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Détournements de fonds publics : Jean-Noël Guérini est relaxé

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Poursuivis dans une affaire de licenciement de complaisance, Jean-Noël Guérini (ex-PS), président du conseil général des Bouches-du-Rhône, et son ex-conseiller Jean-David Ciot, premier secrétaire de la fédération socialiste du département, ont été relaxés, lundi 8 décembre 2014, par le tribunal correctionnel de Marseille. Ils étaient poursuivis pour détournement de fonds publics et recel. Pour le tribunal, la décision de Jean-Noël Guérini de licencier, le 26 mai 2011, son ex-conseiller ne constituait pas une « démission déguisée », car « la preuve n’est pas rapportée de (la volonté de Jean-David Ciot, ndlr) de démissionner de son poste de collaborateur de cabinet pour se présenter aux élections législatives de 2012 ».

Entré en 2002 à son cabinet comme « chargé de mission de géographie cantonale » – cela ne s’invente pas –, Jean-David Ciot l’a quitté le 1er juin 2011 avec 62 529 euros d’indemnités (la somme a été saisie et confiée à l’Agrasc). Pour l’accusation, il s’agissait d’une démission déguisée, visant à lui permettre de faire campagne aux législatives de 2012 dans le cadre de la loi du 14 avril 2011. Celle-ci interdit en effet aux collaborateurs du cabinet du patron d’un exécutif local de se présenter dans la circonscription où ils ont exercé leurs fonctions dans l’année.

Le procureur, Jean-Luc Blachon, s’était appuyé sur l’absence de motif de licenciement et l'absence de préavis qui prouvaient selon lui l'intentionnalité du délit. Si Jean-David Ciot avait effectué son préavis, il n’aurait en effet pas pu se présenter aux législatives de juin 2012. Le procureur avait requis contre les deux hommes six mois avec sursis, un an d’inéligibilité et 15 000 euros d’amende.

Jean-Noël Guérini à la sortie du tribunal, le 8 décembre 2014Jean-Noël Guérini à la sortie du tribunal, le 8 décembre 2014 © LF

« Ces omissions auraient pu entraîner l’illégalité de la décision de licenciement si cette dernière avait fait l’objet d’un recours devant la juridiction administrative », reconnaît le tribunal correctionnel présidé par Christine Mée, dans sa décision. Mais les juges ont estimé que « si le principe du licenciement a été accepté par le collaborateur de cabinet », ces deux omissions « ne sauraient démontrer l’existence d’un licenciement (sic, d’une démission) déguisé(e) ».

Le jugement rendu ce 8 décembre 2014 souligne que seul un témoin, l’ex-directeur de cabinet de Guérini, Rémy Bargès, a « évoqué la question d’une démission de Jean-David Ciot liée à la volonté de ce dernier de se présenter aux élections législatives de 2012 ». « Néanmoins, ses déclarations ont été évolutives et confuses sur les motifs supposés de la rupture du contrat, poursuit le jugement. Lors de la confrontation, il s’est montré beaucoup moins affirmatif, disant que Jean-David Ciot a pu évoquer la possibilité de démissionner parmi d’autres sans même être certain que ce dernier ait évoqué lui-même cette possibilité. » 

« S’il peut être admis que Jean-David Ciot ait pu afficher des ambitions politiques nationales, la preuve n’est pas rapportée de sa volonté de démissionner de son poste de collaborateur de cabinet pour se présenter aux élections législatives de 2012 », concluent les juges. Qui poursuivent : « Il résulte au contraire des pièces produites que Jean-David Ciot, en novembre 2011, refusait de s’engager et a fini par accepter d’être candidat à l’investiture du PS. » La convention nationale d’investiture du PS n'avait officiellement arrêté son nom pour la circonscription d'Aix-en-Provence que le 10 décembre 2011.

C’est à l’occasion d’un long entretien avec Alain Richard, le 26 avril 2011, que Jean-Noël Guérini affirme avoir décidé de démissionner de la fédération et de licencier Jean-David Ciot afin qu’il l’y remplace. Il s’agissait seulement, selon lui, de se mettre en conformité avec les futures préconisations de la commission Richard qui, le 5 juillet 2011, pointera « des cas trop nombreux de dépendance économique et sociale de cadres de la fédération par rapport à une seule collectivité territoriale employeur », à savoir le Conseil général.

Quant au député Jean-David Ciot, il avait assuré qu'en mai 2011 il n’était candidat à rien, pas plus au secrétariat général de la fédération PS (à la tête de laquelle il remplacera Jean-Noël Guérini en juillet 2011) qu’à la députation dans la 14e circonscription, réputée « conservatrice » et tenue par Maryse Joissains, la maire d’Aix-en-Provence.

Le tribunal a manifestement trouvé ces explications satisfaisantes, même si le rapport de la commission Richard n’a été remis qu’un mois après le licenciement de Jean-David Ciot. Selon la décision du tribunal, « le problème des liens très étroits entre la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône et le Conseil général » avait « été très rapidement posé » lors des auditions de cette commission, qui a travaillé en avril et mai 2014. « Jean-Noël Guérini en a tiré pour lui-même immédiatement toutes les conséquences puisqu’à peine reconduit comme président du conseil général des Bouches-du-Rhône le 31 mars 2011, il a démissionné de ses fonctions de premier secrétaire de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône », indique la décision. Elle poursuit en indiquant qu'il ressort du dossier que, dès mai 2011, la question du remplacement de Guérini à la tête de la fédération PS s'est posée, ainsi que celle « de compatibilité entre les fonctions de collaborateur de cabinet de Jean-David Ciot et sa probable désignation au poste de premier secrétaire ». C'est ce qui expliquerait donc son « licenciement transactionnel », terme qui selon le tribunal « ne caractérise pas (...) une démission déguisée ».

Les juges estiment donc que les délits de détournement de fonds publics et de recel ne sont pas caractérisés. Ils ont demandé la restitution au député PS Jean-David Ciot des 22 547 euros d'indemnités de licenciement et des 42 981 euros d’indemnités mensuelles de perte d’emploi qui lui avaient été confisqués par l’Agrasc (l'agence aujourd'hui dirigée par Charles Duchaine, l'ancien juge d'instruction marseillais en charge de cette affaire, ainsi que des deux autres volets concernant des marchés truqués). Le parquet a désormais dix jours pour faire appel.

De façon inhabituelle, Guérini, qui avait surjoué l’indignation lors de l’audience du 13 octobre 2014, n’a fait aucune déclaration à la sortie du tribunal correctionnel. « C’est une décision qui n’est pas inattendue dans la mesure totalement conforme aux faits et au droit, a réagi l’un de ses avocats, Me Hervé Temime. Il ne s’agit pas de triompher d’une décision qui est naturelle, ce qui l’était moins, c’étaient les poursuites dont M. Guérini faisait l’objet. »

À la tête d’une liste « Force du Treize » qui se présente face au PS aux cantonales de 2015, Jean-Noël Guérini reste mis en examen dans deux autres enquêtes sur des marchés publics truqués bien plus importantes. Le 8 septembre 2011, il avait été mis en examen pour « prise illégale d'intérêt », « trafic d'influence », « complicité d'obstacle à la manifestation de la vérité » et « association de malfaiteurs ». Cette première information judiciaire, ouverte en avril 2009 sur la base d'une lettre anonyme, a dévoilé l'omniprésence d'Alexandre Guérini, frère du patron du département et entrepreneur spécialisé dans les déchets, au sein des collectivités locales tenues par le PS. Bien que sans aucun mandat, Alexandre Guérini faisait et défaisait les carrières, intervenant sur les attributions de subventions, de logements sociaux, les arbitrages départementaux, plaçant ses hommes aussi bien au sein du cabinet de son frère, qu'à la tête des satellites du département (office HLM, sociétés d'économie mixte, etc.) et même à la communauté urbaine de Marseille. L'instruction de ce premier volet a été close en juillet 2014.

Le 3 juin 2013, Jean-Noël Guérini a également été mis en examen dans le cadre d'une autre information judiciaire ouverte à Marseille le 16 novembre 2009. Au vu de « la gravité de l'affaire, sa très grande complexité et (le) caractère “mafieux” de l'organisation mise au jour », le juge d'instruction Duchaine (depuis nommé à la tête de l'Agrasc) avait obtenu la levée de son immunité parlementaire. C'est le volet de l'affaire Guérini, le plus sulfureux, où apparaissent des marchés publics attribués, dans les Bouches-du-Rhône et en Haute-Corse, à des entreprises proches du grand banditisme ; des comptes au Luxembourg, en Suisse et en Israël ; ainsi que des contreparties ressemblant fort à des pots-de-vin. Jean-Noël Guérini y est mis en examen pour « trafic d'influence », « atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics » et « participation à une association de malfaiteurs en vue de la commission des délits de trafic d'influence, de corruption et de détournements de fonds publics ». 

À trois mois des cantonales, la relaxe de Guérini et de son ancien bras droit ne vont pas simplifier l'avenir du PS dans les Bouches-du-Rhône, où Guérini continue de peser de tout son poids sur sa majorité socialiste sortante au conseil général. Selon Le Monde, le PS n'a pour l'instant investi que 19 candidats sur les 29 cantons du département et cette liste « fait la part belle aux conseillers généraux sortants qui, le 4 novembre dernier, ont appelé, dans une lettre ouverte, à une alliance avec la Force du 13, le nouveau parti de Jean-Noël Guérini ».

Le Figaro rapporte également que deux opposants à Guérini, l'élu PS Michel Pezet et Pierre Orsatelli, porte-parole du collectif Renouveau PS13, préparent un recours contre le vote organisé le 3 décembre pour désigner les candidats socialistes. Michel Pezet, conseiller général sortant, affirme dans le quotidien que « toutes les règles ont été violées ». Après la défaite et le rejet des comptes de campagne de six candidats sur huit à la municipale de Marseille, les cantonales de mars 2015 s'annoncent tout aussi catastrophiques pour le PS marseillais.

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