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Vers trois motions concurrentes au congrès du PS

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Séquence finale ou phase terminale ? Après les atermoiements tactiques divers et la défaite électorale, place au congrès de Poitiers pour le PS (début juin). Vendredi soir, les militants socialistes sauront entre combien de motions ils pourront choisir lors du vote du 20 mai prochain, une semaine avant d’avoir à départager les deux premiers signataires arrivés en tête et automatiquement candidats pour le poste de premier secrétaire du parti.

À trois jours du conseil national devant enregistrer samedi les textes d’orientation en lice, la situation semble décantée, et trois motions importantes devraient s’affronter. Tour d’horizon des dernières pérégrinations internes, avant le vote qui va offrir aux 160 000 militants potentiels, du moins à ceux qui sont restés ou ont encore envie de se mettre à jour de cotisation, le choix entre soutenir la politique gouvernementale, la critiquer, ou un peu des deux. 

Cambadélis fédère l’appareil

Avec lui, les socialistes « résistent » et tout va bien dans le meilleur des mondes. Le PS sera bientôt à 500 000 adhérents, les déroutes électorales sont en fait des succès, et la gauche de gouvernement ne connaît pas d’alternative. Fort du soutien d’une majorité de parlementaires et de responsables de l’appareil socialiste (trois quarts des premiers fédéraux et des parlementaires l’ont rejoint dès le dépôt de sa contribution le 8 février dernier), Jean-Christophe Cambadélis avance en père peinard dans le grand marigot de Solférino.

L’objectif affirmé depuis la fin de l’année dernière par « Camba » est même en passe de se réaliser : parvenir à réunir autour de lui aussi bien Martine Aubry que les proches de François Hollande et Manuel Valls. Ces derniers, réunis dans un auto-proclamé « pôle réformateur » autour du secrétaire d’État aux relations avec le parlement Jean-Marie Le Guen, du sénateur et maire de Lyon Gérard Collomb, et du député Christophe Caresche, n’avaient pas de grandes exigences. « Nous avions quelques demandes sur le projet de Cambadélis pour faire vivre la majorité (comprendre : les places accordées dans les instances dirigeantes - ndlr) et aussi sur le fond, sur la question de l’emploi et de la flexi-sécurité », explique Caresche.

Jean-Christophe Cambadélis, au siège du PS à Paris, le 13 décembre 2014Jean-Christophe Cambadélis, au siège du PS à Paris, le 13 décembre 2014 © S.A

Mais le meilleur tour de force de Cambadélis reste de finalement rallier derrière lui Martine Aubry. Cela fait une semaine que le rapprochement est concrètement mis en œuvre, avec le concours de l’Élysée et l’aval résigné de Matignon. Pour donner l’illusion de cette synthèse pré-congrès, la loi Macron 2 a été abandonnée trois jours après avoir été annoncée et une conférence de presse post-conseil des ministres a été organisée pour expliquer une bien technocratique « accélération de l’investissement public et de l’activité » (lire notre analyse).

Cette mise en scène progressive a ainsi permis à la maire de Lille et à certains de ses proches d’estimer que « les signaux sont bons », et aux aubrystes d’être convaincus par une réorientation programmatique qu’ils appellent de leurs vœux depuis plus de deux ans. Pour l’heure, le rapprochement n’est pas officialisé, mais paraît acquis. « On est dans un double processus, explique un proche d’Aubry. On veut influer sur la politique gouvernementale, et ça va dans le bon sens même si ce n’est pas encore satisfaisant. Et puis on travaille sur le texte de la motion. » À l'origine, les proches de l'ancienne première secrétaire devaient se réunir mardi soir pour entériner leur choix. Mais la réunion a été reportée sine die, et il est probable que l'annonce du ralliement ne soit rendu publique que samedi au petit matin.

« Une motion “Valls-Aubry”, c’est une première réponse au résultat des départementales, assure un ministre. Nos électeurs nous sauront gré de leur éviter un nouveau congrès de Rennes. » Pour un proche de Hollande, la prise de guerre est d’importance : « Dans les études d’opinion, il n’y a que deux lignes identifiées à gauche, celle de Valls et celle d’Aubry. » Qu’importe donc que l’ancienne première secrétaire n’ait pas vraiment de courant constitué, sa simple signature revêt une importance décisive pour « apaiser » le congrès.

Difficile pour autant de ne pas voir dans le choix de Martine Aubry une bien triste sortie de scène, celle-ci choisissant de se convertir à une ligne gouvernementale qu’elle n’a eu de cesse de critiquer violemment, en privé ou en public. Pour un proche d’Aubry, l’exercice d’équilibriste est « jouable, si Martine obtient une réorientation plus grande que personne avant elle depuis deux ans ».

Martine Aubry et Manuel VallsMartine Aubry et Manuel Valls © Reuters

Outre ces quelques « signaux en faveur de l’investissement », Aubry verrouille surtout la tête de liste aux prochaines régionales pour son premier adjoint à Lille, Pierre de Saintignon, ainsi que la mainmise sur la fédération du Nord (qui pouvait lui être contestée par le ministre hollandais Patrick Kanner). En prime, elle peut permettre à certains de ses proches un retour au gouvernement, comme l’ex-secrétaire d’État à la ville François Lamy ou Jean-Marc Germain. Tout pourrait ainsi bien finir pour ce dernier, lui qui avait brisé son armure techno ces derniers mois en prenant la tête du collectif “Vive la gauche” et en contant son ras-le-bol de parlementaire brimé dans un livre (Tout avait si bien commencé, l’Atelier). Désormais, il pourra dire à la tribune du congrès “Vive le gouvernement”.

Ultime incongruité pour Martine Aubry, l’argument majeur de son rapprochement avec Cambadélis, selon lequel elle ne supporte plus Benoît Hamon ni Arnaud Montebourg, ou qu’elle ne veut pas se “cornériser” dans une “aile gauche” portée par Emmanuel Maurel, perd beaucoup de sa force avec la mise en avant par ceux-ci de l’un de ses fidèles, Christian Paul, à la tête de la principale motion d’opposition à Cambadélis.

L’opposition réussit l’union, et promeut Christian Paul

Ça n’allait pas de soi, mais ils y sont arrivés. Après une longue semaine de retrouvailles, et de discussions, les différentes oppositions internes sont parvenues à se réunir, finalement sans trop de difficultés. Après s’être dispersées en de multiples contributions, aile gauche et socialistes critiques ont rapidement acté le principe d’un texte commun, avant de dépasser le principal obstacle à leur rassemblement, celui du leader. Ce sont Benoît Hamon et Emmanuel Maurel qui en ont fait la proposition mardi soir : leur motion sera « animée par un collectif dont le premier signataire est Christian Paul ».

Conscients que leurs courants respectifs (Un monde d’avance et Maintenant la gauche) auraient du mal à accepter que l’un soit mis en avant au détriment de l’autre, Hamon et Maurel jouent là un coup pendable à Martine Aubry, qu’ils ont soutenue tous deux lors de la primaire présidentielle de 2011. S’il n’est pas le plus charismatique des socialistes, le député de la Nièvre jouit d’un grand crédit en interne. Ex-jeune espoir de la mitterrandie finissante et du jospinisme naissant, cet énarque a participé aux cabinets de Philippe Marchand et Pierre Joxe (intérieur), puis de Frédérique Bredin (aux sports), avant de s'implanter dans la Nièvre, où il devient sous-préfet puis conseiller général de Château-Chinon.

Christian PaulChristian Paul © Reuters

Élu député en 1997, dans la circonscription de Mitterrand, il fait partie des « Jeunes Turcs » du PS, comme les surnomme l’anthropologue Marc Abélès (dans Un ethnologue à l’Assemblée nationale), avec notamment Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, mais aussi Marisol Touraine, Éric Besson ou Gaëtan Gorce. Il travaille alors sur les paradis fiscaux, les retraites agricoles ou le cumul des mandats, et prend régulièrement position pour une « République nouvelle ». « Individuellement, nous serions noyés dans la masse. La mise en commun des réflexions de députés ayant une vision plus neuve de la vie parlementaire constitue un atout pour le groupe PS », affirme-t-il à l'époque dans Libération.

Secrétaire d’État aux DOM-TOM à la fin du quinquennat Jospin, il sera après 2002 l’un des piliers du courant Nouveau parti socialiste (NPS), avec Arnaud Montebourg, Vincent Peillon et Benoît Hamon, tout en s’affirmant à l’assemblée sur les questions de libertés publiques et numériques. S’éloignant en 2007 de Montebourg, mais à ses côtés chaque année lors de l’ascension du mont Beuvray, Christian Paul se rapproche de Martine Aubry lors du congrès de Reims. Elle lui confiera la direction du Laboratoire des idées, qu’il animera pour renouer le lien entre intellectuels et parti. En 2012, Aubry lui proposera même de prendre sa succession à la tête du PS, comme au fabiusien Guillaume Bachelay. Les deux refuseront le poste, qui échoira successivement aux deux seuls prétendants, Harlem Désir puis Jean-Christophe Cambadélis.

Christian Paul préfère alors créer le club de la « gauche durable », prônant une forte écologisation du socialisme, puis il sera l’un des fondateurs du collectif “Vive la gauche” et l’un des meneurs de la "fronde" parlementaire socialiste. « Sa mise en avant est une pierre jetée dans le jardin d’Aubry mais pas seulement », estime un député aubryste refusant de « rejoindre Camba » : « Cela permet d’éviter les procès en illégitimité de Benoît ou en gauchisme d'Emmanuel. Mais cela envoie aussi un signal : oui, on est responsable, et oui, on est là pour prendre le parti. »

 

Karine Berger joue la “troisième voie”, mais pour finir où ?

À côté de ces deux “grosses motions”, un troisième attelage va proposer au vote un texte pour le congrès de Poitiers. Celui du courant « Cohérence socialiste », autour des députés Karine Berger, Valérie Rabault, Yann Galut et Alexis Bachelay. Ce courant, né lors de l’été 2014, avec la parution d’un petit livre, Contre la mort de la gauche, avait pour « raison d’être d’éviter un choc entre ultra-légitimistes et frondeurs, qui serait destructeur », nous expliquait Karine Berger il y a deux mois.

Aujourd’hui, alors que leur motion a agrégé plusieurs autres contributions, issues de réseaux ségolénistes ou de jeunes secrétaires de section, les mêmes ont l’ambition de « dépolariser le congrès ». « On ne veut pas d’un parti coupé en deux, entre une motion gouvernementale et une motion prête à ôter sa majorité au gouvernement », explique Berger, qui sera la première signataire. Son objectif, sur le fond, est d’« être ceux qui ne parleront pas que d’économie, mais aussi d’institutions, de social ou de politique étrangère ».

Karine BergerKarine Berger © Reuters

D’ores et déjà, elle explique que leur motion « mettra en avant un réseau de mandataires fédéraux dont beaucoup seront issus de la diversité, des femmes et des jeunes ». Si le nombre des motions en restait là (il se murmure qu’une quatrième pourrait voir le jour, issue de la défunte motion Larrouturou/Hessel et emmenée par Florence Augé, membre du bureau national), le texte de « Cohérence socialiste » pourrait créer une petite surprise. « Quand les effectifs sont en baisse, tout le monde a intérêt à faire une motion, nous expliquait récemment Marie-Noëlle Lienemann, car on peut faire de bons scores facilement et l’éparpillement réduit les réflexes légitimistes. »

Désireuse de défendre « un parti qui retrouve son rôle d’arbitrage politique », Karine Berger assure à ce stade qu’elle n’entend pas soutenir Cambadélis ou Paul – qui arriveront sans doute en tête devant elle –, sachant qu'elle s’est toujours dite « d’accord avec les frondeurs sur le fond, pas sur la forme ». « Le sujet n’est pas le premier secrétaire, désormais on n’est pas obligé de choisir un camp ou de faire synthèse, dit-elle. Nous, on veut juste peser sur le parti. »

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Les gardiens du nouveau monde


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