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Le socialiste Guillaume Balas: « La gauche Syriza me va très bien »

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Élu à Strasbourg depuis l'an dernier, Guillaume Balas est l'un des socialistes les plus critiques à l'encontre de la politique européenne de François Hollande. Il participera lundi soir à Paris à un meeting de soutien à Syriza, ce parti de la gauche alternative qui fait la course en tête en Grèce, pour les élections du 25 janvier.

Dans un entretien à Mediapart, ce proche de Benoît Hamon exhorte Paris à sortir des automatismes du couple franco-allemand. Il appelle aussi les socialistes européens, piégés par une « grande coalition » avec la droite au parlement de Strasbourg, à « clarifier le débat et sortir des ambiguïtés ». Il propose de se tourner en priorité vers les Verts et la Gauche unitaire européenne (GUE), où l'on retrouve le Front de gauche, Syriza et les Espagnols de Podemos.

Balas, secrétaire général du courant de l'aile gauche du PS Un monde d'avance, doute toutefois de l'émergence d'un Syriza en France, et se demande, dans le contexte actuel, si une synthèse lors du congrès du PS de juin est encore possible. « J'ai une certitude : le système politique français ne va pas continuer comme ça. Les institutions de la Ve comme la gauche ne peuvent plus rester en l'état. C'est soit la transformation, soit la disparition. »

Guillaume Balas. DR. Guillaume Balas. DR.

Est-il encore possible de faire de la politique dans un contexte d'union nationale ?
Tout d'abord, je tiens à saluer le président de la République et le gouvernement pour le sang-froid et l'efficacité dont ils ont fait preuve pendant ces événements terribles. François Hollande a su pleinement incarner la France.

Maintenant, pour revenir à votre question, ce qui a été attaqué, c'est la démocratie, donc le libre débat. Charlie Hebdo a été attaqué parce qu'il représentait la liberté d'expression. Il serait extrêmement paradoxal de s'empêcher de dire ce que l'on pense au nom de l'unité nationale. La France a plus que jamais besoin de débat politique, et c'est ce qui la sauvera.

Quelles questions ces attentats posent-ils à la gauche ?

Les magnifiques rassemblements de dimanche ont déjà commencé à donner des réponses. La première, c'est que la laïcité est la condition même de notre vie en commun. À aucun moment, je n'ai entendu dans ces rassemblements de mot d'ordre sécuritaire ou hostile aux musulmans mais bien la volonté que dans tous les territoires de France la République soit chez elle.

C'est un démenti cinglant à ceux qui comme Houellebecq pensent que la République et la laïcité sont mortes. Il faut donc que la gauche identifie le bon clivage. Celui qui veut être instauré par beaucoup, c'est le clivage culturel. La politique se résumerait en gros à la guerre des civilisations. C'est toute la théorie du « nouveau Moyen Âge », que résume Houellebecq. On arriverait à un moment où les hiérarchies, les inégalités, les identités, forment les principes sur lesquels se fonde la politique.

La gauche incarne l'inverse. Elle doit reprendre le combat, réaffirmer un certain nombre de principes, et le premier d'entre eux, c'est l'égalité, dont la laïcité est une des conditions. Est-ce que nous pensons que les être humains sont ontologiquement égaux, ou fondamentalement inégaux ? Cette bataille-là est centrale. Or, la société s'en écarte, parce qu'on assiste au combat entre plusieurs systèmes inégalitaires, entre le système libéral d'un côté, le système des fous dingues djihadistes d'un autre, celui de nostalgiques des hiérarchies traditionnelles en France, etc. Et ce sont ces conflits-là qui, en ce moment, montent.

La gauche doit défendre des idées simples. L'égalité, donc la démocratie, donc la justice sociale. Ces trois piliers doivent être reformulés, à travers un imaginaire qui parle aujourd'hui. Pour cela, il y a des points d'appui. Un élément central nous aide beaucoup, paradoxalement, même s'il est catastrophique : la crise écologique. Il faut inventer notre « there is no alternative » à nous. Il n'y a pas d'alternative aujourd'hui à trouver la réponse à la crise écologique. Le modèle de compétition – entre salariés, entre nations, entre civilisations – est mortel. Il n'y a que le modèle coopératif qui peut nous aider à affronter cette menace.

L'Europe pourrait être ce lieu où faire émerger ce « modèle coopératif » ?
Sur l'Europe, il faut entrer par la géopolitique. On ne se rend pas compte de la nouvelle bipolarité d'influence, de la Russie et des États-Unis. Au parlement européen, certains élus européens commencent à regarder vers Poutine. À l'inverse, des dirigeants polonais veulent un accord rapide avec Washington pour ne plus dépendre des exportations en gaz russe. Cela veut dire que si l'Europe reste stationnaire, par exemple sur la question énergétique, elle ne pourra pas se faire. Sans autonomie énergétique, pas d'autonomie politique, pas d'Europe politique.

Quel rôle pour le couple franco-allemand dans ce contexte ? Qu'attendez-vous du dialogue en cours entre François Hollande et Angela Merkel ?
Peut-être qu'avec les événements récents, les choses peuvent évoluer mais j'ai tout de même les plus grands doutes aujourd'hui sur la méthode qui consiste, pour la France, à entrer directement en discussion avec Angela Merkel. Il aurait fallu le faire en 2012 juste après l'élection présidentielle. Le rapport de forces était en notre faveur, avec la légitimité démocratique très forte de François Hollande. Aujourd'hui ce rapport de forces est à reconstruire. Les pays qui attendaient de la France qu'elle prenne le leadership contre l'« ordolibéralisme » allemand sont déçus, profondément : Italie, Espagne, et même des pays de l'Est.

De l'autre côté, ceux qui attendaient que la France tienne ses promesses budgétaires, sont aussi déçus. Nous n'avons fait ni l'un, ni l'autre, et déçu tout le monde. Plutôt que d'en revenir sans cesse au couple franco-allemand, les autorités françaises feraient mieux de réunir autour d'une table une coalition de pays avec qui on sait que l'on partage un certain nombre de choses – sans magnifier Matteo Renzi, je pense à l'Italie.

Tout cela a été tenté en 2012 : s'appuyer sur l'Europe du Sud pour réorienter l'Europe. Et ça n'a pas marché (lire notre article).
Ce n'est pas vrai. Ça n'a pas été tenté. Si Hollande était allé voir Merkel en lui disant à ce moment-là, je ne suis pas d'accord avec le TSCG, et d'ailleurs, l'Espagne, le Portugal, l'Italie aussi, ça aurait été autre chose. Sa plus grande erreur est de ne même pas l'avoir tenté. Même s'il l'avait raté, la France aurait au moins marqué les esprits.

Je vais dire quelque chose qui peut froisser certains : la France et l'Allemagne ont des intérêts convergents à moyen et long terme, mais pas à court terme. Il faut donc assumer cette divergence d'intérêts momentanée. Si l'on n’assume pas cette divergence d'intérêts, et si l'on ne crée pas des coalitions pour y répondre, je ne vois pas comment c'est possible. On l'a très bien vu dans « l'affaire Syriza ». La précipitation de la commission pour aller soutenir Samaras (le premier ministre grec, ndlr) est l'exemple même d'un aveuglement, sur ce qui est en train de se passer.

La commission a changé de discours, depuis l'entrée officielle en campagne (lire notre article). Pierre Moscovici explique désormais qu'il serait possible de dialoguer avec Syriza.
Oui, c'est tant mieux. Mais comme d'habitude, c'est un peu tard. Je ne veux pas cibler Pierre Moscovici, ce n'est pas une question de personnalité. Mais je dénonce ce réflexe : d'abord voir ce que pensent les Allemands, et puis on se cale par rapport à eux, quel que soit ce qu'on a à gagner dans l'affaire. Je précise : quand je parle des Allemands, je parle du gouvernement allemand, de la droite au pouvoir (c'est une coalition CDU-SPD, c'est-à-dire chrétiens démocrates/sociaux-démocrates, qui gouverne à Berlin, ndlr).

On pourrait vous retourner la critique : votre groupe au parlement européen, les socialistes et démocrates, est lié à la droite du PPE au sein d'une « grande coalition » qui dicte la vie du parlement.
On est en plein débat là-dessus. Aux yeux des dirigeants du groupe, nous ne sommes pas en grande coalition : nous faisons du coup par coup, selon les textes... J'étais contre le fait que le groupe soutienne Juncker (Guillaume Balas s'est finalement abstenu lors du vote, comme l'essentiel de la délégation socialiste française, ndlr). Mais tout le monde pense que l'on est en grande coalition. Je me disais donc, en fin d'année dernière, que le mieux serait peut-être de faire une vraie grande coalition, à l'allemande, avec un contrat de gouvernance négocié point par point, sur un programme précis. J'aurais encore préféré assumer une grande coalition et me faire engueuler en France, parce que ce n'est pas notre culture, plutôt que d'essayer de défendre l'espèce de gloubiboulga dans lequel on se trouve.

Mais nos amis allemands du SPD ne veulent pas d'un texte commun avec la droite, parce qu’ils sont aujourd'hui les grands perdants de l'accord de coalition avec la droite, à Berlin. À partir de là, on fait quoi ? Si l'on fait du coup par coup, allons jusqu'au bout : il ne doit plus y avoir d'a priori positif envers ce que présente la commission. Et il faudrait d'abord aller voir les gens de la GUE (gauche unitaire européenne, avec le Front de gauche, ndlr) et des Verts, pour voir si un accord est possible avec eux. Puis aller voir la droite du PPE et des libéraux (dont l'UDI-Modem, ndlr). Au sein de la délégation française, nous voulons à tout prix clarifier le débat et sortir des ambiguïtés.

Martin Schulz (à gauche) félicite Jean-Claude Juncker, le 22 octobre, à Strasbourg.Martin Schulz (à gauche) félicite Jean-Claude Juncker, le 22 octobre, à Strasbourg. © Flickr - Parlement européen.

Syriza semble en mesure de remporter les législatives grecques du 25 janvier. Ce serait une première dans l'UE (à l'exception de Chypre), pour un parti à la gauche de la social-démocratie. Qu'en pensez-vous ?
D'abord, leur victoire n'est pas acquise du tout. La bourgeoisie grecque sait se défendre. Cela va être très violent. Ensuite, je suis allé voir ce que dit le programme d'Alexis Tsipras (le leader de Syriza, ndlr). On parle de « gauche radicale »… Mais moi, ça me va très bien. Je ne vois pas où est le « radical » là-dedans. Tsipras est de gauche, point. Sur plusieurs sujets, il dit des choses intelligentes. La renégociation de la dette ? Tout le monde dit qu'il va falloir la renégocier. La situation est intenable. Et il promet de faire d'autres choses utiles pour la Grèce : un système fiscal, un cadastre. Honnêtement, avoir un parti qui construit un véritable État en Grèce, ça peut valoir quand même de l'exempter de quelques milliards de dette qu'il ne parviendra pas, de toute façon, à payer.

Vous ne défendez pas le parti socialiste grec, le Pasok, crédité de 5 % environ dans les sondages, et concurrencé par le nouveau parti de l'ex-premier ministre socialiste Georges Papandréou ?
J'espère que le Pasok soutiendra Syriza après les élections. Je suis toujours pour soutenir le parti de gauche qui arrive en tête.

En Allemagne, le débat est très vif, sur la possibilité de mener une restructuration de la dette grecque, tout en restant dans la zone euro, comme le promet Syriza. Qu'en pensez-vous ?
Je ne vois pas de quel risque on parle, si l'on annule une partie de la dette. Que l'euro baisse ? Que les spéculateurs s'inquiètent ? Mais aujourd'hui l'investissement privé est au point mort en Europe, donc qu'est-ce qu'on en a à faire que les Bourses soient flamboyantes ? Cela ne rapporte absolument rien à l'économie européenne. Et si l'euro baisse encore un peu, honnêtement, je suis preneur.

Si l'un des détenteurs de dette résiste à cette annulation de dette, cela va compliquer les choses...
Mais ce n'est plus un argument économique, c'est un motif politique ! Et si la France dit « non, la Grèce ne sort pas », il se passe quoi ? Eh bien, la Grèce ne sort pas. Le seul problème, c'est que cela risque de faire baisser la valeur de l'euro, et oui ça va affecter la rente, et donc oui, ça va toucher l'électorat de Madame Merkel. Ce n'est pas quelque chose qu'il faut prendre à la légère. Parce que cet électorat peut aussi être tenté par l'Alternative pour l'Allemagne (AFD), pour un retour au mark. Voilà ce qu'il faut dire à Berlin, s'ils veulent sauver leur système : la seule solution, c'est d'investir massivement dans les pays de l'Europe du Sud.

Le rapport Pisani-Enderlein remis à Emmanuel Macron en fin d'année 2014 dit déjà cela...
Oui. Et je pense qu'on a un bon instrument sous la main, qui s'appelle le plan Juncker (le plan chiffré par la commission à 315 milliards d'euros d'investissement, ndlr). Il faut mettre en place un zonage des investissements de ce plan, vers ceux qui en ont besoin.

Ce n'est pas l'esprit du plan, où chaque État membre fait attention à profiter des retombées de ses propres investissements.
Soit l'Allemagne forme une zone monétaire façon « Markland » avec les Autrichiens et les Danois, et c'est la fin de l'UE, chacun reprend ses billes. Soit elle pense qu'il faut préférentiellement garder l'UE pour l'avenir. Et dans ce cas, elle doit investir dans le sud de l'Europe.

En l'état, le plan Juncker n'a pas l'air de convaincre les socialistes européens.  Votre groupe avait pourtant permis l'élection de Juncker à la tête de la commission en échange de ce futur plan de relance... Vous n'avez pas l'impression de vous être fait avoir ?
Le plan présenté par Juncker a profondément évolué au fil des mois. Avant c'était : « Il faut faire de l'investissement public, même si je vous demande de ne pas oublier l'investissement privé. » Désormais, c'est : « Il faut beaucoup d'investissement privé, et il faut aussi un peu de garanties publiques. » La hiérarchie des priorités a été renversée. Le conseil européen (les États membres, ndlr) a compris qu'il y avait peu d'argent public frais. Si, au bout du bout, le plan Juncker reste en l'état, on le votera, parce que sinon, il ne restera même plus. Mais ce ne sera pas à la hauteur des enjeux.

Ce qui m'intéresse dans ce moment, c'est que les rapports de forces évoluent au sein de la social-démocratie. Je ne crois pas à la mort de la social-démocratie et à son remplacement par une grande force de gauche alternative. La seule chose qui peut arriver, c'est qu'une grande partie des sociaux-démocrates se disent qu’il n'est plus possible d'être dans le consensus mou avec le centre-droit et la droite. Et donc qu'il faut se lancer dans une recomposition à gauche. C'est pour cela qu'il convient de se tourner vers les Verts et la GUE. Cette stratégie n'était même pas écoutée il y a six mois. Aujourd'hui, c'est davantage le cas.

Grâce à Syriza ?
La potentialité de la victoire de Syriza fait évoluer les esprits. Et ces esprits évolueront encore plus si la victoire se concrétise. Tout en étant conscient que ça va être compliqué pour eux, et qu'ils ne vont pas pouvoir faire des miracles tout de suite. Donc il va aussi falloir assumer de les aider, dans les rapports de forces avec la commission et une partie du conseil (les États membres, ndlr).

Alexis Tsipras et Pablo Iglesias le 15 novembre 2014, à Madrid.Alexis Tsipras et Pablo Iglesias le 15 novembre 2014, à Madrid. © Juan Medina / Reuters.

Le scénario grec et l'ascension de Podemos en Espagne ne prouvent-ils pas que la social-démocratie a loupé intellectuellement et politiquement cette période entamée avec la crise financière de 2008 ?
La social-démocratie n'a pas les outils aujourd'hui pour répondre à la crise. Mais il convient de différencier les contextes. En Espagne ou en Grèce, le système basique d'assurance collective et sociale ne fonctionne plus. Ce n'est pas le cas de la France. En France, on est plutôt dans un moment où tout le monde essaie, chacun à sa manière, de sauver ce qui peut l'être de l'État-providence. Le Pen le dit sous une forme nationaliste, Hollande sous une forme ambiguë faite de négociations opaques avec Bruxelles et Berlin. Et nous-mêmes, à la gauche du PS et la gauche en dehors du PS, on est aussi dans la préservation du modèle, et non dans sa transformation. Ce qui est en réalité une position conservatrice. C'est à mon sens la grande différence qu'on a avec la Grèce et l'Espagne, et qui explique pourquoi l'autre gauche ne fait pas de score éclatant malgré la déconfiture des socialistes.

Et puis on ne fait pas de la politique en l'air. Il faut qu'il y ait des forces sociales qui appuient un mouvement réel de la société. Or on est tiraillé entre certains très à gauche qui en viennent à souhaiter que l'austérité et la crise s'aggravent, et d'autres au gouvernement qui plaident pour un maintien dans cette crise relative, jusqu'à ce qu'on s'en sorte un jour. La seule manière de s'en sortir, c'est de poser des enjeux politiques radicalement nouveaux, et notamment en revoyant notre modèle de développement. Ni Marine Le Pen, ni l'UMP ni Manuel Valls ne répondent aujourd'hui sérieusement à la crise écologique. Ce fait majeur ne trouve aucune réponse politique d'envergure, et me semble être le moyen de casser ce conservatisme généralisé actuel, où on ne fait que tenter de préserver l'existant. On le voit avec la loi Macron, qui ne répond sûrement pas aux besoins de l'économie française, mais enregistre une série de petits reculs, notamment sur le droit du travail...

Syriza et Podemos interrogent aussi la gauche française d'un point de vue stratégique. Un Syriza à la française, une recomposition progressive entre différentes forces politiques, est-il envisageable ? Ou le PS et la gauche sont dans un tel état de déshérence que ce n'est même plus un objectif crédible ?
Ce n'est pas par lâcheté que je dis cela, mais je ne sais pas répondre à cette question. Les conditions objectives ne semblent pas réunies, mais c'est en effet un moyen d'ouvrir de nouvelles perspectives, sur le fond. J'entends la critique de ceux qui estiment que, « comme d'habitude, la gauche du PS estime que ce n'est pas encore le moment ». C'est vrai, même si on est un peu les seuls à mener la bataille, en tentant de respecter le collectif plutôt que d'être dans des démarches individuelles. J'ai toutefois une certitude : le système politique français ne va pas continuer comme ça. Les institutions de la Ve comme la gauche ne peuvent plus rester en l'état. C'est soit la transformation, soit la disparition. Et je pense profondément que la gauche ne peut pas mourir en France. Reste à savoir quand et comment. Avant ou après les régionales ? Avant ou après la présidentielle ? Lors du congrès du PS ? Je ne sais pas.

Avec ce que vous et d'autres dites sur la politique du gouvernement et la situation politique en Europe, comment est-il encore possible d'envisager une synthèse lors du congrès du PS en juin ?
Deux problèmes se posent : « Y a-t-il une synthèse possible ? », mais même avant cela : « Existe-t-il encore un cadre pour une synthèse possible ? » Est-ce que le PS est aujourd'hui un cadre politique où l'on peut poser un problème et le résoudre ? On peut en douter, quand on voit à quel point ce parti s'est transformé en un appareil très crispé et peu imaginatif. Il ne s'agit pas d'incriminer ici Cambadélis, ce serait pareil avec un autre et on en est tous responsables. Il faut en tout cas que ce congrès soit un vrai congrès, où l'on discute et tranche vraiment nos divergences. Si c'est un faux congrès, se résumant à un appel à l'unité et à un néo-molletisme célébrant le socialisme à travers les siècles, qu'il faudrait sauver à tout prix sans se soucier de la politique gouvernementale, alors on sera dans l'ultra-conservatisme. Et si les amis politiques d'Emmanuel Macron et Manuel Valls se planquent, et qu'il reste un appareil se contentant de répéter que « le parti n'est pas le gouvernement », ça va poser réellement la question de la pertinence du parti lui-même, qui se résumerait alors à une église.

Deuxième question : y a-t-il enfin une synthèse possible ? Sincèrement, elle commence à s'éloigner à grands pas. Nous avons rencontré Macron. Outre le fait qu'il est sympa et qu'on peut débattre avec lui, ce qui change indéniablement de la génération socialiste précédente, sa vision économique se résume au libéralisme le plus simplet. Libéraliser l'économie, « désétatiser » la France, être plus attractif… S'il n'y a plus de critique du capitalisme, Valls a raison, ça ne sert plus à rien de se dire socialiste. On devient une gauche libérale comme il y en a dans d'autres pays, mais on n'est plus socialistes ou sociaux-démocrates.

BOITE NOIRECet entretien a été réalisé à Paris le 8 janvier. Il devait à l'origine être publié en amont de la rencontre Hollande-Merkel, prévue à Strasbourg le dimanche 11 pour parler de « l'avenir de l'Europe ». La rencontre entre les deux chefs d'État a été reportée dans la foulée des attentats de Paris. Guillaume Balas a relu l'entretien, et réécrit en partie ses deux premières réponses, en particulier après les mobilisations du 11 janvier en France. Il a relu – et amendé à la marge – le reste.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Qui sera le prochain Klaus Barbie?


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