Quand il a mis un point final au livre qu’il publie aujourd’hui, Tout avait si bien commencé, Journal d’un frondeur (L’Atelier), Jean-Marc Germain n’imaginait pas qu’un énorme et tragique événement changerait le climat politique en imposant, au moins pour quelques jours, une union nationale derrière le président de la République François Hollande.
Son entretien à Mediapart ajoute à sa manière un dernier chapitre aux 144 pages de son livre. Convaincu que le pouvoir élu en 2012 s’est trompé en appliquant une politique contraire à ses engagements, Jean-Marc Germain raconte, au jour le jour, la distance qui s’est établie entre l’Élysée et une part croissante des députés PS : « À un moment, j’ai décidé d’utiliser mon vote pour dire non ! Ce fut un déchirement : jamais je n’aurais pensé en arriver là. »
Les attentats terroristes à Charlie Hebdo, puis à l’HyperCacher de la porte de Vincennes, ne sont pas pour lui l’occasion de rentrer dans le rang. Il l'explique dès le début de l’entretien : « Bien sûr c’est difficile de faire entendre sa différence. Mais c’est plus que jamais nécessaire. La meilleure réponse, c’est que la démocratie continue à débattre. »
Il est convaincu que l’Union nationale doit servir à revenir à gauche : « L’union nationale, ça ne veut pas dire qu’il faut l’unité entre la droite et la gauche sur toutes les réformes économiques et sociales. Au contraire ! (...) Au-delà de la réponse sécuritaire, la meilleure réponse à l’esprit du 11 janvier est un grand programme de mesures de progrès humain, comme l’a été le programme du Conseil national de la Résistance après la Seconde Guerre mondiale (...). Il ne faudrait pas se tromper et se dire "On va faire l’unité entre la droite et la gauche sur des mesures libérales". (...) L’unité doit se faire autour de ce qu’a été le 6 mai 2012. »
Alors que la Grèce vote dimanche, Jean-Marc Germain souhaite « la victoire de la gauche » (il ne dit pas « la victoire de Syriza ») et une profonde réorientation de la politique européenne : « Il y a désormais trois enjeux : la question écologique, la révolution numérique, et la question des territoires » (un dernier point qui fait écho aux déclarations de Manuel Valls, bien qu’il prenne ses distances avec l’usage du mot “apartheid” par le premier ministre). « Il faut investir, et pour investir massivement il faut qu’on soit capable de se libérer de la contrainte européenne. Si le seul objet c’est de savoir comment on tient les 3 %, on va passer à côté de ces investissements dans les 30 ans qui viennent, et dans 30 ans ce sera trop tard. »
Question de Mediapart : François Hollande souhaite-t-il cette réorientation politique ? Jean-Marc Germain répond « On verra », mais complète aussitôt sa réponse en l’appuyant sur les événements récents : « Les événements du 11 janvier ont montré que notre président de la République a la capacité d’être un chef de l’État, ce sera durable jusqu’à la fin du quinquennat… Le Hollande bashing, c’est fini… Le président, après avoir été à la hauteur en France, et avoir acquis une crédibilité nouvelle, dispose d’une force supplémentaire. Si aujourd’hui il dit à Mme Merkel "Nous avons une question à régler pour que la République revienne dans tous nos territoires, et c’est un problème français, un problème belge, un problème allemand", vous voyez vraiment Mme Merkel dire "Non, vous ne pouvez pas investir là-dedans parce que vous êtes au-dessus des 3 %" ? François Hollande a maintenant cette force. »
Conclusion de Jean-Marc Germain : « On peut faire comme le général de Gaulle et les communistes à la sortie de la guerre, ils ont fait leur unité non pas sur un programme de droite, non pas sur un programme libéral, mais sur un programme de gauche. On a créé la Sécurité sociale, on a créé des régimes de retraite (...). Si François Hollande avait voulu porter ça il y a quelques mois, il aurait eu des difficultés, mais je pense qu’il a une crédibilité nouvelle qui peut nous donner une force collective pour aller dans ce sens. »
S’agit-il de retrouvailles entre l’aile gauche du PS et le président élu le 6 mai 2012, ou d’une nouvelle illusion, et d’une prochaine désillusion pour les frondeurs socialistes, dont aucune déclaration, intervention, menace, n’a empêché la mise en place d’un programme « social-libéral » ? Réponse à partir de lundi, avec l’examen de la loi Macron. Sauf surprise improbable, le travail dominical sera bien élargi à 12 dimanches par mois.
A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : 8th Wonderland