Marisol Touraine, ministre de la santé, vient d’intervenir pour que le professeur François Lhoste, mis en examen pour prise illégale d’intérêts dans l’affaire du Mediator depuis un an, ne siège plus au Comité interministériel chargé de fixer les prix des médicaments.
Comme l’a révélé Mediapart, François Lhoste a été conseiller du laboratoire Servier de 1990 à 2004, alors qu’il siégeait depuis 1993 au CEM (Comité économique du médicament), devenu en 2000 le CEPS (Comité économique des produits de santé). En avril 2014, il a été mis en examen pour prise illégale d’intérêts par les juges du tribunal de grande instance de Paris chargés d'instruire l'affaire du Mediator. Mais près d’un an plus tard, il était toujours membre du CEPS.
Le cabinet de Marisol Touraine, que nous avons contacté après la parution de notre article, nous a indiqué le 8 avril que la ministre de la santé avait demandé au président du CEPS, Dominique Giorgi, « de prendre les mesures pour que Monsieur François Lhoste, qui siège comme expert de la direction générale des entreprises, du ministère de l’économie, ne participe plus aux travaux du CEPS dans l’attente de l’issue de la procédure judiciaire le concernant ». Le cabinet de la santé précise également que « la déclaration publique d’intérêt de Monsieur François Lhoste avait été vérifiée et ne portait aucune mention d’activités pour le compte du laboratoire Servier au cours des cinq dernières années (sa période de validité) ».
Les liens de Lhoste avec Servier sont en fait plus anciens. Il a été salarié du laboratoire de 1985 à 1989. Ensuite, alors qu’il occupait un poste de professeur de pharmacologie clinique à l’université Paris V, il a effectué de 1990 à 1995 des prestations de consultant concernant plusieurs médicaments du groupe Servier, pour lesquelles il a perçu un montant total de 4,1 millions de francs (soit 625 000 euros) ; de 1994 à 2002, il a rencontré régulièrement le président du groupe et lui a fourni des informations sur l’actualité des médicaments, les nominations à différents postes de l’administration de la santé, les relations entre les acteurs influents, etc. Sur la période 1996-2004, Servier a versé à Lhoste plus d’un million d’euros, au titre d’un « contrat de redevance ».
Selon François Lhoste, cette redevance se rapporterait à un médicament qu’il a contribué à développer, le Coversyl. Mais il ressort de l’instruction que la redevance couvrait aussi des prestations de conseil, dont certaines concernaient la stratégie à suivre pour défendre les prix de médicaments du groupe Servier. Et cela alors que Lhoste participait aussi aux délibérations du CEM, puis du CEPS, sur les prix des mêmes médicaments. D’où sa mise en examen pour prise illégale d’intérêts.
Dans la période où il touchait sa redevance, François Lhoste l’a mentionnée dans ses déclarations publiques d’intérêts, mais sans faire état de son activité de consultant. De plus, jusqu’ici, la loi n’imposait pas aux professionnels exerçant une mission de service public d’indiquer les montants des rémunérations qu’ils perçoivent de l’industrie.
Trois amendements visant à plus de transparence doivent être discutés dans le cadre du projet de loi santé examiné à l’Assemblée nationale jusqu’au 14 avril 2015. L’un, déposé par les députés du groupe Europe Écologie-Les Verts, demande que les membres des commissions de la Haute autorité de santé, du CEPS et de l’ANSM (agence nationale de sécurité des médicaments) déclarent leur patrimoine et leurs liens d’intérêts à la HATVP (Haute autorité de transparence de la vie publique).
Un deuxième amendement, déposé par le député socialiste Gérard Bapt, membre de la commission des affaires sociales, imposerait aux membres des commissions, groupes de travail et instances collégiales liées au médicament de préciser le « détail des rémunérations perçues en raison des conventions conclues entre ces mêmes acteurs et les industriels du secteur concerné, avant leur prise de fonction ». Un amendement du gouvernement allant dans le même sens doit aussi être déposé dans les prochains jours.
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