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L’ex-ambassadeur Boris Boillon interpellé avec 350.000 euros en liquide

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Il est 16 h 30, ce 31 juillet 2013. Les douaniers de la gare du Nord contrôlent des passagers prêts à monter dans le train Thalys, direction Bruxelles. Parmi eux, un homme athlétique, vêtu d’un jean et d’un polo. Les agents ne le reconnaissent pas, mais il s’agit de Boris Boillon, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Élysée et ex-ambassadeur de France en Irak et en Tunisie. Ils lui demandent s’il transporte des devises. Boillon nie, mais la fouille est concluante. Dans son sac, les douaniers découvrent des « enveloppes contenant des billets de banque de 500 euros ».

Selon le procès-verbal que Mediapart a pu consulter, Boris Boillon transporte ce jour-là 350 000 euros et 40 000 dollars en liquide. Ces sommes correspondent à 3 190 billets de 100 euros, 32 billets de 500 euros, 100 billets de 50 euros et 50 billets de 200 euros (voir document ci-dessous), ainsi qu'à 400 billets de 100 dollars. Il n’a sur lui ni pièce d’identité ni téléphone portable, mais trois cartes bleues à son nom.

La loi interdit le transfert, sans déclaration préalable dans un autre pays de l'Union européenne de sommes supérieures à 10 000 euros (c’est l’article 464 du Code des douanes). En cas d’infraction, la somme saisie doit être consignée pendant six mois – durée renouvelable par le procureur de la République –, et le contrevenant peut être puni « d'une amende égale au quart de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction ».

Le service de police judiciaire de la douane (SNDJ) a été saisi et une enquête est en cours. Elle devrait notamment déterminer l'origine des fonds.

Quittance de consignation des sommes en liquide transportées par Boris BoillonQuittance de consignation des sommes en liquide transportées par Boris Boillon

Lors de son audition, Boris Boillon tente de se justifier : il est désormais résident belge, dans la chic banlieue de Bruxelles, à Uccle ; son bureau est installé dans les beaux quartiers parisiens, mais il veut créer en Belgique une nouvelle filiale de sa société de consulting international, Spartago. L’argent, explique l’ancien diplomate reconverti dans les affaires, devait servir pour créer cette filiale. Boillon affirme aux douaniers : « Je pensais qu’il était plus facile depuis la Belgique de régulariser la situation de ces fonds. »

Celui qui se vantait d’être surnommé « mon fils » par Mouammar Kadhafi jure aussi que ces paquets de billets proviennent de sa nouvelle activité de consultant. « Il s’agit de sommes que j’ai touchées cette année dans le cadre de mes activités en Irak qui correspondent aux prestations que j'effectue avec des sociétés irakiennes. En l’absence de système bancaire développé en Irak, ces entreprises m’ont réglé à Paris en numéraire », explique Boillon aux agents de la Douane. Il affirme gagner 500 000 euros par an – « c'est une estimation puisque c'est la première année de mon activité de consultant », précise-t-il.

« J'ai oublié mes documents d'identité en Belgique. Je suis venu ce matin à Paris, juste pour la journée parce que justement je n’étais pas à l’aise avec cet argent qui était stocké en partie dans mon bureau et une autre partie dans une mallette qui était enterrée à côté de ma cave, et je voulais régulariser la chose au plus vite », confie aussi l’ex-ambassadeur, selon le procès-verbal de son audition que Mediapart a pu consulter.

Et quand les douaniers lui demandent pourquoi il a nié, avant la fouille de son sac, transporter plus de 10 000 euros en liquide, l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy répond: « J'ai été surpris et effrayé, j'ai répondu par réflexe. »

Contacté par Mediapart, Boris Boillon a indiqué ne pas vouloir répondre à nos questions.

Débarqué de Tunis peu après l’élection de François Hollande l’an dernier, Boris Boillon a quitté le Quai d’Orsay pour monter deux sociétés de conseil dont il est le président. La première, Spartago, fondée en novembre 2012, propose, selon ses statuts, « conseil et fourniture de prestations de services et formation dans le domaine de relations internationales, de stratégie politique et de gestion administrative », ainsi que « l’organisation et la coordination de réceptions, soirées, événements, opérations de relations publiques et de communication ». « Plus spécifiquement dans les zones de l’Afrique et du Moyen Orient », est-il précisé sur le réseau Linkedin.

Boris BoillonBoris Boillon© Reuters.

La seconde, French group, est beaucoup plus récente : elle a été fondée en juin 2013 avec un Irakien Adil Hamdan Alkenzawi, consul honoraire de France à Nassiriyah (Irak) – sur le site de l’ambassade, on retrouve une photo des deux hommes datant de 2010. Cette société offre elle aussi des prestations de conseil, mais « dans les domaines liés notamment à la construction, au développement d’infrastructures dans les secteurs principalement du bâtiment et des travaux publics, de l’environnement, de l’eau, de l’agriculture et de l’énergie », d’après les statuts déposés au tribunal de commerce.

Selon le site d’informations Intelligence Online, Boillon a signé un contrat avec Suez Environnement, et il a multiplié ces derniers mois les déplacements en Irak, à Bagdad et dans les régions kurdes, d’après Le Figaro.

Boris Boillon est un symbole de la “génération Sarkozy”. À 37 ans, diplomate et arabophone, il devient conseiller de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, puis brièvement de François Baroin. En 2007, il intègre l’Elysée comme conseiller Maghreb-Moyen-Orient. Il fait partie des hommes de confiance de Sarkozy qui l’appelle affectueusement « mon petit Arabe », selon le magazine Challenges. À; la même époque, Mouammar Kadhafi le surnomme « mon fils ».

À l’époque, on parle surtout de son rôle dans la libération des infirmières bulgares. Mais nos révélations  sur les relations entre le régime de Kadhafi et les proches de Nicolas Sarkozy – jusqu’au soupçon du financement de la campagne électorale de 2007 – ont jeté une nouvelle lumière sur cette proximité. Mediapart a découvert que Boris Boillon était directement intervenu pour obtenir la naturalisation de l’épouse de Bachir Saleh, l’ancien directeur de cabinet de Kadhafi.

En 2009, Boillon bénéficie d’une promotion éclair en devenant ambassadeur en Irak. Deux ans plus tard, il part pour Tunis où son prédécesseur, Pierre Ménat, a été débarqué quelques semaines après la chute de Ben Ali et en pleine polémique sur la complicité de la France avec la dictature.

Sitôt arrivé, mi-février 2011, Boris Boillon ruine une partie des espoirs placés en lui par l'Élysée, invectivant des journalistes tunisiens francophones lors de son premier déjeuner avec la presse (voir la vidéo ci-dessus). Il devient aussitôt la risée des réseaux sociaux et réussit le tour de force d'être la cible de plusieurs manifestations organisées devant l'ambassade, aux cris de « Boillon dégage ».

À Tunis, son attitude de « Sarkoboy » a aussi choqué quand les internautes ont découvert une photo du diplomate en maillot de bain ou quand il a posé en James Bond à la Une du magazine tunisien Tunivisions. L’arrivée de la gauche au pouvoir lui a été fatale : il a été rappelé à Paris quelques semaines après l’élection de François Hollande.

BOITE NOIREJ'ai tenté, à plusieurs reprises, de joindre Boris Boillon, par téléphone et par mail. Vendredi matin, il m'a simplement indiqué qu'il ne souhaitait répondre à aucune question, avant d'écourter la conversation.

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