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Hollande et Valls font feu sur les écologistes

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Il aura fallu deux jours à François Hollande et Manuel Valls pour saluer la mémoire du jeune Rémi Fraisse, 21 ans, mort dimanche lors du rassemblement contre le barrage de Sivens dans le Tarn. Le premier mort dans une manifestation depuis Malik Oussekine, tué en 1986 lors de manifestations étudiantes. À l'unisson, les deux têtes de l'exécutif ont exprimé mardi leur « compassion » à son égard. Tout en campant sur une posture d'intransigeance, alors que les écologistes mettent en cause l'attitude des forces de l'ordre dans ce drame. En coulisses, certains conseillers et ministres pointent pourtant, eux aussi, une réaction trop tardive.

Mardi matin, en marge d'un déplacement, François Hollande a pour la première fois commenté le drame, après avoir appelé le père de la victime. « Quand un jeune disparaît, meurt, la première des attitudes c'est la compassion. (…) La seconde réaction, celle que les pouvoirs publics doivent engager avec la justice qui est saisie, c'est la vérité, toute la vérité sur ce qui s'est passé durant cette manifestation qui a été violente, sur les causes de la mort et j'y veillerai personnellement. La troisième réaction, c'est la responsabilité. Tous, ceux qui ont décidé cet ouvrage pour tirer toutes les conséquences de l'expertise du ministère de l'écologie, mais aussi la responsabilité dans les déclarations publiques, toutes les déclarations publiques. »

Cette allusion sibylline vise les écologistes, accusés d'instrumentaliser le drame. À commencer par Cécile Duflot. L'ancienne ministre de Jean-Marc Ayrault s'était rendue le 20 octobre dans le Tarn pour soutenir les opposants au projet. Elle y était revenue la semaine dernière et s'était étonnée de la violence des forces de l'ordre sur place, comme elle l'expliquait dès lundi soir à Mediapart.

Mardi matin, sur France Info, Duflot a exigé une commission d'enquête sur les conditions de la mort de Rémi Fraisse, déplorant une « situation absolument intolérable et qui va finir par être une tache indélébile, je le dis, sur l'action de ce gouvernement ». « Il est évident que le ministre de l'intérieur a la responsabilité. Pourquoi mettre des policiers sur ce site alors qu'il n'y a rien à protéger ? C'est une provocation. (…) Il y a une erreur lourde, je demande solennellement au ministre de s'expliquer », a ajouté sur BFM-TV le député européen EELV José Bové.

Lors des questions à l'Assemblée nationale, Manuel Valls a pris la peine de soutenir son ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, victime à l'entendre de « déclarations à l'emporte-pièce ». Il a également repris les éléments de langage du chef de l'État : « vérité », « transparence », « dignité » et « responsabilité ». Mais il est aussi allé plus loin, semblant par moments coiffer à nouveau sa casquette de premier policier de France. « Les forces de l'ordre font un travail extrêmement difficile, confrontées souvent à une violence extrême. Avant même qu'une enquête n'ait été conclue, je n'accepterai pas la mise en cause des gendarmes qui ont compté de nombreux blessés dans leurs rangs. »

Une phrase ambiguë, dont la formulation peut sembler désamorcer d'avance toute responsabilité des forces de l'ordre dans la mort du jeune homme. Or selon les premiers éléments de l'enquête révélés mardi en fin d'après-midi par le procureur d'Albi, des traces de l'explosif utilisé dans les grenades des gendarmes ont pourtant été retrouvées sur les vêtements de Rémi Fraisse. « La mise en œuvre d’un explosif militaire de type grenade offensive semble acquise », estime le parquet d'Albi.

Face aux parlementaires, Manuel Valls a aussi pris la peine de condamner les violences qui ont éclaté en marge de certaines manifestations d'hommage à Rémi Fraisse à Gaillac et Albi (Tarn), mais aussi à Nantes. « Pas de place pour les casseurs », a-t-il lancé, applaudi par les socialistes et quelques élus de l'opposition.

D'abord silencieux, le gouvernement n'a pris que tardivement la mesure de l'événement, laissant dans un premier temps le ministre de l'intérieur seul à la barre. Dimanche, le soir du drame, Bernard Cazeneuve publie un premier communiqué. Il évoque certes la mort du jeune homme, en termes d'ailleurs très neutres, mais insiste surtout sur le « contexte de violences dans lequel est intervenu cet événement dramatique », dont l'escalade est attribuée aux opposants au barrage.

Lundi soir, Bernard Cazeneuve déplore à nouveau des « violences inacceptables » commises « depuis le début du mois de septembre, en marge des mobilisations pacifiques dans le Tarn » et les « débordements de Nantes ». Le ministre, pour la première fois, dit penser à « la famille et aux proches de Rémi Fraisse, touchés par ce drame, et à leur peine ». Troisième intervention mardi matin : cette fois, Bernard Cazeneuve évoque un « drame », présente enfin « des sentiments et des pensées de compassion et de tristesse à la famille », promet de « faire en sorte que sur cet événement tragique toute la vérité soit faite ». Mais il dénonce en même temps « l'instrumentalisation » du drame par les écologistes.

« Dans toute autre démocratie, quand il y a un mort dans une manifestation, le ministre de l'intérieur démissionne », lui répondra, quelques heures plus tard, l'écologiste Noël Mamère, cinglant, dans les couloirs de l'Assemblée. « Ce drame marque un échec de l'État », affirme le coprésident du groupe écologiste à l'Assemblée, François de Rugy. « Ce drame aurait pu être évité en privilégiant le dialogue à l'usage de la force », assure André Chassaigne, qui dirige le groupe des députés Front de gauche.

Mardi matin, avant même que François Hollande et Manuel Valls ne prennent la parole, les premiers hommages à la mémoire de Rémi Fraisse dans les rangs gouvernement ont commencé à fleurir, en désordre : Marisol Touraine, Christiane Taubira…  Pourquoi si tard ? « Le gouvernement n'a pas vu le truc venir, ils ne s'attendaient pas que ça dégénère à ce point-là », dit un député socialiste. De toute évidence, l'exécutif n'a pas vu la tension croître ces derniers jours entre les manifestants et les opposants au barrage. « Y a un côté réserve d'Indiens dans ce genre d'histoires… », balayait mardi matin encore un responsable de la majorité, un brin condescendant, persuadé que le sujet resterait local, malgré le décès de Rémi Fraisse.

Un peu comme à Notre-Dame-des-Landes, l'exécutif ne semble pas avoir vu non plus combien ce projet, validé et soutenu localement par les édiles socialistes, suscitait de résistances. « Martin Malvy (le président de la région Midi-Pyrénées – ndlr) le voulait, ce barrage… », dit un visiteur régulier du chef de l'État. Mardi, plusieurs députés PS ont d'ailleurs ostensiblement applaudi le centriste Philippe Folliot, élu du Tarn, lorsqu'il a dénoncé une « minorité agissante » capable de « bloquer les projets » comme le barrage de Sivens. 

Lundi, alors que de nombreux médias évoquaient déjà le drame, François Hollande, Manuel Valls et plusieurs ministres étaient présents aux obsèques du patron de Total, Christophe de Margerie. Désastreux carambolage. « La réaction a été hyper tardive, je ne comprends pas », glissait mardi ce conseiller gouvernemental. Plusieurs ministres déplorent eux aussi, en privé, une réaction trop tardive. « C'est un drame intolérable. Ça me fait bien sûr penser à Malik Oussekine. Je suis évidemment inquiet sur les conclusions de l'enquête. En tout cas, s'il y a eu faute, elle devra être sanctionnée. » Au gouvernement, la piste de la bavure des forces de l'ordre n'est plus exclue.

BOITE NOIREJeudi 29 octobre, le service de presse du Conseil régional Midi-Pyrénées a tenu à nous apporter les précisions suivantes par courrier électronique:

« Suite à votre article publié ce mercredi 29 octobre, intitulé « François Hollande et Manuel Valls font feu sur les écologistes », concernant les travaux du barrage de Sivens, Martin Malvy, président de la Région Midi-Pyrénées, tient à vous préciser que contrairement à ce qu’il a pu lire, il n’a jamais soutenu d’une manière particulière le projet de Sivens pour lequel la Région n’a cofinancé que les études préalables à hauteur de 81 600 €, soit 15%. En ce qui concerne le comité de bassin Adour-Garonne, son intervention s’est limitée à l’approbation il y a 10 ans du plan de gestion des étiages (PGE) du bassin du Tescou. »

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