Victime de l’exceptionnelle cupidité de trois fonds d’investissements, la PME de la Sarthe dénommée FPEE dont Mediapart a récemment raconté les tribulations (lire Les mésaventures d’une PME dépecée par trois fonds vautours) vient de gagner sa confrontation.
Dans notre enquête, nous racontions dans quelles conditions trois fonds d’investissement, Naxicap (filiale de Natixis), Pragma et Equistione, qui sont les trois principaux actionnaires de cette société de menuiserie industrielle installée à Brûlon (Sarthe), avaient voulu en avril dernier imposer à l’entreprise de s’endetter de 200 millions d’euros, afin qu’elle serve aux actionnaires un dividende de 133 millions d’euros ; puis comment, se heurtant aux refus des dirigeants de l’entreprise, la présidente exécutive de la société Cécile Sanz et le président du conseil de la holding de tête et fondateur de la société, Marc Ettienne, ils les avaient démis de leurs responsabilités voilà une semaine.
Mais ce coup de force raconté par Mediapart (dont les bureaux sont installés à Paris, rue... Brulon !) a suscité un violent effet de ricochet. Car lundi dernier, dans tous les centres de production, les salariés de l’entreprise et les responsables des réseaux de distribution ont manifesté leur indignation. Dans la vidéo ci-dessous, on peut voir par exemple des images de la manifestation qui a eu lieu à Brûlon ce lundi 9 février.
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Dans la presse régionale, l’affaire a donc fait grand bruit. Le quotidien le Maine-Libre a ainsi remarquablement fait son travail, relatant une affaire qui, pour être locale, a une grande portée symbolique. Se référant aux enquêtes de Mediapart, le journal nous a aussi donné la parole, dans un entretien que l’on peut lire ici : « Il faut réguler les fonds d’investissements ». Et le tout était agrémenté d'un billet frappé au coin du bon sens, intitulé « La sauvagerie et l'impunité ».
Résultat : les trois fonds vautours qui pensaient avoir les mains libres pour siphonner à leur guise les richesses de l’entreprise, se sont retrouvés au cœur d’une tourmente imprévue. Élu de la Sarthe, François Fillon a téléphoné au ministre de l’économie, Emmanuel Macron, pour l’alerter. Originaire de la Sarthe, le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, a lui aussi été contraint de se mêler du dossier.
En bout de course, les trois fonds ont donc été contraints de passer sous les fourches Caudines. Et à l’issue de plusieurs séances de négociations sous l’égide de la préfecture, un « deal » est intervenu, dont le détail n’est pas encore connu – nous nous appliquerons à le trouver –, au terme duquel les deux dirigeants de l’entreprise, Cécile Sanz et Marc Ettienne, retrouvent leurs fonctions de direction générale du groupe. Un accord financier, dont le détail n’est pas plus connu, a également été conclu au terme duquel les trois fonds d’investissement actionnaires majoritaires vont céder leur participation.
L’accord a aussitôt été salué par François Fillon qui, sur Twitter, a salué « une solution de raison qui pérennise l’emploi sur le site de Brûlon ». Et sur la radio France bleue Maine, Stéphane Le Foll s’est dit « très satisfait que la médiation de l’État ait permis de trouver la solution ». « C’était important pour moi de ne pas bloquer cette entreprise et de la mettre en difficulté pour des raisons qui me paraissaient incompréhensibles », a indiqué le porte-parole du gouvernement.
Et naturellement, l'accord a suscité la joie dans l'entreprise, ce jeudi matin, comme en témoigne la vidéo ci-dessous :
Reste deux questions : d’abord, comment l’un des plus grands groupe bancaires comme BPCE, présidé par François Pérol, et sa filiale Natixis, présidée par Laurent Mignon, qui sont les actionnaires de l’un des fonds, Naxicap, peuvent-ils laisser faire, sans contrôle, cette société de gestion ? À l’évidence, le discrédit de cette affaire retombe aussi sur eux. L’une de nos sources nous a assuré que Laurent Mignon s’était tout de même inquiété de l’affaire, quand elle s’est emballée, et s’en est mêlé, mais nous n’avons jamais pu en avoir la confirmation, ce groupe bancaire ne parlant qu’aux journaux amis et pratiquant pour tous les autres l’omerta.
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Et puis, il y a la question de fond : quand donc la question de la régulation des fonds d’investissement sera-t-elle prise à bras-le-corps par la puissance publique ? Pour l’heure, les fonds se régulent eux-mêmes au travers de leur association professionnelle, l’Afic ; autrement dit, ils ne se régulent pas du tout. Et en bout de chaîne, c’est la loi de la jungle, avec des fonds qui se comportent bien et d’autres qui se comportent comme de véritables fonds voyous. L’Afic a d’ailleurs bien compris que, cette affaire étant très choquante, toute la profession risquait d’en subir les contrecoups. Selon le journal financier L’Agefi, l’Afic a demandé à sa commission de déontologie d’entendre les trois fonds. Mais à l’évidence, cela ne saurait dissuader le législateur de se mêler un jour du débat, pour en finir une fois pour toutes avec ces abus invraisemblables.
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