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Irrégularités fiscales chez les députés : même le président de la commission des Finances est concerné

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À l’Assemblée nationale, c’est l’un des meilleurs spécialistes de la fiscalité et l’un des chantres de la réduction des déficits publics. Le symbole n’en est que plus fort. D’après des informations recueillies par Mediapart, le président UMP de la commission des Finances, Gilles Carrez, est convoqué dans une dizaine de jours par l'administration fiscale de son département du Val-de-Marne, en vue d'un probable redressement fiscal. 

Gilles Carrez, président UMP de la commission des Finances de l'Assemblée nationaleGilles Carrez, président UMP de la commission des Finances de l'Assemblée nationale © Reuters

Compte tenu de ses biens immobiliers, les services de contrôle estiment qu'il devrait payer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), dont Gilles Carrez ne s'acquitte plus depuis 2011. En France, tout contribuable est redevable de l'ISF quand son patrimoine dépasse la valeur nette de 1,3 million d'euros.

Interrogé par Mediapart, Gilles Carrez, député et maire du Perreux-sur-Marne, fait valoir « une totale bonne foi ». « Si les services fiscaux estiment que je dois basculer dans l’ISF, je ne vais pas discuter, dit-il. Je vais l'appliquer, je ne saisirai pas la juridiction administrative. Ce n’est pas un drame. »

Celui qui fut rapporteur général du budget sous Nicolas Sarkozy fait aujourd'hui partie des dizaines de parlementaires en délicatesse avec le Fisc, une « soixantaine » selon Le Canard enchaîné du 22 octobre, qui agrège des situations très variées allant de l'évasion et de la fraude fiscale au “simple” retard de paiement, en passant par la sous-évaluation plus ou moins intentionnelle d'appartements.

Jeudi, Le Monde a d'ores et déjà dévoilé les noms de deux d'entre eux, le député Lucien Degauchy (UMP) et le sénateur Philippe Marini (UMP), qui auraient minoré la valeur de leurs biens immobiliers – le premier a surtout détenu un compte en Suisse non déclaré.

Sollicité vendredi soir, Gilles Carrez n'esquive pas les questions de Mediapart. Il explique ainsi être propriétaire d'un pavillon au Perreux détenu avec son épouse, non pas directement mais au travers d'une SCI (une société civile immobilière). Pour calculer la valeur de son bien (qui conditionne son entrée ou non dans l'ISF), le député applique un abattement de 30 % autorisé quand il s'agit d'une résidence principale, en l'occurrence « un abattement de l'ordre de 150 000 euros ».

« Or il semblerait que quand vous êtes propriétaire en SCI, vous n’ayez pas le droit à l'abattement de 30 %, même si vous habitez votre maison comme nous depuis trente-huit ans, poursuit Gilles Carrez. J'avoue que j'ignorais complètement ce point, bien que j'aie été rapporteur du budget pendant dix ans. Nous allons en discuter (avec les services fiscaux) et s'il le faut, je réintégrerai les 30 %. Je passerai donc au-dessus (du seuil de) 1,3 million d'euros et je paierai l'ISF. Le taux étant à 0,5 %, ça n'est vraiment pas un drame, pas un problème financier. La seule chose qui m'ennuie, c'est que dans cette affaire, je suis complètement de bonne foi. »

Ce « point » ignoré par le président de la commission des Finances semble pourtant connu de bien des fiscalistes. Sur internet, nombre d'articles de presse, soupesant les intérêts et inconvénients de transformer son habitation en SCI, en font état noir sur blanc.

À l'arrivée, l'élu reconnaît qu'il pourrait être redressé sur une ou plusieurs années. « Si on me réintègre les 30 %, je pense que je devrais être assujetti à partir de 2012 ou 2013 », déclare Gilles Carrez, qui espère échapper à des pénalités pour mauvaise foi.

Le député UMP est justement l'auteur de l'amendement qui a instauré l'abattement de 30 % sur la résidence principale (auparavant limité à 20 %), co-signé à l'été 2007 avec Jean-François Copé. « Dans mon esprit, assure Gilles Carrez, c'était pour la résidence principale quelle que soit la modalité de détention. » SCI ou pas SCI, « ce qui était important, c'était qu'on y habite ! ». Coût estimé à l'époque pour cette mesure dont il devait bénéficier ? Environ 110 millions d'euros par an pour l'État. Même ses collègues centristes avaient dénoncé un « cadeau » aux plus fortunés, tandis que les socialistes hurlaient : « Vous continuez à vider l'ISF de sa substance, c'est inadmissible ! »

Quatre ans plus tard, le député a également défendu la réforme du gouvernement Fillon qui a fait passer le seuil d'entrée dans l'ISF de 800 000 euros à 1,3 million d'euros. Une mesure que Gilles Carrez jugeait « conforme à l'objectif poursuivi par l'impôt de solidarité sur la fortune : taxer uniquement les grandes fortunes ».

En toute transparence, il explique aujourd'hui à Mediapart en avoir profité : « J'ai payé l'ISF de 2007 à 2010, et puis quand le seuil est passé de 800 000 à 1,3 million d'euros, je me suis retrouvé un peu au-dessus d'un million mais très en dessous de 1,3 million. » Dès 2011, Gilles Carrez n'a donc plus déclaré d'ISF... jusqu'aux vérifications fiscales en cours.

Par ailleurs, le parlementaire s'inquiète d'une éventuelle méconnaissance par les services fiscaux du caractère semi-professionnel de son pavillon du Perreux. « Il comprend les locaux de la pharmacie exploitée par ma femme, précise Gilles Carrez. Mon assurance, d'ailleurs, distingue bien : j'ai 120 m2 côté logement, et puis 75 m2 plus 75 m2 de réserve côté pharmacie. Or la pharmacie, c'est un bien professionnel, ça n'a pas à rentrer dans l'ISF. Quand je verrai les services fiscaux, je mettrai ce point en évidence. »

Après trente minutes d'entretien, Gilles Carrez finit par s'agacer. « Tous ces noms (de parlementaires) qui vont être égrenés dans la presse, qu'on va donner en pâture, ça ne fera qu'entretenir le Front national », s'alarme le député, choqué de voir des noms “fuiter” à droite à gauche. « Mediapart en sait autant que le directeur des services fiscaux du Val-de-Marne ! »

Les contrôles en cours sur les parlementaires sont la conséquence des travaux entrepris par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HAT), chargée d'éplucher les déclarations de patrimoine et d'intérêts de 9 000 hauts responsables publics. Quand ses services ont quelque suspicion, ils peuvent se tourner vers Bercy et demander d'accéder aux données fiscales – une démarche qui déclenche des vérifications en bonne et due forme, sous la houlette de la direction générale des finances publiques.

« Ce que je souhaite, c'est que le secret fiscal soit préservé, lui qui fonctionnait encore à peu près, en tout cas un peu mieux que le secret de l'instruction, insiste le président de la commission des Finances. Mais là, à partir du moment où des listes se baladent... À partir du moment où vous mettez en place des procédures de type HAT, avec une liaison avec les services fiscaux (d'ailleurs nécessaire), vous mettez dans la boucle des dizaines de personnes. Et il y en a une qui se fait un malin plaisir... » 

Certains hauts fonctionnaires de Bercy voient d'un très mauvais œil le partage d'informations avec la HAT, qui vient bousculer leurs habitudes. Créée en réponse à « l'affaire Cahuzac », l'autorité indépendante du pouvoir exécutif a pourtant démontré son utilité dans les affaires Benguigui, Le Guen ou encore Thévenoud« En trente-huit ans, avec ma femme, on n'avait jamais eu de contrôles fiscaux », confie Gilles Carrez. C'est désormais chose faite. 

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Je casse, tu paies


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