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Faible mobilisation à Paris en hommage à Rémi Fraisse

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Il est 15 heures ce dimanche 2 novembre, et une centaine de camions de CRS encerclent la place Stalingrad où doit avoir lieu l'un des deux rassemblements parisiens en hommage à Rémi Fraisse, interdit par la préfecture de police. Sur le boulevard de la Villette, plus de quarante véhicules des forces de l'ordre sont stationnés autour de la bouche de métro. Au lendemain des manifestations à Nantes, Toulouse et Dijon, marquées par des débordements et plusieurs interpellations, la situation est tendue. À chaque coin de rue, les policiers fouillent les sacs à dos et effectuent des contrôles d'identité.

Au même moment, sur le site du barrage de Sivens, plus de 2 000 personnes rendent un hommage pacifiste au militant Rémi Fraisse. À Paris, entre 300 et 500 personnes, en majorité des jeunes de 20 à 35 ans, ont fait le déplacement illégal place Stalingrad tandis qu'un millier de personnes a répondu à l'appel de France Nature Environnement sur le Champ-de-Mars (voir notre portfolio ici). 

Près de 500 personnes se sont rassemblées place Stalingrad.Près de 500 personnes se sont rassemblées place Stalingrad. © Yannick Sanchez

Sur la place Stalingrad, le mouvement de foule attendu n'a pas lieu. Le nombre de policiers dépasse de loin celui des manifestants venus s'insurger contre les violences policières. Parmi les militants, des écologistes, des anticapitalistes et quelques zadistes qui ont participé à l'occupation du site du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Phénomène rare dans ce genre de rassemblement, aucun drapeau de parti politique ou de syndicat ne se déploie parmi les manifestants.

« Vu comme ça se dessine, ça va mal finir », annonce Camille au sortir d'un contrôle d'identité. « Les policiers sont très agressifs. Ils ne disent même pas bonjour lors des contrôles, c'est ce genre de climat qui peut entraîner la violence », juge ce jeune étudiant en santé de 20 ans. À ses côtés, Paul affirme avoir déjà eu affaire à la Bac mercredi dernier, alors qu'il se trouvait aux abords de la manifestation qui a eu lieu place de l'Hôtel de ville. « Je me suis fait agresser physiquement et verbalement par un policier de la Bac », raconte cet étudiant en classe préparatoire à l'École normale supérieure. « J'étais là par hasard, et tout à fait pacifique, quand le policier m'a poussé, m'a pris et jeté dans un coin. Il m'a insulté et lorsque je lui ai dit qu'il y avait plein de personnes autour et que j'étais le seul à être agressé, il m'a dit : “J'aime pas ta gueule.” Je me suis retrouvé dans un coin assez sombre, il m'a attrapé par la gorge deux fois et m'a dit : “Si tu reviens là-bas, je te tue.” C'est pour ça que j'ai tenu à me déplacer aujourd'hui. » 

Quant à savoir pourquoi ils ont choisi le rassemblement interdit place Stalingrad plutôt que l'appel autorisé du Champ-de-Mars, les militants évoquent des raisons différentes. « Une question d'emploi du temps », pour Nicole, « de proximité » d'après un jeune couple ou encore de « sociologie du quartier », pour une sexagénaire qui préfère rester anonyme. « Je suis d'une famille ouvrière, le Champ-de-Mars, ce n'est pas mon univers », lance cette dernière.

Au bout d'une demi-heure, quelque 300 personnes entourent un jeune militant qui lit un message. « Les journalistes et les politiciens séparent les bons des mauvais manifestants, les violents des non-violents. La réalité des luttes, c'est qu'il y a de nombreuses manières de lutter, chacun selon ses moyens et ses colères. (…) À Paris, c'est la deuxième fois en quelques mois que le gouvernement interdit une manifestation (la dernière interdiction date du 20 juillet dernier lors d'une manifestation en soutien à la Palestine à Barbès, voir notre article ici – ndlr). Ne nous laissons pas gouverner par la peur. C'est comme ça que nous construirons une lutte à la hauteur de Rémi. Prouvons-leur que prendre une de nos vies leur coûtera très cher. »

Au-delà de l'hommage à Rémi Fraisse, les slogans sonnent surtout comme une charge contre les forces de l'ordre. « La police réprime, la police assassine », scandent les militants. Au beau milieu du rassemblement, quelques bannières prônent la résistance face aux violences policières mais à aucun moment il n'y a de réel affrontement avec les CRS. 

Camille, de son prénom d'emprunt, est surtout venue pour dénoncer les violences policières.Camille, de son prénom d'emprunt, est surtout venue pour dénoncer les violences policières. © Yannick Sanchez

À l'autre bout de Paris, au Champ-de-Mars, se déroule un tout autre rassemblement en face du Mur pour la Paix. La moyenne d'âge y est plus élevée, l'agitation inexistante. On y retrouve des militants de Greenpeace, de France Nature Environnement, du mouvement de Pierre Rabhi, Colibris, ainsi que quelques personnes venues simplement pour rendre hommage au jeune écologiste décédé le week-end dernier. Après avoir observé une minute de silence et entendu le portrait de Rémi Fraisse brossé par le porte-parole de France Nature Environnement, les participants ont été conviés à signer deux livres de condoléances, qui doivent être remis à l'avocat de la famille. 

Les manifestants ont fait un sit-in en hommage à Rémi Fraisse.Les manifestants ont fait un sit-in en hommage à Rémi Fraisse. © Yannick Sanchez

Au milieu du millier de manifestants pouvait-on apercevoir quelques personnalités politiques telles que Jean-Luc Mélenchon, qui a appelé à la démission du ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve, ainsi que plusieurs responsables d'Europe Écologie-Les Verts dont la secrétaire générale, Emmanuelle Cosse, l'ancienne ministre du logement, Cécile Duflot, ou encore le député Denis Baupin. « Personnellement, je ne me reconnais pas dans les manifestations qui font appel à la violence mais je ne suis pas étonnée qu'elles aient lieu, affirme à Mediapart Emmanuelle Cosse. On peut militer autrement. Mais il ne faut pas non plus nier que des jeunes expriment quelque chose de très fort à travers leurs actes de guérilla urbaine. »

Le matin même, pour la première fois depuis le début du conflit, la ministre de l'environnement prenait position contre le projet de barrage de Sivens. Il y a « manifestement une erreur d'appréciation » dans ce dossier, a-t-elle affirmé sur Europe 1. Un « tel ouvrage ne serait plus possible aujourd'hui »

Parmi les manifestants, plusieurs se disaient surpris par le faible nombre de personnes ayant fait le déplacement. « Il y avait beaucoup de gens qui étaient inquiets de la riposte des forces de police et qui ont eu peur de venir », estime Cécile Duflot. « C'était aussi une question de calendrier avec la fin des vacances », ajoute l'ancienne membre du gouvernement. Peut-être, mais cela raconte aussi les difficultés que rencontrent les Verts pour mobiliser leur base militante. Au regard des 2 000 personnes qui se sont déplacées sur le site du projet de barrage de Sivens, le chiffre de 700 personnes du Champ-de-Mars annoncé par la préfecture de police de Paris paraissait dérisoire.

Le rassemblement a pris fin aux alentours de 18 h 30. Place Stalingrad, des « interpellations préventives d’individus ont permis d’empêcher de graves débordements », pouvait-on lire dans le communiqué du ministère de l'intérieur. Au total, selon la préfecture de police de Paris, 76 interpellations ont eu lieu, dont 19 gardes à vue : trois pour port d'arme prohibé, 14 pour participation à un attroupement en vue de commettre des violences et deux pour refus de se soumettre à un contrôle d'identité. 

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