La Haute-Vienne désespère, sinon Billancourt, du moins les adeptes d'une solution à la gauche de la gauche. L'alliance des communistes, des écologistes, du Front de gauche et des trotskystes issus du NPA perd du terrain. Au profit du FN, qui réalise une percée en milieu rural. Le parti d'extrême droite double son score par rapport à 2011 et campe au second tour dans huit cantons sur vingt et un (contre quatre voilà quatre ans). Telle est la principale observation que retire du premier tour des élections départementales Thierry Moreau, géographe et cartographe limougeaud.
Le canton d'Ambazac, où nous avions rencontré la maire, Josette Libert (PCF), lors d'un récent reportage, offrait au soir du 22 mars une situation étonnante. C'était la seule “quadrangulaire” annoncée en France, avec le PS (29,21%), le FN (25,7 %), “L'Alternative sociale, écologique et démocratique” (24,11%) et la droite républicaine (20,98%) arrivés dans une sorte de mouchoir de poche électoral – tous en position de se maintenir du fait d'une forte participation (58,1%).
(© Thierry Moreau pour France Bleu Limousin)
Josette Libert, maire (PCF) d'AmbazacOr la gauche de la gauche, où domine le PCF, se désiste mardi 24 mars. Josette Libert, en position de remplaçante, nous fait part de sa déception : « Les militants et les sympathisants étaient, dans leur immense majorité, pour le maintien de la liste. C'était, de mon point de vue, une possibilité électorale doublée d'une exigence politique. Notre liste a réalisé un chiffre remarquable, malgré le redécoupage du canton qui nous affaiblissait. Mais les appareils ont exercé une pression à laquelle n'ont pu résister nos candidats, qui se sont retirés, sans doute en fonction d'alliances nouées avec le PS au niveau départemental, régional, voire national. Je le regrette. »
Comme le fait remarquer Thierry Moreau, la force à la gauche du PS qui résiste le mieux sont les transfuges communistes de l'ADS – “Alternative démocratie socialisme”, créée en 1992 par l'ancien ministre de François Mitterrand, Marcel Rigout (1928-2014), pilier de ce que fut le communisme rural en Haute-Vienne. Or l'ADS est moquée par “L'Alternative sociale, écologique et démocratique”, qui l'affuble de ce sobriquet : ADS = à la disposition des socialistes...
Pour ajouter du sel sur les plaies de l'opposition de gauche, le seul binôme présenté par le parti socialiste à dépasser les 40% est celui du canton de Limoges 9. Nous avions, dans notre reportage, montré comment le maire d'Isle, un ancien socialiste désormais sans étiquette, Gilles Bégout, avait asséché la droite en l'incorporant à son conseil municipal lors du scrutin de l'an dernier. Résultat : son binôme (avec la socialiste Gulsen Yildirim) arrive en tête dans le canton (44,7% des suffrages – avec une pointe à 50,8% à Isle même). La droite (UDI) suit avec 27,7%. Sont éliminées la gauche de la gauche (15,7 pour “L'Alternative sociale, écologique et démocratique”) et la droite de la droite (13,7% pour le FN). Last but not least : comme pour à la fois pimenter et simplifier les choses dans ce canton, le binôme UMP-UDI a laissé passé l'heure pour déposer sa candidature en vue du second tour (la limite était mardi 24 mars à 16 h), si bien qu'il n'y aura qu'un bulletin à déposer dans l'urne dimanche 29 mars : celui du binôme PS !
Pour l'ensemble de la ville de Limoges, L'UMP et l'UDI maintiennent leurs positions, conquises lors des municipales de l'an dernier. Il en est de même dans le nord du département. Au PS, le premier secrétaire fédéral de la Haute-Vienne, Laurent Lafaye, que nous avions suivi dans son canton de Panazol-Feytiat, est sans doute en mesure de l'emporter (38% des voix au premier tour) face à l'UMP (31,4%), même si le rapport gauche-droite, par rapport aux cantonales de 2011, est passé de 70-30% à 55-45%. Le FN (17,8%) et “L'Alternative sociale, écologique et démocratique” (12,7%) sont éliminés dans ce canton.
Le PS, et c'est une surprise pour Thierry Moreau, « maintient certaines de ses positions, connaît ailleurs un petit tassement, mais ne subit pas, du fait d'une participation plus élevée que prévue – 49,4% –, l'érosion voire l'effondrement annoncés ».
La seule inconnue touche à ce que nous disait l'an dernier l'historien limougeaud Philippe Grandcoing, à propos des municipales à Limoges : « Le FN, au second tour où il s’était maintenu, dans cette triangulaire qui a permis la victoire de l’UMP, a montré sa dimension bicéphale. Les quartiers bourgeois ont vu l’électorat frontiste rejoindre la famille de droite, tandis que les quartiers populaires ont maintenu le “ni droite ni gauche” et ont reconduit leur suffrage du premier tour. » Or un an après, à l'occasion de ces départementales, les cantons ruraux devraient être enclins à maintenir leur vote frontiste dimanche 29 mars : ils échappent vraisemblablement à cette « dimension bicéphale » propre aux quartiers bourgeois, donc urbains. Le FN des champs se montrera-t-il plus intransigeant que le FN des villes ?
BOITE NOIREThierry Moreau et Josette Libert ont été joints au téléphone mardi 24 mars dans la matinée.
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