Le mirobolant stade de Nice, construit pour accueillir les matches de l’Euro 2016 de football, intéresse la justice. Le coût final pour les finances publiques de cet ouvrage, construit selon le principe du partenariat public-privé (PPP), a déjà été critiqué publiquement à plusieurs reprises. Selon des informations obtenues par Mediapart, la Chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur (CRC-PACA) a transmis, mi-septembre, un “signalement” sur ce PPP au parquet de Nice.
Selon plusieurs sources, il s’agit d’un rapport assez volumineux, qui pointe plusieurs irrégularités susceptibles de constituer des infractions, dans la passation du marché et le montage du projet. Le financement et la rentabilité d’un musée du sport à proximité immédiate du stade feraient notamment partie des griefs dénoncés par la CRC. Ce n'est pas la première fois que ce musée fait l'objet de critiques. Initialement créé à Paris en 1963, puis fermé en partie, puis rouvert, puis refermé, il a finalement déménagé à Nice. Dès 2011, la Cour des comptes y consacrait pourtant un chapitre de son rapport annuel, soulignant le gaspillage financier que représentait ce « musée largement virtuel ».
Curieusement, depuis le mois de septembre dernier, la justice prend son temps pour traiter cette affaire sensible. Le procureur de la République de Nice, Éric Bedos, a d’abord étudié le rapport de la CRC, et a fini par en transmettre une synthèse à son homologue de Marseille, Brice Robin. Une façon de suggérer que l’affaire mériterait d’être traitée par la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille, mieux pourvue en magistrats, ou que de possibles interférences politiques rendent difficile son traitement judiciaire à l’échelon local niçois.
L’affaire va encore se corser. Après avoir étudié à son tour le dossier, le procureur de Marseille propose de s’en saisir, et en avise sa hiérarchie courant décembre. Mais cette affaire est également revendiquée par le procureur national financier (PNF), Éliane Houlette, qui estime que ce dossier d’une grande complexité lui revient. Cette concurrence entre les deux parquets a fait l’objet d’échanges assez directs entre hauts magistrats, début décembre, lors d’une réunion au ministère de la justice, selon plusieurs témoins.
Quatre mois après la dénonciation de la CRC, en tout cas, aucune enquête judiciaire n’a encore été ouverte. La concurrence entre parquets doit être arbitrée ces jours-ci entre le procureur général de la cour d’appel de Paris, François Falletti, et son homologue de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, Jean-Marie Huet. Le ministère de la justice et la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) se tiennent jusqu’ici prudemment à l’écart, ne souhaitant pas être soupçonnés d’intervenir dans le cours des procédures.
Relancé par le député et maire (UMP) de Nice Christian Estrosi en 2008, le projet du stade a finalement été attribué à un consortium emmené par le groupe Vinci et baptisé Nice Eco Stadium. C'est lui qui est chargé de gérer, durant 30 ans, la conception, le financement, la construction, l'exploitation et la maintenance du grand stade.
L'Allianz Riviera a coûté 243,5 millions d'euros, dont 69 millions de subventions publiques (20 millions d'euros de l’État, 20 millions du département, 16 millions de la ville de Nice, 7 millions de la région, et 6 millions de la communauté urbaine). La ville de Nice s’est également engagée à verser, jusqu’à la fin du partenariat, 8,3 millions d’euros par an au groupe Vinci, l’investissement réellement engagé par ce dernier étant évalué à 166 millions d'euros.
La ville a également passé un contrat de “naming” avec la compagnie d'assurance Allianz qui s'est engagée à verser 1,8 million d'euros par an pendant neuf ans pour avoir le droit d'apposer son nom au stade. Une façon d'« alléger » la facture, mais qui ne sera guère suffisante. À l’issue de la concession d’exploitation, Vinci aura, en plus des loyers, encaissé des bénéfices. Un bon deal pour l’exploitant, moins pour le contribuable. Dès 2011, bien avant que le projet-phare de Christian Estrosi soit inauguré, le magazine Capital révélait que l’Allianz Riviera serait de loin le stade qui aura coûté le plus cher, notamment « en raison de choix technologiques démesurés et pour certains d’une utilité discutable », rapporte Philippe Carlin dans Enquête à Estrosi City : autopsie d’un leurre (Éd. Le Spot).
Après moult retards, le stade de 35 000 places a finalement été livré en 2013, et accueille depuis lors des matches de football et de rugby. Le musée national du sport qui l'accompagne a quant à lui été inauguré en octobre dernier, dans un nouveau climat de polémique, Christian Estrosi ayant adressé au secrétaire d'État aux sports, Thierry Braillard, un courrier pour lui réclamer « le chèque de 7 ME que Monsieur Vauzelle (président de la région Paca – ndlr) doit à la ville de Nice et qui constitue une facture impayée et une dette pour la collectivité ».
À l'été 2012, l'inspection du travail avait momentanément stoppé le chantier du stade, après la mort de deux Polonais à quelques jours d'intervalle, comme l'avait raconté Mediapart. Deux ans plus tard, cet ouvrage, construit sur la plaine du Var, connaîtrait quelques soucis liés à un phénomène d'affaissement.
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