Muté comme simple avocat général à la Cour d‘appel de Paris en juillet 2012, l‘ex-procureur de Nanterre Philipe Courroye comparaît jeudi et vendredi devant la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) dans l’affaire des « fadettes » (factures détaillées de téléphone) des journalistes du Monde.
C’est la première fois, depuis la réforme constitutionnelle du CSM de 2008, qu’un magistrat comparaît devant la formation disciplinaire dudit CSM suite à la plainte d’un particulier. En l’occurrence, il s’agit des deux journalistes du Monde qui étaient espionnés dans l’affaire Bettencourt.
Selon des informations obtenues par Mediapart, le rapporteur Christian Raysséguier (premier avocat général à la Cour de cassation) ainsi que le représentant de la Direction des services judiciaires (DSJ) du ministère de la justice vont soutenir deux des trois griefs initialement soulevés par les plaignants à l’encontre de Philippe Courroye.
Il s’agit, d’une part, des réquisitions adressées le 2 septembre 2010 pour obtenir les factures détaillées des journalistes, quand le procureur de Nanterre voulait identifier les sources des journalistes écrivant alors sur l’affaire Bettencourt. Et d‘autre part, des pressions exercées en octobre 2011 sur un policier de l’Inspection générale des services (IGS) pour qu’il dépose une requête en nullité dans l’instruction de la juge Zimmermann, dans laquelle Philipe Courroye et son adjointe, Marie-Christine Daubigney, risquaient une mise en examen.
Un troisième grief formulé contre Philippe Courroye n’est, en revanche, pas retenu par le rapporteur et le ministère. À l’issue de sa comparution devant le CSM, Philipe Courroye risque une sanction administrative allant du simple blâme à la révocation.
Le magistrat avait par ailleurs été mis en examen dans cette affaire de fadettes, mais sa mise en examen a été annulée par la Cour de cassation pour des motifs procéduraux.
La plainte déposée par Le Monde devant le CSM indiquait notamment que le procureur avait commis « une intrusion illégale dans la vie personnelle et professionnelle des journalistes ».
La Cour d'appel de Bordeaux, où les dossiers Bettencourt avaient été dépaysés, a annulé le 5 mai 2011 la procédure initiée par Philippe Courroye contre les journalistes, une décision confirmée par la Cour de cassation le 6 décembre 2011 : « l'atteinte portée au secret des sources des journalistes n'était pas justifiée par l'existence d'un impératif prépondérant d'intérêt public et la mesure n'était pas strictement nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi. »
De son côté, Isabelle Prévost-Desprez, la présidente de la XVe chambre correctionnelle de Nanterre, a été renvoyée dans cette même affaire le 20 septembre dernier devant le tribunal de Bordeaux. Philippe Courroye avait requis les fadettes des deux journalistes en octobre 2010 pour atteindre la magistrate avec qui il était en guerre ouverte et qu'il soupçonnait d'être la source des informations. L'enquête du procureur a été annulée et le dossier de « violation du secret professionnel », dépaysé à Bordeaux. La magistrate est désormais renvoyée devant le tribunal, mais a fait appel de cette décision.
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