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La prime d'activité, une vraie bonne idée ?

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Comment mieux soutenir les travailleurs pauvres ? Comme annoncé en août 2014 par le président de la République, Manuel Valls a précisé ce mardi les modalités de la fusion du RSA (revenu de solidarité active) et de la PPE (prime pour l’emploi). 

La prime d'activité, c'est le nom donné au nouveau dispositif, bénéficiera aux personnes gagnant jusqu'à 1,2 Smic, soit environ 1 400 euros. Selon le Premier ministre, « entre 4 et 5 millions d'actifs seront éligibles à cette nouvelle prime d'activité, dont 700 000 à un million de jeunes ». La prime d'activité, qui sera mise en place le 1er janvier 2016, « sera versée tous les mois » et « son montant sera fixé pour trois mois », a précisé Manuel Valls, qui présentait la nouvelle feuille de route du Plan pauvreté au ministère des affaires sociales.

Le Premier ministre a promis « un dispositif incitatif, un dispositif qui encourage et accompagne la reprise d'activité ». Cependant, l'enveloppe budgétaire reste la même, 4 milliards d'euros. Ce qui laisse penser que le gouvernement mise sur le fait qu'un certain nombre de bénéficiaires potentiels ne la demanderont pas. 

En effet, jusqu’à présent, le budget de la PPE était de 2,5 milliards par an. Et celui du RSA Activité de 1,5 milliard. Mais mécaniquement, plus la demande est importante, plus l’État doit débloquer d’argent. « Il aurait fallu proposer un système d’automaticité du versement, comme pour la PPE, où il n’y a qu’une case à cocher pour la toucher », explique Évelyne Serverin, directrice de recherche au CNRS.

Christophe Sirugue, lors de la remise de son rapport sur la prime d'activité à Jean-Marc Ayrault, en juillet 2013Christophe Sirugue, lors de la remise de son rapport sur la prime d'activité à Jean-Marc Ayrault, en juillet 2013 © Reuters

Le gouvernement a fait un autre choix, conformément à ce qu'avait suggéré le député Christophe Sirugue, auteur d'un rapport sur le sujet et qui table cependant d’ici trois ans sur un taux de recours passant de 32 % (pour le RSA-Activité) à 60% notamment grâce à une appellation moins stigmatisante : le terme RSA n'a pas été repris. 

Le Premier ministre a expliqué que la prime prendrait en compte les ressources et la situation des foyers. « Elle pourra atteindre par exemple 130 euros mensuels pour un célibataire travaillant à temps plein au Smic, 220 euros pour une mère isolée avec un enfant qui travaille à tiers temps, et 230 euros pour un couple avec deux enfants dont un parent est à plein temps au Smic et l'autre à mi-temps. »

S'agissant des jeunes, la prime d'activité sera ouverte aux 18 à 25 ans, « et ceux résidant chez leurs parents pourront bénéficier d'un droit autonome si leur famille a des revenus modestes », a dit Manuel Valls, qui a cependant précisé que ce serait au Parlement de définir les paramètres de cette allocation. Notamment de décider si les apprentis ou les étudiants pourront en bénéficier au titre des jeunes actifs.

Un RSA jeunes avait bien été créé en septembre 2010. Mais les conditions étaient si restrictives qu’il ne bénéficiait qu’à 9 000 adultes de moins de 25 ans.

Au vu de l’explosion du nombre de travailleurs pauvres en France (7,5 % des travailleurs aujourd’hui), le RSA avait été pensé comme un complément de revenus versé par l’État. Le dispositif devait également inciter les chômeurs à retrouver du travail. Ainsi, quand un chômeur reprend une activité même à très faible revenu, pour 1 euro de gagné, les allocations diminuent de 0,38 euro, permettant ainsi une progression globale du revenu de 0,62 euro.

Seulement, 68 % des travailleurs qui pourraient bénéficier de ce coup de pouce non négligeable (176 euros en moyenne par mois) ne le demandent pas ; bien loin de l’image de la France assistée véhiculée par Nicolas Sarkozy lors de sa campagne électorale. 

En tout, moins d’un million de personnes touchent le RSA-Activité (qu’il ne faut pas confondre avec le RSA socle, équivalent de l’ancien RMI, alloué à ceux qui n’ont aucun revenu). En 2010, il avait été calculé que le RSA activité avait permis une baisse modeste de 0,2 point du taux de bas revenus en 2010. Alors qu’en cas de recours intégral à la prestation, le nombre de travailleurs pauvres aurait diminué d’environ 150 000.

La PPE, elle, existe depuis 2001. 6,3 millions de personnes en bénéficient. Elle permet soit de payer moins d’impôts, soit, pour ceux qui n’en paient pas, de toucher un crédit d'impôt, c'est-à-dire une somme d'argent, une fois par an. Le montant annuel moyen versé au titre de la PPE était de 434 euros en 2012.

Il a été reproché à la PPE de « saupoudrer » la dépense publique au détriment de son efficacité. Selon la Cour des comptes, la PPE ne contribuait qu’à hauteur de 3,3 % à la réduction des inégalités de vie en 2008 et, en 2007, seuls 6 % des bénéficiaires sortaient de la pauvreté grâce à son effet.

Les deux dispositifs ont des objectifs proches, qui visent à soutenir ceux qui gagnent moins que 1,3 fois le Smic. Mais ils se complètent mal, se chevauchent, rendant l’ensemble indigeste et opaque. Ils n’ont pas la même temporalité (annuelle contre mensuelle). Ils ne relèvent pas de la même administration (administration fiscale contre CAF). Ils n’ont ni la même assiette, ni la même logique.

Martin Hirsch, père du RSA.Martin Hirsch, père du RSA. © Reuters

La fusion n'est pas une idée nouvelle – c’est le moins que l’on puisse dire – puisqu’elle apparaît dès l’origine dans le projet du concepteur du RSA, Martin Hirsch, en 2005. Mais, jugée trop risquée politiquement, elle avait été abandonnée au moment de la mise en place du dispositif en 2008-2009, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. A l'époque, il avait été estimé que 6 millions de ménages risquaient de perdre la prime pour l’emploi. Pour une perte annuelle moyenne de 500 euros environ. 

Interrogé par Mediapart il y a quelques mois, Martin Hirsch pensait donc logiquement du bien de la fusion. « Le fait de ne pas intégrer la PPE dans le RSA explique les difficultés qu’on a aujourd’hui avec l’un et avec l’autre. Si on en finit avec cette concurrence, ce sera plus simple et l’accès sera meilleur ».

Le risque politique est à présent moins important. D’abord parce que depuis 2008, la prime pour l’emploi a été gelée. Ce qui fait que mécaniquement, 500 000 foyers de moins la touchent chaque année. Et surtout, l’annonce ne vient pas seule. François Hollande avait fait savoir en août que des changements interviendraient concernant les barèmes de l’impôt sur le revenu. Ce qui devrait permettre de rattraper un certain nombre de ménages qui perdront la PPE.

Voici les projections faites par Christophe Sirugue dans son rapport.

 

À l’évidence, la mesure devrait générer des perdants. « Et encore plus si on reste à budget constant », pronostique Évelyne Serverin. « Des gens toucheront moins qu’avant. On supprime une source de complément de revenus. »

Qui ? Combien ? Dans son étude, Christophe Sirugue avait identifié les familles monoparentales avec plusieurs enfants comme les grandes perdantes d’une telle réforme. Des mécanismes complémentaires avaient donc été envisagés (augmentation de l’allocation de rentrée scolaire pour ces familles, ou somme forfaitaire versée pour chaque enfant). Est-ce que ce sera le scénario retenu ? La réponse reste en suspens. 

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

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