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La reconnaissance de l'Etat palestinien revient par le Parlement

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Plusieurs parlementaires de gauche (PS, Front de Gauche, EELV) veulent remettre à l'ordre du jour la reconnaissance de l'État palestinien, sur la base des frontières de 1967, avec pour capitale Jérusalem-Est. A l'Assemblée, l'initiative a été relancée depuis peu par l'ancien ministre de l'éducation Benoît Hamon, aux côtés de Gwenegan Bui et de François Loncle, députés (PS) membres de la commission des affaires étrangères. Réuni mercredi 5 novembre, les membres socialistes de cette commission ont, selon nos informations, voté cette proposition de résolution à une vingtaine de voix pour et seulement deux voix contre.

Ce combat est défendu par la France depuis la déclaration de François Mitterrand au Parlement israélien en 1982, où il avait proclamé la nécessaire « reconnaissance mutuelle du droit de l’autre à l’existence [...] ce qui pour les Palestiniens comme pour les autres peut le moment venu signifier un Etat ».

Il prend une nouvelle dimension avec l'annonce par la Suède d'une reconnaissance unilatérale de la Palestine en tant qu'État. « Le gouvernement considère que les critères de droit international pour une reconnaissance de l’État de Palestine sont remplis : il y a un territoire, une population et un gouvernement », a affirmé la chef de la diplomatie suédoise, Margot Wallström, le 30 octobre. C'est une première pour un pays membre de l'Union européenne (la Pologne, la Roumanie et la Hongrie ont reconnu la Palestine en 1988 mais n'étaient pas encore membres de l'UE).

Il y a quelques jours, la nouvelle représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères, Federica Mogherini, affirmait pour sa part dans un entretien à cinq quotidiens européens qu'elle était favorable à une reconnaissance de l'État palestinien. «Je serai heureuse si au terme de mon mandat l’Etat de Palestine existait», expliquait-elle.

La ministre des affaires étrangères suédoise Margot Wallström annonce la reconnaissance unilatérale de la PalestineLa ministre des affaires étrangères suédoise Margot Wallström annonce la reconnaissance unilatérale de la Palestine © Reuters

Certes, la France n'en est pas au stade de la Suède. Mais certains parlementaires (PS, EELV et Front de gauche) ont été inspirés par l'initiative suédoise et aussi par l'adoption, le 13 octobre, d'un texte au Parlement britannique réclamant la reconnaissance de la Palestine. Pour Benoît Hamon, une initiative française « remettrait la gauche dans des combats historiques, matrice de sa doctrine de politique étrangère». «À un moment, ajoute-t-il, il faut poser des actes politiques, même si le gouvernement reste parfaitement souverain de sa politique étrangère ». La sénatrice du Val-de-Marne EELV, Esther Benbassa, en a aussi fait sa priorité. « J’ai pris mon bâton de pèlerin, je vais voir les présidents de groupes au Sénat et j’ai demandé un rendez-vous avec Fabius, qu’il ne m’a pas donné », assure-t-elle. Une proposition de résolution des sénateurs Verts, que l'on peut retrouver ci-dessous, a été déposée le 23 octobre. 

Le Front de gauche a également demandé au président de l'Assemblée, Claude Bartolone, de mettre la résolution de reconnaissance de la Palestine à l'ordre du jour. Le député de Seine-Saint-Denis, François Asensi, pense que le contexte politique est favorable : « J’ai cru déceler une certaine ouverture dans les propos du ministre des affaires étrangères, dernièrement au Caire. Cette solution des deux États est menacée sur le terrain avec la colonisation et le ministre a affirmé la nécessité de reconnaître l’existence de l’État palestinien. »

La proposition de résolution des députés socialistes de la commission des affaires étrangères, que l'on peut retrouver ci-dessous, « invite le gouvernement français à reconnaître l’État de Palestine en vue d’obtenir un règlement définitif du conflit ». Si cette résolution venait à être adoptée par l'Assemblée, elle constituerait une sérieuse avancée dans le lent processus de reconnaissance de la Palestine. In fine, seul le chef de l'Etat peut décider de cette reconnaissance.

Le député Front de Gauche, François Asensi émet quelques réserves sur le projet de résolution socialiste: « la formulation invitant le "Gouvernement français à faire de la reconnaissance de l’État de Palestine un instrument pour obtenir un règlement définitif du conflit" est sujette à interprétation », déclare-t-il. « La création d’un Etat palestinien indépendant constitue plus qu’un "instrument" diplomatique. Il s’agit d’un droit inaliénable de ce peuple, reconnu par les lois internationales et les nombreuses résolutions de l’ONU. Si cette résolution venait à être examinée par les députés dans cette rédaction, nous l’amenderions pour demander la reconnaissance sans condition et sans délai de l’Etat de Palestine », conclut-il.

S'agit-il d'un point de bascule dans la diplomatie française ? Les déclarations de l'exécutif français et les positionnements des parlementaires ces dernières années consistent en de multiples atermoiements.

  • Avril 2011 : François Hollande se prononce en faveur de la création d'un État palestinien

Lors d'une visite à Paris du chef de l'Autorité palestinienne en avril 2011, soit avant l'élection présidentielle française, François Hollande s'exprime en faveur de la reconnaissance d'un État palestinien. « Je viens donner mes encouragements à un processus qui doit conduire à la paix au Proche-Orient, à un État palestinien et à la sécurité d'Israël, lance-t-il à Mahmoud Abbas avant d'en faire mention dans le 59e engagement de son programme pour la présidentielle de 2012.

Quelques mois plus tard, en septembre 2011, dans le cadre d'une demande d'admission de la Palestine à l'ONU (les Palestiniens obtiendront un an plus tard le statut d'Etat non-membre mais observateur), une proposition de résolution du groupe socialiste à l’Assemblée demande à la France de voter pour la reconnaissance de l'État palestinien . À l’époque, le premier signataire s’appelait Jean-Marc Ayrault, suivi de près par un certain… François Hollande et dix-neuf futurs ministres du gouvernement, dont le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius. « Le groupe SRC (socialiste, républicain et citoyen  ndlr) de l’Assemblée nationale appelle la France à reconnaître un État palestinien viable et souverain aux côtés de l’État d’Israël dont le droit à l’existence et à la sécurité doit être pleinement reconnu et garanti », écrivaient alors François Hollande, Jean-Marc Ayrault et Laurent Fabius.

  • Septembre 2011 : l'appel des 110 contre la reconnaissance d'un État palestinien

Toujours en septembre 2011, alors que la campagne présidentielle se rapproche, une liste de 110 parlementaires de droite et de gauche s'opposent à la reconnaissance unilatérale d'un État palestinien. Le texte, signé par plusieurs responsables socialistes (dont l'actuel secrétaire d'État Jean-Marie Le Guen, le président de la commission des lois Jean-Jacques Urvoas ou le maire de Sarcelles, François Pupponi), invite le chef de l'État à user de son droit de veto en cas de saisine du conseil de sécurité par Mahmoud Abbas (voir l'article de Lenaïg Bredoux). Au même moment, le candidat à la primaire et désormais premier ministre, Manuel Valls, fait connaître son point de vue dans une interview au journal Libération sous le titre « État palestinien : la négociation plutôt que l'unilatéralisme ». Son propos est le suivant : « Toute démarche unilatérale serait vécue par le camp d'en face comme une stratégie d'évitement des négociations visant, en creux, à imposer son point de vue. Cela n'est ni souhaitable, ni constructif, pour les Palestiniens et pour la reprise des pourparlers. »

En juin 2011 pourtant, le bureau national du PS avait adopté à la « quasi-unanimité », selon plusieurs responsables, une déclaration très claire : « Le Parti socialiste appelle la France à reconnaître l'État palestinien et à faire tous les efforts possibles pour que l'Union européenne défende cette reconnaissance à l'occasion de la prochaine Assemblée générale des Nations unies. C'est une étape décisive pour donner une réalité à la coexistence pacifique de deux États, israélien et palestinien, et à la réconciliation de leurs peuples. » 

  • Novembre 2012 : l'hésitation de François Hollande à faire entrer la Palestine comme membre observateur à l'ONU

Le débat sur la reconnaissance de l'État palestinien s'invite de nouveau au concert des grandes nations six mois après l'élection d'Hollande. Le chef de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas dépose à l'ONU un projet de résolution visant à « accorder à la Palestine le statut d'État observateur dans le système des Nations unies ». Les membres de l'ONU disposent d'un mois pour donner leur avis. François Hollande, élu depuis un peu plus de six mois, tergiverse (voir notre article ici). Ce n'est que trois jours avant l'échéance du vote qu'il rompt finalement avec le suspense en annonçant le 26 novembre 2012 que la France votera en faveur d'une reconnaissance de la Palestine comme observateur à l'ONU

Cinq mois plus tôt, en juin 2012 le nouveau président de la République apportait un timide soutien à Mahmoud Abbas « Aujourd'hui, nous devons tout faire pour reconnaître l'État palestinien à travers un processus de négociation. Ce qu'attendent les Palestiniens, ce n'est pas une proclamation. » Fin août de la même année, à la conférence annuelle des ambassadeurs, le chef de l’État n’avait évoqué que brièvement le conflit israélo-palestinien. Surtout, il avait semblé reculer nettement à la sortie de son entretien avec le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou, fin octobre « Il y a aussi la tentation pour l'Autorité palestinienne d'aller chercher à l'Assemblée générale de l'ONU ce qu'elle n'obtient pas dans la négociation… Seule la négociation pourra déboucher sur une solution définitive à la situation de la Palestine. »

  • Novembre 2013 : la visite de François Hollande en Israël et son « chant d'amour »

Passage obligatoire pour tout chef d'Etat en visite à Jérusalem, le discours à la Knesset, le Parlement israélien. Tous les Présidents s'y sont succédé, c'est là que François Hollande allait surtout être jugé, il y a été acclamé en novembre 2013. Sur la Palestine, François Hollande a redit la position énoncée par Sarkozy cinq ans plus tôt : « La position de la France est connue. C'est un règlement négocié pour que les États d'Israël et de Palestine, ayant tous deux Jérusalem pour capitale, puissent coexister en paix et en sécurité. (…) Cet accord n’aura de sens que si la sécurité d’Israël est renforcée. Quant à l’État palestinien, il devra être viable (…) – c’est pourquoi la colonisation doit cesser. »

Plus surprenant, sa visite s'est terminée par une soirée en petit comité où il a lancé un « chant d'amour » pour Israël (voir la vidéo au bout de 58 secondes) : « Si on m'avait dit que je viendrai en Israël et que j'aurais été obligé de chanter, je l'aurais fait pour l'amitié entre Benyamin et moi-même, pour Israël et pour la France. J'aurai toujours trouvé un chant d'amour pour Israël et pour ses dirigeants » avait-il conclu. 

  • Juillet 2014 : « La solidarité de la France face aux tirs de roquettes »

Début juillet 2014, c'est le début d'une nouvelle guerre entre Israël et la Palestine. L'État hébreu riposte à des tirs de roquette du Hamas et lance l'opération « bordure protectrice » visant dans un premier temps à pilonner la bande de Gaza et à mener une offensive terrestre dans les territoires palestiniens (lire l'article de François Bonnet). Rompant avec la ligne gaullo-mitterrandienne, François Hollande s'est rangé du côté du premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou.

Dans un communiqué publié sur le site de l'Élysée, il affirmait le 9 juillet 2014 le droit d’Israël à se défendre, sans évoquer les victimes palestiniennes ou le droit international : « Le Président de la République a exprimé la solidarité de la France face aux tirs de roquettes en provenance de Gaza. Il a rappelé que la France condamne fermement ces agressions. Il appartient au gouvernement israélien de prendre toutes les mesures pour protéger sa population face aux menaces. » Par la suite, l'exécutif a nuancé son propos en mentionnant dans un nouveau communiqué les populations gazaouies. « Tout doit être fait pour mettre un terme immédiat à la souffrance des populations civiles à Gaza. »

Cette courte chronologie montre à quel point le débat est loin d'être tranché, à droite comme à gauche. Côté échéancier, plusieurs parlementaires ont été reçus mercredi 5 novembre par Laurent Fabius pour discuter des termes de la résolution. Les députés socialistes ont prévu de se réunir mercredi 12 novembre pour voter le texte. Si le projet de résolution franchit cette étape, il faudra encore attendre que le texte soit mis à l'ordre du jour à l'Assemblée nationale (pas avant plusieurs semaines) pour un vote définitif. 

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