Marisol Touraine réagit et réclame une enquête. Après les révélations de Mediapart sur les liens entre les gendarmes du médicament et les laboratoires pharmaceutiques, la ministre de la santé a expliqué à Mediapart que « si les faits rapportés sont exacts, ils sont inacceptables, et même d'une extrême gravité », estimant que « la transparence est une condition essentielle de la confiance dans notre système de santé ».
La ministre « demande à l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) et à la HAS (Haute Autorité de santé) de mettre en œuvre tout ce qui est en leur pouvoir pour faire la lumière sur ces affirmations » et annonce qu’elle « les réunira prochainement pour faire le point avec elles ».
Mardi 24 mars, nous révélions en effet que Gilles Bouvenot, président de la commission de la transparence jusqu’en 2014, ainsi que d’autres éminents membres de sa commission ou de la commission d’autorisation de mise sur le marché des médicaments, ont secrètement conseillé contre rétribution, pendant près de 20 ans, des laboratoires pharmaceutiques sur la meilleure façon de présenter leurs dossiers afin d’obtenir les autorisations et les remboursements recherchés.
Mais depuis, à l’omerta qui règne dans le milieu, a succédé le silence. Ni les laboratoires mentionnés, ni les principaux mis en cause, ni les agences qui ont la tutelle de ces commissions, n’ont démenti les faits relatés. La ministre estime donc, au vu de la gravité des faits et de ses possibles conséquences, que le monde du médicament ne peut pas se contenter de détourner le regard.
Sa réaction tranche avec celle de certains membres de ce groupe d’amis qui étaient à la fois consultants et décisionnaires et qui, lors de notre enquête, ont pour la plupart eu tendance à minimiser les faits, à défaut de pouvoir les contester. Gilles Bouvenot, aujourd’hui membre titulaire de l’Académie de médecine, explique par exemple que cela n’était pas grave d’avoir ce type d’activités lorsqu’il était vice-président de la commission d’autorisation de mise sur le marché des médicaments car « c’était un poste potiche ».
Reste à savoir si les autorités concernées vont mener les investigations nécessaires. Et les conséquences qu’ils tireront de ces liens cachés. Car au-delà de la responsabilité des individus, la mise en cause de ceux qui étaient censés garantir la probité du système sanitaire français pose la question des conséquences de leurs actes. Des avis ont-ils été biaisés ? Des remboursements indûment accordés ? Et comment agir pour que ce type de comportements ne soient plus possibles à l’avenir ?
La ministre rappelle que depuis son arrivée, elle a mis en œuvre le décret dit « sunshine act », publié en mai 2013, et qui marque selon elle « une avancée majeure en matière de transparence et de prévention des conflits d’intérêt ». Sauf que ce décret ne va pas du tout assez loin selon des associations comme Anticor (association anticorruption) ou le Formindep (association de médecins indépendants). Et qu’à lui seul, il ne peut empêcher la délinquance en blouse blanche.
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