Fidèle à sa réputation, le parquet d’Évry n’a pas encore bougé. Le 22 juillet, Eloy Gonzalez, 4e adjoint au maire de Saintry-sur-Seine, a écrit au procureur d’Évry pour le prévenir qu’après avoir alerté le parquet sur des anomalies dans le financement de la campagne électorale de la maire (UDI), Martine Cartau-Oury, son « intégrité physique et morale » et « celle des membres de (sa) famille » était « menacée ». Il fait état « des réactions très vives », « et notamment des menaces de violence de la part du deuxième maire adjoint de Saintry-sur-Seine ».
Or le deuxième maire adjoint en question, Machiré Gassama, membre de la garde rapprochée de Serge Dassault, a déjà sa place, aux côtés de l’avionneur, dans un des dossiers sensibles du département. « Machiré a dit à l’un de mes amis qu’il allait s’occuper de moi, que ma famille et moi devrions quitter la ville, et qu’il allait me casser la figure, rapporte Eloy Gonzalez. Il m’a accusé d’être “un judas“ pour avoir demandé les comptes de campagne à la maire. » Deux mois après ces menaces, l’élu n’a même pas eu la visite d’un gardien de la paix, et le procureur d’Évry, joint par Mediapart, dit n’avoir pas vu passer sa lettre recommandée... La maire de Saintry, par contre, lui a retiré ses délégations et envisage d’exclure, mardi, l’adjoint trop curieux de l’équipe municipale.
Machiré Gassama, directeur du service de la jeunesse et des sports de Corbeil, est visé aux côtés du sénateur Serge Dassault, et de son bras droit, le maire de Corbeil Jean-Pierre Bechter, par une information judiciaire pour « association de malfaiteurs » ouverte, début septembre, après le dépôt d’une plainte avec constitution civile.
Rachid Toumi et Fatah Hou, deux adversaires du clan Dassault – soupçonnés d’avoir réalisé la vidéo des aveux du vieux sénateur l’automne 2012 – ont été victimes de tentatives d’homicides en janvier et février 2013. C’est lors des écoutes réalisées pour élucider la première tentative, que les policiers découvrent un échange entre Gassama et Jean-Pierre Bechter – révélé ici par Mediapart – au cours duquel les deux hommes semblent se réjouir d’un projet d’interpellation téléguidée de Fatah Hou au Maroc. Plus tard, Gassama s’entretient avec Younès Bounouara, quelques heures après qu’il eut tiré sur Fatah Hou. Il l’informe du pronostic vital de la victime (« c’est 50/50 »), et s’assure qu’il n’utilisera pas son téléphone.
Ces écoutes avaient de quoi provoquer des investigations supplétives visant Dassault, Bechter et Gassama, mais pas à Évry. L’avocate de Fatah Hou a donc saisi le procureur de ces faits, et ce dernier a ouvert une enquête préliminaire, pour la classer peu après. « J’aurais pu ne rien faire et attendre, réagit le procureur Éric Lallement. J’ai considéré qu’il n’y avait pas d’élément de nature à délivrer un réquisitoire supplétif. Les juges d’instruction d’ailleurs n’en ont pas demandé. » L’information judiciaire, des plus embarrassantes pour Bechter, a donc été ouverte, via le dépôt d’une plainte avec constitution civile devant le doyen des juges d’instruction.
« Que des voyous se tirent dessus, ce n'est pas mon problème. Le mis en cause (Younès Bounouara - ndlr) est effectivement connu de nos équipes, mais il n'avait pas de bureau à la mairie », a déclaré le maire de Corbeil au Point. Machiré Gassama, lui, a non seulement un bureau, mais une direction à la mairie de Corbeil. Et il s’est plaint, fin mai, d’avoir été victime d’une embuscade près de son domicile à Saintry. « D’après lui, les tireurs étaient postés de part et d’autre de la rue, a expliqué son avocate Violaine Papi au lendemain des faits. Des impacts ont été trouvés sur son véhicule. Son sentiment est qu’on a voulu le tuer et non plus l’impressionner. » L’enquête sur ces tirs n’a pour l’instant rien donné. Mais la tension reste vive entre les clans de Corbeil-Essonnes. Dans la nuit de dimanche à lundi, une école et la médiathèque des Tarterêts ont ainsi été partiellement incendiées par deux voitures béliers. Semble-t-il, un nouvel avertissement au clan Dassault.
À Saintry, l’équipe municipale se déchire sur les conditions de financement de la campagne municipale. La maire (UDI), Martine Cartau-Oury, refuse en effet de communiquer les comptes de campagne à ses colistiers. Et plusieurs fournisseurs ont d’ores et déjà saisi la justice des factures qu’elle refuse de payer. L’ardoise s’élève à près de 8 000 euros, dus à un imprimeur parisien, Editam, et à une société de communication essonnoise, Calligramme. Alerté par le passage des huissiers à la mairie, le 4e adjoint au maire, Eloy Gonzalez, a logiquement demandé des comptes à la mairie avant d’écrire au procureur. « S’il s’avérait que des entreprises n’ont pas été totalement réglées, vous tomberiez sous le coup des dispositions de l’article L.52-8 du code électoral pour des faits de financement de campagne électorale par des personnes morales », a-t-il averti en juillet.
Le dépôt d’un compte de campagne n’est pas obligatoire pour une ville de moins de 9 000 habitants – Saintry en compte 5000 –, mais le respect du code électoral, si... L’élu s’interroge sur deux autres prestations d’imprimerie, réalisées pour les municipales. Martine Cartau-Oury lui répond qu’elle ne comprend pas « sa démarche suspicieuse », et l’avertit « qu’afficher (ses) doutes de manière publique est grave ». Machiré Gassama le prend plus mal encore, en menaçant Gonzalez de représailles. L’élu dépose plainte le 20 août au parquet d’Évry, suivi par l’un des prestataires, le patron de Calligramme, Thierry Noël, qui se dit également « victime de menaces anonymes ces derniers temps ».
Contactée par Mediapart, Martine Cartau-Oury a admis être en litige avec l’un de ses fournisseurs, mais elle s’estime à l’abri de tout reproche. « J’ai tout payé sur mon budget personnel », fait-elle remarquer. Contacté, via son avocate Me Violaine Papi, Machiré Gassama n’a pas souhaité commenter nos informations.
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