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Antiterrorisme et « grandes oreilles » : le contrôle des écoutes est un casse-tête

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Mis en échec par les attentats de Paris, certains cadres du renseignement ont vite désigné leur bouc émissaire : la commission chargée d'autoriser les écoutes. À les en croire, si les téléphones des frères Kouachi n'étaient pas surveillés à la veille des attaques, c'est parce qu'en France, les services secrets sont bridés par la discrète Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), ses quotas de “branchements”, son carcan légal, hérité de l'ère du fax et sa jurisprudence pinailleuse.

« La CNCIS, c'est la France du Minitel », cingle un ancien de la DGSE (les services opérant à l'étranger). Déjà, après l'affaire Merah, la CNCIS avait subi ces attaques réflexes, trop faciles.

Les frères Kouachi, lors du braquage d'une station-service dans l'Aisne, le 8 janvier 2015.Les frères Kouachi, lors du braquage d'une station-service dans l'Aisne, le 8 janvier 2015. © Vidéo-surveillance

Si ce message simpliste est martelé depuis quelques jours dans les médias, c'est parce qu'un projet de loi sur le renseignement est annoncé pour le mois d'avril, qui devrait tout à la fois doper les moyens d'action légale des services (en matière d’intrusion dans la vie privée) et renforcer les pouvoirs de contrôle de la commission. Avec une question en suspens : où fixer précisément le curseur ? En coulisses, la bataille d'influence bat son plein.

Pour comprendre les enjeux, Mediapart s’est penché sur la CNCIS, cette vigie des écoutes et des fadettes, non seulement pour décrire son bilan et son modus operandi, mais aussi pour saisir l'importance des opérations clandestines qui lui échappent et qu'il faut bien qualifier d'illégales. Manuel Valls lui-même a reconnu leur existence et leur ampleur, lors de sa conférence de presse du 21 janvier : « L'encadrement légal des opérations réellement conduites (par les services) est lacunaire », a admis le premier ministre.

Pudiquement, les acteurs du renseignement parlent ainsi de « zones grises » et de pratiques « a-légales ». Chez eux, toute question précise déclenche silences, sourires entendus et démentis de façade. Interrogé sur les angles morts de la CNCIS, l'un de ses anciens membres s'en amuse : « Il y a le soft, le semi-soft, le hard et le top-hard… Tout ça n'est qu'un vaste concours de faux culs ! »

La CNCIS, elle, s'efforce de faire respecter la loi (toujours en retard d'une technologie), jusque dans son plus petit alinéa, avec un budget de 46 000 euros seulement par mois. Créée en 1991 après une décision de la Cour européenne des droits de l'homme, cette commission est aujourd'hui présidée par un ancien conseiller d'État scrupuleux, Jean-Marie Delarue, assisté de deux magistrats, auxquels s'ajoutent deux parlementaires (un PS, un UMP), absents au quotidien mais sollicités sur les dossiers qui font débat.

Leur job ? Autoriser d'abord, contrôler ensuite les écoutes « administratives », c'est-à-dire celles réclamées par les services en dehors de toute procédure judiciaire et que le premier ministre doit également signer en personne (à défaut, son directeur de cabinet ou son conseiller spécialisé). Ces écoutes, qui visent à la fois les conversations par téléphone et par mail, ne sont pas réalisées par les services commanditaires eux-mêmes, mais par un groupement technique, placé sous l'autorité de Matignon, le GIC. Basé aux Invalides et dirigé par un militaire, il fait l'interface avec plus de 70 opérateurs de télécommunications.

Parce qu'il s'agit de mesures d'exception, un quota plafonne le nombre d'individus écoutés en même temps à 2 190 maximum. Au fil de l'année 2013, une “cible” succédant à une autre, quelque 6 100 personnes ont ainsi été “branchées” en France, d'après le dernier rapport d'activité de la CNCIS, remis le 22 janvier à Manuel Valls. Près de la moitié ont été ciblées au nom de « la prévention du terrorisme » (26 %) ou de « la sécurité nationale » (21 %), contre 51 % au motif de prévenir « la délinquance organisée ». En moyenne, la CNCIS a traité quelque 17 dossiers par jour, parfois en pleine nuit et en extrême urgence.

À ceux qui l'accusent de lourdeurs bureaucratiques, elle réplique par les chiffres. En 2013, près de 20 % des avis ont été renvoyés en moins d'une heure, parce qu'une « mise sous surveillance immédiate » était sollicitée. En fait, les lenteurs sont plutôt à chercher en amont et en aval. Ainsi en 2008, dans l'affaire de Tarnac, la CNCIS a “tamponné” en quatrième vitesse une demande de “branchement” de l'épicerie formulée par les RG, mais les agents n'ont installé leur matériel que cinq jours plus tard.

Surtout, certaines requêtes prennent beaucoup de temps à remonter jusqu'à elle, comme en témoigne une source proche des services. « Il faut compter en moyenne une quinzaine de jours entre la demande d'un agent et l'accord final, mais c'est aussi parce qu'il y a des filtres hiérarchiques en interne (au sein même des services ndlr). La hiérarchie sait bien sur quoi la demande risque d’être retoquée par la CNCIS, sur les formulations, les motivations à apporter au regard de la loi, donc elle pré-filtre. » Les services s'en plaignent-ils ? « Pour les agents, c’est important d'avoir le regard d’autres personnes. C'est tellement attentatoire aux libertés… Mais parfois, il faudrait presque avoir le contenu des écoutes à l'avance pour pouvoir justifier une demande ! À l'inverse, les écoutes judiciaires (autorisées par un juge ndlr) sont obtenues en deux heures, parfois une demi-heure. »

Avant de valider une demande, le président de la CNCIS vérifie qu'elle répond aux exigences légales, que les motivations des agents sont circonstanciées et sincères, puis il se pose cette question quasi philosophique et obsédante, depuis ses bureaux parisiens ultra sécurisés où règne le « secret défense » : l'atteinte portée aux droits et libertés de cet individu est-elle proportionnée aux risques qu'il fait courir à la société ?

« Pour attenter au secret de la correspondance, il faut qu'il y ait des présomptions sérieuses de penser, à l'avance, que la personne va commettre une infraction grave et de sang-froid », résume un ancien. L’expression d’idéologies radicales ne suffit pas. « Quand les services voulaient écouter le fils d’untel pour avoir des infos sur le père, c’était niet », assure également Bernard Derosier (PS), longtemps membre de la CNCIS comme député (1993-97, puis 2002-2007). 

Le siège de la DGSI (sécurité intérieure) à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine)Le siège de la DGSI (sécurité intérieure) à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) © DR

À l'arrivée, 82 avis défavorables seulement ont été rendus en 2013, tous suivis par le premier ministre (qui peut passer outre mais ne le fait jamais). Pas vraiment de quoi entraver les services ! « Sur les affaires de terrorisme, la commission n'a jamais été prise en défaut, témoigne un parlementaire UMP qui y a siégé ces dernières années. Quand on a un doute, un dilemme, on a tendance à autoriser plutôt qu'à refuser. » De plus en plus, cependant, la CNCIS se permet d'exiger des renseignements complémentaires aux services secrets avant d'agréer une demande, ou de signer pour une durée plus courte que celle sollicitée.

C'est d'ailleurs ce qui s'est passé avec l'un des frères Kouachi. « La dernière autorisation avait été donnée (par la CNCIS) pour deux mois alors qu’elle avait été demandée pour quatre mois », a révélé Bernard Cazeneuve le 21 janvier, lors d'une audition devant les députés. Ensuite, pour que la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) puisse adresser une nouvelle requête, il lui aurait fallu des billes. Or « il n'y avait pas d'éléments (suspects) depuis quatre ans », a reconnu le ministre de l'intérieur.

Il arrive aussi que la commission contraigne les agents du renseignement à “débrancher” une cible. Chargée de vérifier que les écoutes effectuées correspondent bien aux motifs “vendus” par les services, elle effectue des visites inopinées, des contrôles aléatoires ou ciblés, aux Invalides comme dans les bases du GIC en province, vérifie des centaines de retranscriptions, écoute même des enregistrements, etc. « J'avais mon bureau au GIC et les militaires ne nous ont jamais refusé un contrôle », témoigne Paul Bouchet, le premier président de la CNCIS (de 1991 à 1997), qui estime que le contrôle s’est affiné et resserré au fil des ans. « Il y a eu une éducation respective de part et d'autre. »

« Je suis moi-même allé au GIC, de manière impromptue, vérifier que les cahiers étaient bien tenus », confirme Daniel Vaillant, ex-ministre de l'intérieur et membre de la commission de 2007 à 2012. Un autre “ex” assure qu'il « ne prenait jamais les écouteurs », mais qu'il vérifiait au GIC le contenu des retranscriptions : « Si M. Untel est écouté pour proxénétisme, je ne dois pas savoir qu'il milite au FN, par exemple. »

En 2013, 56 écoutes ont ainsi été interrompues en pleine exploitation -deux infractions potentielles ont même été signalées à la justice, démarche à notre connaissance inédite. À l'arrivée, pour Daniel Vaillant, « les écoutes administratives sont les plus encadrées qui soient, contrairement aux écoutes judiciaires qui ne dépendent que d'un juge et qui échappent à un regard collectif »

À côté des écoutes, la loi confie deux autres missions clés à la CNCIS : contrôler les géolocalisations de véhicules et de portables en temps réel (depuis 2014), et surtout le recueil par les services secrets des données privées dites de « connexion » (qui contacte qui, quand, où, sur les réseaux téléphoniques et internet).

Comme ces opérations, qui visent les « contenants » plutôt que les « contenus », sont réputées moins intrusives, la commission n'intervient pas au niveau de l'autorisation initiale, délivrée ou bien par le GIC ou bien, en matière d’antiterrorisme, par une « personne qualifiée » basée au ministère de l'intérieur (suivant diverses procédures qui débouchent rarement sur un refus). La CNCIS doit ici se contenter de vérifier a posteriori la proportionnalité des moyens utilisés et les motivations avancées par les agents. Une garantie bien inférieure pour les citoyens, alors que ces requêtes dépassent les 300 000 par an (un chiffre en forte augmentation). Entre 2013 et 2014, selon une première estimation, les demandes de données de « connexion » concernant uniquement la lutte antiterroriste ont ainsi triplé.

En réalité, ces données de trafic, qui dressent le portrait pointilliste d'un individu, en disent parfois beaucoup plus que ses conversations. « (Elles) révèlent d’autant plus que ceux qui pensent être l’objet (d'écoutes) sont en général discrets dans leurs propos », a récemment souligné Jean-Marie Delarue devant les députés. Le patron de la CNCIS va donc batailler pour que la future loi sur le renseignement unifie tous ces régimes de contrôle à la hausse : un contrôle a priori pour les écoutes et pour tout le reste !

Mais qu'est-ce que le reste ? La masse d'opérations souterraines échappant à la CNCIS est aujourd'hui incommensurable, qu'il s'agisse d'interceptions classiques qui devraient lui être soumises mais ne le sont pas, de techniques réservées aux procédures judiciaires mais que les services utilisent en secret (sonorisation d'appartements, etc.), ou de nouvelles technologies que la loi n'a même jamais envisagées. Dans un courrier adressé il y a quelques années au directeur de cabinet du premier ministre, que Mediapart a consulté, un membre de la CNCIS s'indignait, un brin mystérieux : « Cette commission ne contrôle plus rien. (…) Cela ne peut plus durer, il était de mon devoir de vous en alerter. »

De temps à autre, comme par accident, la presse en révèle un micro-échantillon. Ainsi en avril 2014, Bernard Squarcini lui-même, l'ancien patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), a été condamné à 8 000 euros d'amende parce qu'il avait réquisitionné les fadettes d'un journaliste du Monde, sans motif légal et hors procédure, au seul prétexte d'identifier ses sources dans l'affaire Bettencourt.

En 2010, le même Squarcini avait admis « des investigations techniques, notamment informatiques », lancées pour identifier l'origine de rumeurs sur les infidélités supposées du couple Sarkozy-Bruni. Motif invoqué après coup : la sûreté de l'État. En le découvrant, à Matignon, le directeur de cabinet de François Fillon avait manqué avaler sa cravate. « Nous avons été mis au courant de l’existence de demandes qui n’étaient pas passées par la CNCIS et qui avaient été adressées en direct aux opérateurs, raconte le socialiste Daniel Vaillant, membre de la commission à l'époque. Nous n'étions pas endormis à la commission, mais quand vous n'êtes pas saisis d'une demande… »

Au-delà de ces dérives politiques, certains agents de terrain s'affranchissent aussi du droit au nom de l'efficacité. « Les services de renseignement, faute de textes législatifs adaptés, sont parfois contraints d'agir en dehors de tout cadre juridique », résumait le député Jean-Jacques Urvoas (PS), en mai 2013, dans un rapport de mission consacré aux services. En principe, ils n'ont par exemple pas le droit d'écouter des conversations menées via Skype ou Facetime, des logiciels désormais ultra répandus. Hors procédure judiciaire, ils ont aussi interdiction de “sonoriser” des lieux privés, voitures ou appartements. Idem pour la captation d'images, l'espionnage d'ordinateurs ou l'infiltration de filières.

Alors évidemment, des fonctionnaires passent outre. Dans la supposée « affaire Tarnac », l'ancien patron des RG, Joël Bouchité, a ainsi reconnu qu'une balise GPS avait été posée sur la voiture de Julien Coupat, toujours hors enquête judiciaire. (Voir le manuel sur la pose des balises utilisé à l'époque par les RG, déniché par le journaliste David Dufresne.)

Parfois, quand c'est trop délicat, les services “sous-traitent”. En 1996 déjà, le président de la CNCIS avait chiffré les « écoutes sauvages » opérées par des officines privées à plus de 100 000 par an, en pointant le risque qu'une partie soit le produit d'une « sous-traitance » des services secrets.

« Sur Paris, pas mal d'officines vendent toujours du matériel d'écoute, confirme un ancien de la CNCIS. Vous n'empêcherez jamais certaines écoutes illégales des services, des écoutes qu'ils n'ont jamais songé à nous demander. Quand ils sont énervés, qu'ils ont besoin d'un truc pas conforme… C'est hypocrite de s'en indigner. Il faut admettre que des fonctionnaires soient payés à faire des trucs illégaux. Le problème, c'est plutôt de savoir si leur directeur est au courant ou non. On leur reprochera toujours d'avoir loupé un terroriste, jamais d'avoir franchi la ligne jaune. » Une conception particulière de l'État de droit.

Le même évoque surtout les moyens d'exception de la DGSE, dont les agents, supposés agir à l'étranger, sont soumis uniquement au droit international, et dont la CNCIS ne peut contrôler tous les agissements. « La DGSE utilise les satellites pour stocker des masses de données sur nos relations téléphoniques et Internet : qui a contacté qui, à quel moment, quel endroit (pas le contenu des conversations  ndlr). Si leurs ordis fonctionnent bien, ils voient que nos portables sont dans le même secteur et que nous sommes en train de discuter. Or la DGSI a évidemment accès, sur demande, à ces données. On ne va pas changer de service chaque fois qu'un type passe la frontière. On ne va pas non plus dupliquer les ordinateurs ! Pour des raisons ne serait-ce que financières, DGSE et DGSI travaillent ensemble. »

En juillet 2013, après les révélations détaillées du Monde sur cette gigantesque base de données secrète de la DGSE, ainsi que sur la mutualisation des infos avec ses « petits » camarades de la DGSI, des douanes (la DNRED) ou du renseignement militaire (la DRM), Matignon avait opposé un démenti formel.

De toutes façons, « il n'y a pas de contrainte légale à l’étranger », rappelle Philippe Hayez, ex-directeur adjoint à la DGSE et enseignant à Sciences-Po. « Or les frontières n'existent plus : une conversation entre deux villes françaises peut aujourd'hui passer par l'étranger, comme la conversation d'un Afghan et d'un Yéménite peut passer par Marseille, souligne-t-il. Avec l'explosion des technologies, cette loi de 1991 (sur la CNCIS) a terriblement vieilli. »

Annoncé pour avril, le projet de loi sur le renseignement, préparé de longue date par le député Jean-Jacques Urvoas, va faire basculer pas mal de pratiques clandestines des services dans la légalité – en clair, les légaliser. « Nous voulons aller sur Skype, (…), nous voulons avoir accès aux données informatiques, a réclamé le socialiste le 14 janvier dernier, en pleine finalisation du texte avec les gros ministères concernés (intérieur, défense, finances). Aujourd’hui, tout ce qui est sur Internet est moins cher et plus facile d’accès, et nous ne pouvons pas y accéder ! » Jean-Jacques Urvoas souhaite que les agents du renseignement, avant même la judiciarisation éventuelle des dossiers, soient autorisés à “sonoriser” des lieux privés, à les filmer, à poser des logiciels espions sur les ordinateurs et à infiltrer des groupes sous des identités de substitution.

Dans un rapport de 2013, signé avec son collègue Patrice Verchère, il allait jusqu'à recommander l'autorisation de l'« IMSI catcher », un outil « aujourd’hui exploité par des officines privées œuvrant dans la plus parfaite illégalité ». Ce procédé ultra intrusif consiste à placer une antenne-relais à proximité d'une cible pour intercepter ses conversations téléphoniques. Mais « l'IMSI catcher », qui peut avoir 500 mètres de portée, attrape les données de dizaines de personnes gravitant autour, voire de centaines s'il est installé place de la Concorde !

Son utilisation par les services « ne saurait donc revêtir qu'un caractère exceptionnel et n'intervenir qu'en dernier ressort », écrivaient les députés. Face à quel péril cette méthode peut-elle s'avérer proportionnée ? Fin 2014, une première légalisation partielle a été tentée par voie d'amendement au projet de loi sur le terrorisme, qui visait uniquement les prisons (où circulent beaucoup de portables clandestins). Mais l'idée devrait resurgir…

Dans le projet de loi, la légalisation de nouveaux outils, toujours plus attentatoires aux libertés individuelles, devrait tout de même aller de pair avec le renforcement de la CNCIS (potentiellement rebaptisée « commission de contrôle des activités de renseignement »). Dans son rapport de 2013, Jean-Jacques Urvoas recommandait en effet l'instauration d'un dispositif de contrôle unique pour l'ensemble des pratiques intrusives (écoutes, poses de balise, sonorisations, captation de données informatiques, etc.), calé sur celles des écoutes : une autorisation préalable de la commission, puis des vérifications en cours d'exploitation.

Jean-Marie Delarue, nommé président de la CNCIS, le 27 juin 2014.Jean-Marie Delarue, nommé président de la CNCIS, le 27 juin 2014. © Reuters

Dans son rapport à Manuel Valls, remis le 22 janvier, la CNCIS prévient qu'elle se montrera vigilante quant à « l'équilibre » du projet de loi, qui devra certes « répondre aux besoins légitimes de l’action des services », mais « sous la réserve que l’atteinte au droit de chacun (…) demeure proportionnée au risque identifié ». Son leitmotiv : « Le contrôle doit pouvoir s’exercer à la fois a priori et a posteriori. (…) Si l’un de ces deux éléments vient à manquer, il n’existe plus de contrôle digne de ce nom. »

Sollicité par Mediapart, son président détaille son alerte : « Ça n'est pas le moyen en soi qui est inquiétant, c'est l'abus, souligne Jean-Marie Delarue. Par conséquent, ma clef, c'est la manière dont les techniques d'intrusion sont contrôlées. Si leur nombre devait être accru, ça supposera une surveillance aussi forte que celle que la CNCIS effectue aujourd’hui sur les (écoutes). Et ça demandera un renforcement des effectifs de la commission. En tout cas, je ne laisserai pas faire la mise en place d’une commission dans laquelle le contrôle serait affaibli du fait de l’insuffisance des effectifs, ça se traduirait pas une diminution des libertés publiques dans ce pays. »

Jean-Marie Delarue affirme qu'il sera également attentif au délai de conservation des enregistrements, que certains, y compris à gauche, voudraient faire passer de dix à trente jours (avant destruction automatique). « Quand on écoute quelqu'un, c'est qu'on est dans les préparatifs de la commission d'une infraction, rappelle le président de la CNCIS. On exploite donc l'enregistrement au fil du jour, on n'attend pas. Porter le délai de conservation à trente jours signifierait qu'il y aurait des enregistrements dormants. Ce serait un risque accru et un affaiblissement des garanties qu'on apporte aux citoyens. »

Interrogé sur l'augmentation du quota d'écoutes, sollicitée par certains services de renseignement, Jean-Marie Delarue n'en voit guère l'utilité à ce stade. Fixé par arrêté du premier ministre, il a déjà été augmenté en 2014. « On est en dessous du plafond pour l'instant, note le président de la CNCIS. Je ne suis pas fermé, mais je ne vois pas de raison objective de le relever. » Dans les semaines qui viennent, certaines tentations vont être difficiles à contrer.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Liberté, éga… oups!


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