La police a diffusé mercredi 7 janvier au soir les avis de recherche de deux suspects dans l'attentat qui a frappé dans la matinée la rédaction de Charlie Hebdo, faisant 12 morts dont deux policiers. Un troisième suspect s'est rendu dans la nuit au commissariat de Charleville-Mézières, dans les Ardennes. Il s'agit d'un homme de 18 ans. Soupçonné d’avoir aidé les deux tireurs, il s’est rendu « après avoir vu que son nom circulait sur les réseaux sociaux », a expliqué à l’AFP une source proche du dossier. Il s'agirait du beau-frère d'un des deux autres suspects. Il a été mis hors de cause dans la matinée.
Les deux hommes toujours recherchés sont deux frères, Chérif et Said Kouachi, âgés de 32 et 34 ans. Les autorités ont lancé un appel à témoin. L'un d'eux avait été condamné, en 2008, dans l'affaire de la filière irakienne du XIXe arrondissement, à trois ans d'emprisonnement, dont 18 mois avec sursis. Il avait été interpellé peu avant de se rendre en Irak combattre aux côtés de la branche irakienne d'Al-Qaïda contre la coalition menée par les États-Unis.
Selon des sources policières, des gardes à vue de leur entourage se déroulaient dans la nuit et des perquisitions ont d'ores et déjà eu lieu à Reims et à Charleville-Mézières.
Douze personnes ont été tuées – dix personnes présentes à Charlie Hebdo et deux policiers –, quatre ont été grièvement blessées et sept blessées plus légèrement, mercredi dans l'attaque de la rédaction de l'hebdomadaire satirique. Les dessinateurs Cabu, Charb, Wolinski, Philippe Honoré et Tignous sont morts dans l'attaque. Charb, de son vrai nom Stéphane Charbonnier, était le directeur de la publication de Charlie. L'économiste Bernard Maris est également décédé dans la fusillade, ainsi que Mustapha Ourrad, correcteur, Frédéric Boisseau, agent d'entretien, et Elsa Cayat, psychanalyste et chroniqueuse. Michel Renaud, ancien directeur de cabinet du maire de Clermont-Ferrand, fait partie des victimes. Président fondateur du Rendez-vous du carnet de voyage clermontois, Michel Renaud était venu rencontrer le dessinateur Cabu pour lui rendre les dessins qu'il avait prêtés à l'association clermontoise pour la dernière manifestation, fin novembre dernier, indique le quotidien La Montagne. Les deux policiers tués sont un membre de la brigade VTT du XIe arrondissement de 42 ans et un membre de la brigade de protection des personnalités de 49 ans.
Le journal est situé rue Nicolas-Appert dans le XIe arrondissement de Paris. Charlie Hebdo avait déjà fait l'objet d'un incendie criminel en novembre 2011, dans ses précédents locaux situés dans le XXe arrondissement. Selon un récit de Libération, les deux hommes armés qui ont pénétré dans les locaux cherchaient tout particulièrement Charb, le patron du journal.
Selon nos informations, Laurent Léger, journaliste d'investigation pour l'hebdomadaire, était assis à la table de réunion lors de l'arrivée des assassins. Il a eu le réflexe de se jeter sous la table et de prévenir la police. Indemne, c'est lui qui a également dû procéder à l'identification des corps de ses collègues. Il était mercredi en début de soirée interrogé par les enquêteurs.
L'attaque a eu lieu peu après 11 heures mercredi matin. Sur une vidéo filmée par Première ligne, une agence de presse télévisuelle, les deux hommes armés crient Allahu Akbar (Dieu est grand) à l'extérieur du bâtiment. Selon une source policière, les assaillants auraient également crié « Nous avons vengé le prophète ».
Jointe par téléphone par le journal L'Humanité, alors qu’elle était encore sur les lieux de la fusillade, la dessinatrice Corinne Rey a apporté ce témoignage : « J’étais allée chercher ma fille à la garderie, en arrivant devant la porte de l’immeuble du journal deux hommes cagoulés et armés nous ont brutalement menacées. Ils voulaient entrer, monter. J’ai tapé le code. Ils ont tiré sur Wolinski, Cabu… ça a duré cinq minutes… Je m’étais réfugiée sous un bureau… Ils parlaient parfaitement le français… Se revendiquaient d’Al-Qaïda. »
Sur place, un voisin, Ludovic M., a assuré avoir entendu « 40 ou 50 coups de feu » alors qu'il se trouvait dans son appartement du boulevard Richard-Lenoir, juste derrière les locaux de Charlie Hebdo. « Au début, j'ai cru que c'était des pétards de nouvel an chinois. J'ai vu par la fenêtre des policiers qui poursuivaient les malfaiteurs. Ils étaient deux personnes cagoulées, l'un d'eux avait un fusil de guerre. Ça tirait dans tous les sens. Dans la rue, les gens se cachaient derrière les voitures. Puis les tireurs sont partis dans une Citroën noire. »
Une autre vidéo circule sur les réseaux sociaux, elle a été prise près du journal. On y voit deux hommes abattre de sang-froid un policier à terre puis retourner à petites foulées dans leur véhicule. Nous en avons extrait quatre images :
Les assaillants ont pris la fuite à bord d'un véhicule, avant de l'abandonner et d'en voler un second, à son tour abandonné porte de Pantin, au nord de Paris. Selon le ministère de l'intérieur, 3 000 policiers sont mobilisés. La justice a lancé un appel à témoin, avec un numéro à contacter : 08 05 02 17 17. Les autopsies auront lieu ce jeudi, selon le procureur de la République, qui a tenu mercredi peu après 18 heures une conférence de presse.
François Hollande s'était rendu sur place vers 12 h 50. Il s'est adressé à la presse, parlant d'un acte d'une « exceptionnelle barbarie au cœur de Paris contre un journal, contre des journalistes ». Le président français a déclaré qu'il s'agissait d'un « acte terroriste ». « Cela ne fait aucun doute », a-t-il ajouté. « La France est aujourd'hui en état de choc devant un attentat terroriste, ça ne fait pas de doute », a déclaré François Hollande, accompagné du ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve, de la maire de Paris, Anne Hidalgo, du président de la région Ile-de-France Jean-Paul Huchon, et de plusieurs élus parisiens. La ministre de la justice Christiane Taubira s'est également rendue sur place, de même que les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, Claude Bartolone et Gérard Larcher. Le président a repris la parole à 20 heures, il a décrété une journée de deuil national jeudi, avec une minute de silence dans les services publics et les écoles à midi. La cathédrale Notre-Dame sonnera le glas au même moment. Les drapeaux seront en berne pendant trois jours.
Le président devait réunir ce jeudi matin à l'Élysée les ministres et responsables directement concernés par la protection à assurer sur tous les lieux potentiellement visés. Une telle réunion s'était déjà tenue mercredi après-midi. Le plan Vigipirate est passé à « Vigipirate attentat ».
Le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, a dénoncé « une attaque d'une violence démente, barbare comme il n'y en a jamais eu ». « C'est aujourd'hui sans commune mesure le jour le plus noir de l'histoire de la presse française », a-t-il ajouté. « Ils sont rentrés dans d'autres locaux mais n'ont pas tiré, ils visaient clairement Charlie Hebdo », a-t-il encore indiqué.
Au moins 35 000 personnes se sont retrouvées mercredi soir à Paris, place de la République, pour montrer leur solidarité avec Charlie Hebdo (lire notre reportage ici et là notre portfolio). D'autres rassemblements ont eu lieu dans toute la France, et même dans le monde entier.
Enfin, l'ensemble des partis de gauche (PS, PRG, PCF, PG et EELV) ont décidé mercredi d'organiser une marche silencieuse samedi à 15 heures au départ de la place de la République à Paris. La décision a été prise après une réunion des différents partis à l'Assemblée nationale. Cette marche est « ouverte à l'ensemble des partis républicains », a déclaré le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis. Contactées par Le Monde, l'UDI s'y est dite favorable mais l'UMP n'avait pas encore donné sa réponse aux organisateurs mercredi soir.
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