Décidément, la procédure de nomination des PDG des chaînes est aussi opaque et aussi peu démocratique à l’Assemblée nationale qu'au Sénat. Déjà, on avait pu constater la semaine passée que, par des indiscrétions en privé, le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, avait biaisé la procédure de nomination du futur PDG de La Chaîne parlementaire (LCP-AN), et imposé sa candidate avant même que les auditions publiques n'aient lieu (lire Bartolone biaise la désignation du prochain PDG de La Chaîne parlementaire). Et voici qu’au Sénat, la procédure déraille aussi : selon nos informations, la procédure de nomination a été modifiée alors qu’elle était en cours et approchait même de son terme.
La procédure de nomination du PDG de Public Sénat n’est déjà guère plus démocratique que celle de LCP. Après une sélection des candidats, puis le choix des deux qui apparaissent les plus qualifiés, c’est le président du Sénat qui propose au bureau le PDG de Public Sénat. Mais cette année, les choses se sont passées de manière encore plus stupéfiante.
Au début, certes, tout a semblé se dérouler comme à l’accoutumée. Après la sélection d’une « short list » avec quatre candidats en lice, dont le PDG sortant de Public Sénat, Gilles Leclerc, qui a bourlingué dans le passé à RMC, RTL, Antenne 2 et France 3, et Rachid Arhab, ancien journaliste de France 2 et membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel jusqu'en 2013, ces deux journalistes qui avaient le plus de bouteille ont été curieusement écartés, et deux seuls candidats sont restés en lice, moins expérimentés : Alexandre Kara, éditorialiste et ancien chef du service politique d'Europe 1 et Emmanuel Kessler, journaliste à LCI et ancien de Public Sénat.
Mais soudainement, la procédure a connu une embardée : mercredi 8 avril, le président (UMP) du Sénat, Gérard Larcher, a décidé que ce ne serait pas lui finalement qui départagerait les deux derniers candidats en lice, mais que le choix résulterait d’un vote à bulletin secret des 26 membres du bureau du Sénat, mercredi 15 avril, après une nouvelle audition des deux candidats.
Et selon de très bonnes sources, ce changement de la procédure a une raison cocasse, ou consternante : mardi 7 avril, Gérard Larcher était l’invité de Jean-Pierre Elkabbach (l’émission est ici), à Europe 1. Et à cette occasion les deux hommes ont eu, hors micro, une altercation au sujet de la nomination de ce futur PDG de Public Sénat.
Conseiller spécial d’Arnaud Lagardère, son patron, tout en exerçant le métier de journaliste, Jean-Pierre Elkabbach officie dans une radio privée mais joue aussi les premiers rôles dans une chaîne de télévision publique, en l’occurrence… Public Sénat. Ancien PDG de la chaîne, il y occupe toujours une place majeure. L’émission qu’il anime, Bibliothèque Médicis, coûte à elle seule 800 000 euros par an, soit le double des crédits utilisés par la chaîne pour l’achat de documentaires. Et de la sorte, Jean-Pierre Elkabbach arrondit joliment ses fins de mois, empochant 2 125 euros brut pour chaque émission hebdomadaire qu’il réalise, complétés par 375 euros pour ses frais. Depuis qu’il n’est plus PDG de Public Sénat, Jean-Pierre Elkabbach a toujours bien pris garde à jouer les « parrains » dans les coulisses de la chaîne. À Public Sénat, c’est un secret de polichinelle : pour devenir PDG de la chaîne, il faut forcément avoir été adoubé par Jean-Pierre Elkabbach.
Selon de très bonnes sources, l’altercation qui a eu lieu le 7 avril à Europe 1 trouve donc ici son origine : Jean-Pierre Elkabbach aurait découvert que Gérard Larcher n’avait nulle envie de nommer à la tête de la chaîne Emmanuel Kessler, qui est son favori affiché. Et Jean-Pierre Elkabbach aurait menacé le président du Sénat de vives représailles s’il en allait ainsi. Du même coup, Gérard Larcher, pour se donner un peu d’air, aurait eu l’idée de ne pas prendre la décision seul, mais de la faire prendre par un vote du bureau du Sénat.
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