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Micro-parti de Le Pen : l’enquête élargie au financement de la présidentielle 2012

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L'AFP annonce ce jeudi 4 décembre que l'enquête judiciaire portant sur un système de prêts massifs vendus à de nombreux candidats FN lors des dernières élections législatives et locales par le micro-parti de Marine Le Pen, Jeanne, a été élargie dès le mois de septembre à la présidentielle de 2012, où Marine Le Pen s'était hissée à la troisième place au premier tour, avec 17,9 % des voix. La campagne de la présidente du Front national n'était jusque-là pas visée. 

Comme nous l'indiquions dans cet article, d'après les comptes de la présidentielle 2012 consultés par Mediapart, le micro-parti personnel de Marine Le Pen, baptisé « Jeanne » en l'honneur de la pucelle d'Orléans, a prêté 450 000 euros pour la campagne au taux exceptionnellement élevé de 7 % et empoché 19 000 euros d'intérêts au passage. Or ces prêts intéressent depuis le début la justice.

Fin octobre, nous révélions que l'enquête ouverte en avril avait été élargie à de possibles faits d’« abus de biens sociaux », mais aussi de « blanchiment en bande organisée » à la suite d’un réquisitoire supplétif délivré à la mi-septembre par le parquet de Paris. 

Vous trouverez ci-dessous l'article que nous avions publié à ce moment-là.

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Au printemps, ils en rigolaient encore, persuadés que l'enquête judiciaire allait « faire pschitt ». Les responsables de Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen, ont désormais de quoi s'inquiéter. D'après nos informations, le système de prêts massifs vendus à de nombreux candidats FN lors des dernières élections législatives et locales, qui se retrouve au cœur d’une instruction confiée aux juges Renaud Van Ruymbeke et Aude Buresi, a été organisé par cette formation politique dans des conditions qui se révèlent de plus en plus douteuses.

Marine Le Pen en 2011Marine Le Pen en 2011 © Reuters

D’après des sources proches de l’enquête, au moins un candidat frontiste, censé avoir souscrit un emprunt d’une dizaine de milliers d’euros auprès de Jeanne au taux particulièrement élevé de 6,5 % pour financer sa campagne législative, a déclaré qu’il n’avait jamais rien signé de tel et qu’il avait découvert l'existence d’un contrat au lendemain du scrutin. À l’en croire, quelqu’un aurait paraphé la convention de prêt dans son dos.

On comprend désormais mieux pourquoi l’information judiciaire, déclenchée par un signalement de la Commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP), a été ouverte en avril dernier sur des soupçons de « faux et usage de faux » et d’« escroquerie en bande organisée ». D’après nos informations, elle a depuis été élargie à de possibles faits d’« abus de biens sociaux », mais aussi de « blanchiment en bande organisée » à la suite d’un réquisitoire supplétif délivré à la mi-septembre par le parquet de Paris.

Nombre d’éléments recueillis par Mediapart suggèrent aussi que des candidats frontistes (ou Rassemblement bleu marine) ont été priés d’antidater — donc de falsifier — leurs contrats de prêts avec Jeanne. Alors que certains prêts à 6,5 % n’avaient pas été conclus en temps et en heure (c’est-à-dire pendant la campagne), des représentants du micro-parti se seraient adressés aux candidats après les élections seulement, pour réclamer qu’ils signent une convention antidatée. Questionnés par Mediapart, les responsables de Jeanne ne nous ont pas répondu sur ce point.

À ce stade, difficile de comprendre ce que cachent exactement tous ces bidouillages, dans un micro-parti qui affichait 9 millions d’euros de recettes en 2012. Mais il faut rapprocher ces éléments d’une autre “bizarrerie” déjà racontée par Mediapart : presque tous les candidats frontistes aux dernières élections législatives se sont vu imposer l'achat auprès de Jeanne d'un « kit de campagne obligatoire » (comprenant la conception et l’impression d’un journal, d’une carte postale, d’une lettre de candidature, etc.). Tarif : environ 16 000 euros par personne, parfois plus.

Si Jeanne a développé un système de prêts à marche forcée au “bénéfice” des candidats, ce serait donc pour mieux leur vendre ses coûteux kits, en quelque sorte pour financer sa propre activité commerciale. C’est d’ailleurs un seul et même document que les candidats remplissent pour passer commande — ils cochent simplement une case pour signifier qu’ils acceptent le prêt de Jeanne au taux de 6,5 %.

Le véritable bénéficiaire de ce système, c’est l’entreprise de communication prestataire de Jeanne, qui fabrique tous ces kits à la chaîne. Baptisée Riwal, elle est dirigée par l’un des plus fidèles conseillers de l’ombre de Marine Le Pen, Frédéric Chatillon, un proche du régime syrien souvent présenté dans les couloirs du FN comme « l’argentier officieux de Marine ». En 2012 déjà, pendant la présidentielle, il lui avait facturé plus de 1,6 million d’euros de prestations. C’est aujourd’hui l’un de ses associés, un certain Axel Loustau, qui occupe le poste clef de trésorier de Jeanne. Pratique.

Selon l’un de ses amis, le patron de Riwal serait récemment parti « se mettre au vert » à l’étranger. « Je suis très régulièrement en Italie pour développer une filiale sans aucun rapport avec la politique », nous rétorque Frédéric Chatillon, pas bavard sur la marge de son entreprise, dont les comptes n’ont plus été déposés depuis 2007. Ses kits vendus aux candidats du FN lors des dernières municipales, par l’intermédiaire de Jeanne, ne seraient-ils pas surfacturés ?

D’après nos informations, la Commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP) serait tentée de répondre à cette question clef par l’affirmative. Dans le cadre de son contrôle, elle est en train de décortiquer les factures de Jeanne et les prestations de Riwal. Or, d’après des courriers expédiés cet été à certains candidats FN, que Mediapart a pu consulter, les rapporteurs de l’autorité indépendante ont tiqué au moins sur deux points.

D’abord, pourquoi des « frais de conception » des documents (journal, carte postale, etc.) sont-ils facturés à chacun des candidats, alors que leur « conception » n’a eu lieu qu’une fois pour toutes ? « S’agissant de documents strictement identiques (le changement de photographie du candidat relevant exclusivement de l’impression), le montant total des frais de conception ainsi versé au prestataire (Riwal - ndlr) pourrait être considéré comme manifestement excessif et sans rapport avec la réalité de la prestation effectuée », écrivent les rapporteurs, qui doivent boucler leurs travaux d’instruction d’ici la fin novembre.

Plus globalement, certaines « dépenses de conception et d’impression paraissent avoir été surévaluées », estiment ces rapporteurs. « Telle somme peut être considérée comme supérieure aux prix du marché », ont-ils signifié à de nombreux candidats FN, en leur demandant « de préciser les circonstances particulières qui seraient de nature à établir que les prix ainsi pratiqués étaient justifiés et ne caractérisaient pas une surfacturation. »

En l’absence de justifications, la commission pourrait bien décider qu’une partie de ces dépenses n’a rien à faire dans un compte de campagne et refuser qu’elle soit remboursée par l’État aux candidats.

Questionné par Mediapart, le trésorier de Jeanne, Axel Loustau, relativise déjà ces difficultés, parlant d’une « réformation partielle et mineure » des comptes des candidats. Il assure qu’à ce stade, aucune des décisions rendues par la CNCCFP ne conteste « la réalité des prestations servies par Jeanne et ses sous-traitants, ni le montant des tarifs pratiqués ». Et de défendre ces derniers : « Vous noterez que l'économie française n'obéit pas à des règles de droit soviétique mais est soumise au régime de la liberté du commerce et de l'industrie, principe de valeur constitutionnelle. »

« À ma connaissance, aucun compte n’est rejeté à ce jour », insiste de son côté Frédéric Chatillon. En mai dernier, le patron de Riwal s’était agacé de nos questions : « Vous devriez attendre la fin de l'enquête, à moins que vous ne travailliez pour la police. »

Les juges d’instruction Renaud Van Ruymbeke et Aude Buresi n’en sont — il est vrai — qu’au milieu de leurs investigations. Les enquêteurs s’interrogent également sur le taux d’intérêt particulièrement élevé de 6,5 % auquel Jeanne prête en général. Sous certaines conditions, les intérêts d’emprunt que les candidats lui versent peuvent en effet être admis dans la catégorie de leurs dépenses remboursables par l’État. Une aubaine.

En avril dernier, lors de l’ouverture d’une information judiciaire, Marine Le Pen (qui a pris soin de ne pas figurer dans les statuts de Jeanne) avait réagi vertement sur Twitter : « Enquêtes, informations judiciaires, perquisitions, le pouvoir socialiste ne manque pas d'imagination face à son opposition politique. » Et d’ajouter : « Tout cela se terminera comme à chaque fois par un non-lieu ou une relaxe dans quelques mois, mais la calomnie aura rempli son rôle. »

D’après son compte de campagne aux législatives, que Mediapart a consulté, Marine Le Pen s’est en tout cas bien gardée de contracter un emprunt auprès de Jeanne. Pour elle-même, la présidente du FN a préféré la Société générale.

BOITE NOIRECet article a été publié le 20 octobre, puis repris le 4 décembre pour préciser que, selon l'AFP, l'enquête judiciaire s'intéressait désormais aussi à la campagne présidentielle de Marine Le Pen.

Sollicitée par l'intermédiaire de son chef de cabinet, Philippe Martel, Marine Le Pen n'a pas souhaité nous parler. « Je n'ai rien à vous dire », s'est contenté de répondre ce dernier. Jean-François Jalkh, vice-président du FN en charge des élections et secrétaire général de Jeanne, n'a pas retourné notre appel. L'intégralité de la réponse d'Axel Loustau, trésorier du micro-parti, est consultable sous l'onglet Prolonger, ici.

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

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