Écoutez la différence… Au cours de notre entretien pour l'émission Objections, Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité, ne dément aucune tension sur le sujet en France. Mais il a une conviction : il n’y a pas le feu au lac. Cette certitude s’est renforcée après quarante ans de vie publique. Il a successivement occupé toutes les fonctions politiques nationales et locales, secrétaire général de l’Élysée, ministre, maire, président de conseil général, conseiller régional…
Il n’ignore pas que la laïcité doit se confronter à « des revendications nouvelles, plus agressives, face auxquelles il faut réaffirmer les principes ».
Il ne lui a pas échappé que l’accolement d’adjectifs au mot "laïcité" est le plus souvent chargé d’arrière-pensées, voire d’hypocrisie : « laïcité positive, d’ouverture, rigoureuse… La laïcité se suffit à elle-même ! » lâche-t-il dans l’entretien, en constatant que « la laïcité est trop souvent perçue comme une arme anti-religieuse, et que dans bien des cas ceux qui la mettent en avant ne parlent pas de laïcité, mais d’islam et de foulard ».
Pour autant, Jean-Louis Bianco refuse toute forme d’angélisme : à la tête de son Observatoire, il constate que des problèmes virulents peuvent surgir de cet islam dont l'installation en France est relativement récente. Il prône alors le dialogue plutôt que la loi, même s’il soutient la loi de 2004 sur le voile à l’école, qu’il a lui-même votée et « qui est bien appliquée ». Il répète sa conviction : « Si la laïcité devait devenir une laïcité d’interdiction, on créerait des conflits beaucoup plus forts. »
Ne le sont-ils pas déjà ? La France n’est-elle pas déjà dans l’œil du cyclone ?
Sur ce point Jean-Louis Bianco est net, et son discours tranche avec le ton alarmiste qui prévaut dans le discours public : « Quand on compare avec d’autres pays, États-Unis, Allemagne, Angleterre, l’intégration française marche beaucoup mieux ! En France, un mariage sur deux se fait hors de sa communauté culturelle et religieuse d’origine. En Angleterre c’est 3 %. Aux États-Unis les affrontements sont ethniques. Pas chez nous, où ils concernent plutôt le quartier Machin contre le quartier Truc, pour des motifs divers, mais pas d’ordre ethnique ou religieux. »
Au fond, le message du président de l’Observatoire de la laïcité se décline en trois temps: 1) La laïcité est bousculée par des problèmes religieux qui ne sont pas innombrables mais qui sont virulents. 2) Ceux qui dramatisent ces problèmes ont tort et se servent de la laïcité « comme d’une arme, or la laïcité c’est d’abord une liberté ». 3) Il faut réaffirmer les principes, mais sans claquer la porte.
Tout au long de cet entretien, Jean-Louis Bianco s’efforce, en diplomate, de tenir un point d’équilibre, et ne désigne pas d’adversaires. Sa grande prudence sera pourtant prise en défaut, dans un lapsus, à propos de Manuel Valls…
Interrogé pour savoir si Manuel Valls, plutôt adepte du bâton, est d’accord avec son invitation au dialogue permanent, Jean-Louis Bianco va lâcher, sans s’en apercevoir : « Nous ne sommes pas en désaccord. Je dis pas ça pour vous dire que c’est bien. Je dis ça parce que c’est le sentiment que j’ai, et que c’est vrai… Quand il parle de notre travail il est en désaccord avec nous ! »... Vous pouvez vérifier, c’est à la quinzième minute...
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