre de la santé de 2004 à 2005, mais les notes ne vont pas jusqu’à cette date.
Servier n’est pas parvenu à ses fins avec le Diamicron. Il voulait commercialiser un Diamicron 30, à la place du Diamicron 80 déjà sur le marché, afin de faire barrage aux génériques de ce dernier. Il a tenté d’obtenir un arrangement sur trois produits, le Diamicron, le Vastarel (stimulant respiratoire) et le Vastarel 35 (variante elle aussi destinée à empêcher l’arrivée de génériques). Dans une note de mars 2001, s’appuyant sur les conseils de « FLH », il expose une stratégie pour contrer l’opposition de la Sécurité sociale fondée sur la « persécution » d’Élisabeth Guigou, ministre de l’emploi et de la solidarité : « Communiquer avec Renaudin avant jeudi pour Diam, Vast, Vast 35, donc le triple arrangement. Si refuse disons que demandons l’arbitrage du ministre (persécution systématique ) »…
Les notes secrètes ne contiennent aucune allusion explicite au Mediator. Cependant, le 10 septembre 2002, Servier mentionne les noms de Mattei et de son conseiller technique, Jacques de Tournemire. À la même époque, Jacques Servier a réussi à susciter un entretien entre un de ses consultants, Jean-Bernard Raimond, et Mattei, en présence de Tournemire. Ce dernier a été interrogé au cours de l’instruction sur le Mediator et a affirmé que Jean-Bernard Raimond avait surtout évoqué ses souvenirs d’ancien ambassadeur (il a été ministre des affaires étrangères de 1986 à 1988).
Mais une note de Jacques de Tournemire à Jean-François Mattéi, du 22 octobre 2002, retrouvée par les magistrats, donne l’impression que le problème des médicaments à SMR insuffisant, des baisses de prix et des déremboursements a dû être abordé. Les trois produits de Servier principalement concernés étaient alors le Mediator, le Diamicron et le Vastarel. En a-t-il été question ? La seule certitude est que Tournemire a été destinataire en août et décembre 2002, puis en février 2003, de trois demandes du directeur de la Sécurité sociale visant à baisser le taux de remboursement de plusieurs produits dont le Mediator.
Tournemire n’y a pas donné suite. Et le Mediator est resté remboursé à 65 % jusqu’à 2009, bien après le départ de Tournemire, qui a quitté le cabinet de la santé en avril 2004. Les manœuvres qui ont permis à Servier d’ignorer pendant des années les injonctions de l’administration constituent encore un secret bien gardé.
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