Bordeaux, de notre envoyé spécial.- Deux petites heures d’audience, et déjà une suspension. Comme prévu, l’ouverture du premier procès de l’affaire Bettencourt, lundi matin à Bordeaux, a été consacrée à des incidents de procédure, et les débats ne reprendront que mardi matin. Dans le meilleur des cas.
Le tribunal correctionnel doit en effet délibérer sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par les avocats des milliardophiles François-Marie Banier et Patrice de Maistre. Ils soutiennent en effet (comme l’annonçait Mediapart) que l’interprétation constante que fait la Cour de cassation de l’auto-blanchiment d’une infraction est contraire à certaines dispositions de la Constitution et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Si l’on suit le raisonnement de Pierre Cornut-Gentille, son avocat, on ne peut à la fois poursuivre Banier pour « abus de faiblesse » et pour « blanchiment », ce alors qu’il a placé le produit des « dons » reçus de Liliane Bettencourt (quelque 414 millions d’euros, selon le dossier d’instruction) de façon on ne peut plus transparente, sous forme d’assurances-vie ou d’acquisition d’œuvres d’art. C’est une question « nouvelle, et sérieuse », assure l'avocat. Même raisonnement de sa consœur Jacqueline Laffont pour le com(p)te de Maistre, son client. Il faudrait donc, toute séance tenante, soumettre ladite QPC à la Cour de cassation, puis éventuellement au Conseil constitutionnel, et ajourner ce procès.
Les avocats de la partie civile (la fille unique et les deux petits-fils de Liliane Bettencourt, ainsi que son tuteur, Olivier Pelat, tous présents au tribunal ce lundi), soutiennent l’exact contraire. Selon eux, ce point a déjà été tranché précédemment par la chambre criminelle de la Cour de cassation. Plus aucun avoir délictueux ne pourrait être saisi par la justice si l’on suivait cette QPC, plaident-ils. On se renfrogne un peu sur les bancs de la défense.
L’une des représentantes du parquet s’oppose également à la QPC, après avoir disserté sur les interprétations de l’alinéa 2 de l’article 324-1 du Code pénal. Dans sa grande sagesse, le tribunal se donne le reste de la journée pour trancher, et se retire.
Auparavant, on n’aura pu assister qu’à l’appel des prévenus et des témoins à la barre. Moment où le procureur annonce que l’ancien infirmier de Liliane Bettencourt, Alain Thurin, qui devait être jugé, a tenté de mettre fin à ses jours la veille, ce qui jette un froid dans la grande salle d’audience. Carlos Vejarano, l’ancien gestionnaire de l’île d’Arros, n’est pas là non plus, et a envoyé un certificat médical au tribunal.
Il reste donc Éric Woerth, Patrice de Maistre, le photographe François-Marie Banier, son compagnon Martin d’Orgeval, l’homme d’affaires Stéphane Courbit (qui a remboursé les Bettencourt d’environ 150 millions d’euros quelques jours avant le procès), l’avocat Pascal Wilhelm, ainsi que les notaires Patrice Bonduelle et Jean-Michel Normand. Du beau monde.
Si les débats reprennent bien mardi matin, comme cela semble probable, de nombreux incidents de procédure devraient être soulevés par les avocats de la défense. Ils comptent notamment s’indigner de l’absence pour raisons médicales du témoin Claire Thibout, l’ancienne comptable de Liliane Bettencourt, qui est passée du statut de lanceur d’alertes à celui de mise en examen de façon assez curieuse, peu avant l’ouverture de ce procès.
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