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La Commission des financements politiques met la pression sur l'UMP

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« Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille. » Pour les dirigeants par intérim de l'UMP, le proverbe chiraquien se confirme. Déjà visé par deux informations judiciaires, secoué ce lundi 29 septembre par l'interpellation d'anciens responsables de Bygmalion, le parti doit en plus affronter des investigations d'un genre inédit de la Commission nationale des financements politiques (CNCCFP), qui refuse cette année d'enregistrer les comptes de l'UMP sans moufter et inaugure les nouveaux pouvoirs d'enquête que les “lois post-Cahuzac” lui ont conférés.

Dans une missive datée du mois d'août que Mediapart s'est procurée, l'autorité indépendante exige que les dirigeants de l'UMP (Chatel, Juppé, Raffarin et Fillon) lui communiquent toute une série d'explications, de « justificatifs » et de « pièces comptables », en particulier sur les conditions douteuses dans lesquelles le parti a pris en charge la pénalité financière infligée à Nicolas Sarkozy par le Conseil constitutionnel ou bénéficié d'un prêt de 3 millions d'euros du groupe UMP de l'Assemblée. Au passage, elle semble ouvrir un nouveau front, puisqu'elle interroge l'UMP sur les dessous du “Sarkothon” et sa miraculeuse récolte de dons (officiellement, plus de 11 millions d'euros en deux mois).

Sollicité, le secrétariat général de l'UMP n'a pas souhaité préciser les éléments de réponse qu'il avait renvoyés à ce stade. « Par respect pour la Commission, nous lui laissons le soin de faire ou de ne pas faire la publicité sur ces informations, explique-t-on à Mediapart. Mais les autres partis sont soumis à la même procédure, vous savez... »

•    L'emprunt caché de 3 millions d'euros :

Mediapart a révélé en juin que le parti, au bord de la cessation de paiement après les législatives de juin 2012, s’était tourné en catastrophe vers le groupe UMP de l’Assemblée et sa cagnotte (essentiellement constituée de dotations publiques censées servir au travail parlementaire). Depuis, le parti a beau clamer la « régularité » de cet emprunt de 3 millions d’euros, la question n’est toujours pas tranchée par la Commission, faute d'éléments pour en juger. À ce stade, ni le parti ni le groupe n'ont daigné publier le contrat, les avenants, l'échéancier des remboursements… Or la légalité de cet emprunt dépend précisément des conditions financières dans lesquelles il a été réalisé.

Christian Jacob a succédé à Jean-François Copé à la présidence du groupe UMP en novembre 2010Christian Jacob a succédé à Jean-François Copé à la présidence du groupe UMP en novembre 2010 © Reuters

Dans son courrier, la Commission souligne que ce « financement d'un caractère inusité et d'un montant significatif n’a fait l'objet d'aucune mention (dans les comptes déposés par le parti) en 2012, comme en 2013 ». Et visiblement, elle s'interroge sur les raisons de ce mutisme, sachant que la loi interdit à un groupe parlementaire de « consentir des dons ou des avantages directs ou indirects à un parti ». En l'occurrence, ne s'agirait-il pas d'un don par la suite déguisé en prêt pour "régulariser" l’opération ? Ou d'un prêt initialement consenti à des conditions plus favorables que celles du marché, voire à taux zéro ?

Après nos révélations, le président du groupe UMP, Christian Jacob, qui avait transféré les 3 millions d'euros en 2012 dans le dos de ses troupes, s'est justifié sur sa cachotterie en déclarant : « Si je rendais (le prêt) public, ça faisait la démonstration que le parti était en cessation de paiement. Les banques (du parti) se retiraient et c’était l’effondrement. » L'opération de 3 millions d'euros a ainsi été cachée aux banques comme à la Commission.

Aujourd'hui, celle-ci se rebiffe et use des pouvoirs de contrôle dont les “lois post-Cahuzac” l'ont enfin dotée. Elle demande ainsi à la nouvelle direction de l'UMP de lui communiquer « la décision ou la délibération ayant autorisé la souscription du prêt » – à supposer que cette décision ait été formalisée autrement que par un coup de fil entre Jean-François Copé, alors président du parti, et son ami Christian Jacob.

Elle réclame « la convention de prêt », « les avenants », « ainsi que les pièces comptables correspondantes ». Elle exige surtout les pièces « relatives aux remboursements éventuellement intervenus », en clair les preuves de sa légalité.

À ce stade, les “détails” que Christian Jacob a lâchés à la presse laissent en effet dubitatif, pour le moins. Interrogé sur le taux d'intérêt initial consenti à Jean-François Copé, il a répondu le 24 juin dernier : « J'en sais rien, j'ai plus en tête. » Et simplement expliqué qu'en 2013, lorsqu'un pool bancaire est venu refinancer le parti, il a « demandé à ce que le prêt (accordé par le groupe en 2012) soit annexé au pool bancaire avec les mêmes taux d'intérêt », soit 2,7 %. Mais avant, mystère. « Il y a eu une période de reconstitution de trésorerie du parti sans remboursement », a-t-il fini par lâcher, gêné.

D'après ses propres déclarations, seuls « 580 000 euros ont déjà été remboursés par le parti », sur les 3 millions. Les montants successifs des mensualités ? « Je les ai pas en tête », a encore balayé le patron des députés UMP. Sous peu, les relevés bancaires devraient parler.

•    L'amende personnelle de Nicolas Sarkozy soldée par l'UMP :

Sur ce dossier, la Commission mène visiblement sa petite enquête, en parallèle du parquet de Paris qui a décidé d’ouvrir une information judiciaire sur des soupçons d’« abus de confiance » (comme l'a dévoilé Le Monde le 24 septembre). En octobre 2013, en effet, l’UMP a réglé de sa poche la pénalité de 364 000 euros que le Conseil constitutionnel avait infligée au candidat Sarkozy – et à lui seul – après le rejet de son compte de campagne.

Cette somme correspondait aux “hors plafond” alors repérés par le Conseil constitutionnel – ils étaient en fait loin du compte, puisque Mediapart a révélé depuis que 17 millions d’euros de frais de meeting avaient été dissimulés avec la complicité de Bygmalion.

Dans son élan, l’UMP s’est en plus acquittée d’une petite somme que le candidat Sarkozy était prié de rembourser en personne au Trésor public (correspondant à un “fonds de caisse” avancé par l’État au début de la campagne). Mais de quel droit le parti a-t-il ainsi volé au secours financier de l’ancien président (qui multiplie pourtant les conférences grassement rémunérées aux quatre coins du monde) ?

La loi électorale est pourtant limpide, s’agissant des pénalités : c’est « le candidat (qui) est tenu de verser (la somme) au Trésor public ». En s’affranchissant de cette règle, les dirigeants de l’UMP n’ont-ils pas commis un « abus de confiance » ? Nicolas Sarkozy un « recel d’abus de confiance » ? Un juge d’instruction, sinon deux, va désormais s’emparer du dossier.

Nicolas Sarkozy en juillet dernierNicolas Sarkozy en juillet dernier © Reuters

À l’époque, la direction de l’UMP avait estimé légal de payer, sur la base d’une analyse de faisabilité fournie par Me Philippe Blanchetier, tout à la fois conseil du parti… et avocat du candidat Sarkozy devant le Conseil constitutionnel – il a depuis été remplacé.

Mais à vrai dire, dans sa “note blanche” non signée (concoctée avec un fiscaliste du cabinet Ernst & Young), Me Blanchetier avait surtout exploré les enjeux pour la feuille d’impôts de l’ancien président : Nicolas Sarkozy aurait-il obligation de déclarer au fisc ce cadeau de l’UMP ? Sous quelle forme ? Etc. À part ça, la prise en charge de l’amende avait paru naturelle, voire instinctive, dans les couloirs du parti alors présidé par Jean-François Copé (flanqué de l’ultrasarkozyste Éric Césari au poste de directeur général).

Un an plus tard, sceptique, la Commission veut connaître « l’analyse juridique (…) ayant conduit le parti à décider de payer ». Et savoir « quelle est la forme prise par cette décision ». En clair, qui est responsable de cette incongruité.

Arrivés cet été aux manettes de l’UMP, Alain Juppé et François Fillon avaient en tout cas pris conscience du risque pénal. Le coup était parti, l’amende payée, mais Me Philippe Blanchetier a été prié de produire une seconde note (dans laquelle il a balayé tout risque de poursuite pour abus de confiance), tandis qu’au moins un autre avocat, Me François Sureau, était sollicité pour une contre-expertise. Lui a jugé le risque « réel ».

Comme le parti s’apprêtait à déposer officiellement ses comptes à la Commission le 30 juin, une drôle de partie s’est illico jouée en coulisses. Du côté de François Fillon et d’Alain Juppé, on a insisté pour que les commissaires aux comptes de l’UMP, chargés de les certifier, jouent un minimum la transparence auprès de la Commission et mentionnent la persistance d’un débat juridique sur les fameux 364 000 euros – histoire de se border. Ils n’ont pas été entendus. Les deux commissaires aux comptes les ont déposés tels quels, avec une bombe à retardement dedans.

Bizarrement, les deux mêmes commissaires aux comptes ont adressé un signalement au parquet de Paris dès le lendemain pour pointer ces faits potentiellement délictueux, déclenchant l’ouverture d’une enquête judiciaire. Pourquoi pas plus tôt ?

•    Sur les coulisses du Sarkothon :

La Commission relève enfin une explosion des dons par carte bancaire en 2013, avec 6,6 millions d'euros collectés contre 1,9 millions en 2012. L'explication paraît simple : l'engouement suscité par le “Sarkothon” lancé en juillet 2013 par Jean-François Copé (pour compenser l'invalidation du compte de campagne de Nicolas Sarkozy dont les frais n’ont pas été remboursés). Mais la Commission semble avoir du mal à l'avaler. Et pour cause : « Le bulletin de souscription (au Sarkothon) n'indiquait qu'un seul mode de versement », par « chèque libellé à l'ordre de (l'UMP) », rappelle-t-elle.

Sans doute le parti a-t-il finalement accepté les CB. Mais la Commission veut y voir clair : « Il serait (...) nécessaire de préciser si l'augmentation (des dons par carte) constatée est ou non en relation avec (le Sarkothon) », demande-t-elle aux patrons de l'UMP, avec copie aux commissaires aux comptes.

Elle écrit surtout : « La Commission vous saurait gré de bien vouloir décrire les procédures de contrôle interne des versements par carte bancaire, notamment celles permettant de s'assurer que le titulaire de la carte est bien une personne physique », et non une entreprise, interdite de financement politique. En revanche, sur les espèces arrivées en pagaille par La Poste, la Commission ne pose aucune question. Il faut dire qu’elle n’a aucun moyen de contrôle.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Blocage des sites web… encore !


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