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Manuel Valls obtient une majorité sur le fil

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Manuel Valls ne dispose plus que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale. Alors que le PS détient à lui seul la majorité absolue (289 sièges) depuis mai 2012, le premier ministre n’est parvenu mardi qu’à obtenir la confiance de l’Assemblée avec une majorité relative : 269 pour, 244 contre. C’est évidemment la première fois depuis le début du quinquennat. Mais c’est aussi une quasi première dans l’histoire de la Cinquième République : à chaque fois que les premiers ministres, de droite ou de gauche, ont sollicité la confiance de l’Assemblée nationale, ils l’ont toujours obtenue avec plus de la moitié de l’hémicycle. Tous, sauf Georges Pompidou, le 27 avril 1962, lors d’une déclaration sur son programme de gouvernement. Six mois plus tard, son gouvernement était renversé…

Certes, ce n’est qu’un symbole. De fait, Manuel Valls a bel et bien obtenu à nouveau la confiance des députés, gagnant le droit de rester à Matignon. Mais pour le premier ministre, l’avertissement est clair : Manuel Valls ne sauve sa peau qu’à 25 voix près. En cinq mois, il en a perdu 37.

Et dans les rangs socialistes, l’hémorragie se confirme. Le 8 avril, lors de son premier discours de politique générale, 11 socialistes s’étaient abstenus – ce qui était déjà une première. Six mois plus tard, ils sont trois fois plus nombreux. Ce mardi, 32 socialistes ont franchi le pas de l’abstention, malgré les très fortes pressions et les procès en « irresponsabilité » instruits ces dernières semaines par les chefs de la majorité.

Il y a bien sûr ceux qui s’étaient déjà abstenus la première fois, issus de l’aile gauche pour l’essentiel, rejoints par les leaders de la contestation socialiste des derniers mois (l’ex-strauss-kahnien Laurent Baumel, Christian Paul, etc.). Mais aussi des proches de Martine Aubry, dont Jean-Marc Germain et l’ancien ministre François Lamy, les deux proches lieutenants de la maire de Lille. Se sont également abstenus les trois députés chevènementistes qui avaient voté la confiance en avril, ou des députés certes critiques, mais en général peu adeptes des coups d’éclat, comme Daniel Goldberg, Anne-Lise Dufour-Tonini, Hervé Féron ou Kheira Bouziane.

Les 31 abstentionnistes auxquels s'ajoute LInda Gourjade qui a fait rectifier son voteLes 31 abstentionnistes auxquels s'ajoute LInda Gourjade qui a fait rectifier son vote

Depuis des mois, ceux-là trépignaient et avaient parfois refusé de voter certains textes. Ce mardi, ils sont passés aux actes. « J’avais voté la confiance en avril. Mais depuis, il y a eu la rentrée toute en testostérone de Manuel Valls, l’éviction d’Arnaud Montebourg et de Benoît Hamon, les déclarations du patron du Medef, explique Christophe Léonard, député des Ardennes (aile gauche du PS). J’attendais de Valls un retour aux fondamentaux. Qu’il arrête de faire des déclarations d’amour à tout le monde et ne nous inflige pas cette “gauche moderne” qui consiste à stigmatiser les chômeurs. Aujourd’hui, il a allumé tous les signaux de gauche dans son discours. Mais au-delà des mots, il n’y a rien de concret… »

Cette fois, les dix-sept députés écologistes se sont eux aussi abstenus. En avril, dix d’entre eux avaient voté la confiance au premier gouvernement Valls. Les écologistes étaient alors très divisés sur le fait de rester ou non au gouvernement. « Cette fois, nous avons tenu à faire bloc », assure l’écologiste Christophe Cavard, « car c’est le seul moyen de peser pour obtenir des avancées en matière d’écologie. Et puis, nous n’avons pas digéré le détricotage de la loi ALUR (sur le logement – Ndlr) de Cécile Duflot. Sans nous, sans une partie des socialistes, Manuel Valls gouverne désormais avec un PS replié. » Comme en avril, les dix députés Front de gauche ont voté contre. « Le premier ministre ne dispose plus que d'une majorité peau de chagrin, ce vote de confiance n'est qu'une victoire à la Pyrrhus, sans aucune perspective », commentait, mardi soir, le PCF dans un communiqué.

Après le remaniement surprise de la fin août, lors duquel les ministres qui réclamaient une autre ligne politique ont quitté le gouvernement, Manuel Valls avait choisi de faire voter la confiance alors que la Constitution ne l’y oblige pas. Une façon de dramatiser la situation, d’affirmer son autorité, de se poser en seul recours. Depuis le remaniement, le premier ministre fait passer le message : c’est lui (et sa ligne, soutenue par François Hollande) ou le chaos institutionnel. Lui ou la dissolution. Lui ou la droite, voire Marine Le Pen. Ces jours-ici, nombre de députés ont été appelés par des responsables socialistes ou des proches du premier ministre.

Mardi, le premier ministre a, sans surprise, joué sur le même registre, dramatisant l’enjeu en commençant son discours par la situation internationale, présentée sous le seul angle de la menace (en vrac l’Ukraine et « les tensions avec la Russie (qui) ramènent aux heures de la guerre froide » ; la guerre à Gaza ; « les ravages d’Ebola » ; les naufrages de migrants en Méditerranée). « Le monde est d’abord confronté à une menace terroriste dont l’ampleur et l’évolution sont inédites », a martelé Manuel Valls.

Comme le président de la République et les ministres de la défense et de l’intérieur, le premier ministre a insisté sur le lien entre la situation en Syrie et en Irak et la situation en France (lire notre article). « Dans ces moments, face à ces menaces, l’unité nationale s’impose », a dit Valls, pour rappeler à sa majorité que l’enjeu du vote de confiance ne relevait pas, selon lui, d’un débat de politique économique. Un argument également utilisé par le président du groupe PS à l’Assemblée nationale, Bruno Le Roux, qui a commencé son discours par ce rappel.

L’exécutif n’a pas non plus hésité à agiter la menace de la dissolution face aux députés de la majorité. « Le vote de la confiance, ce n'est pas un vote sur le projet de loi de finances ou le pacte de compétitivité. On ne gomme pas les débats, mais la question politique posée par le vote de confiance, c’est d’en finir, oui ou non, avec l’hypothèse de la dissolution… Il s’agit de donner un signe de solidité de la majorité, pas d’unanimité », expliquait, ces derniers jours, un proche de Le Roux.

Sur le fond, le discours de Manuel Valls est sans surprise. Le remaniement, fin août, avait définitivement mis un terme aux derniers espoirs de certains élus de la majorité d’une quelconque inflexion de la politique de l’exécutif. Une politique de l’offre, qui mise d’abord sur le pacte de responsabilité à destination des entreprises pour relancer l’économie, et un discours sur une supposée « gauche moderne », prête à revenir sur l’interdiction du travail du dimanche ou les seuils sociaux pour les petites entreprises.

Manuel Valls l’a redit mardi après-midi : « Je comprends les impatiences, les doutes, les colères. Ils sont légitimes quand le chômage atteint des niveaux aussi élevés, et depuis si longtemps. Mais face à cela, quelle attitude adopter ? La fébrilité ? Le zigzag ? Le renoncement ? Non ! » Avant d’ajouter, dans une de ses formules dont il a truffé son discours : « Gouverner, c’est résister. Gouverner, c’est tenir. Gouverner, c’est réformer. Gouverner, c’est dire la vérité. » « Aider nos entreprises, ce n’est pas un choix idéologique, c’est un choix stratégique », a-t-il encore rappelé, conformément à ses discours précédents, notamment celui prononcé à l’université d’été du Medef, fin août.

Manuel VallsManuel Valls © Reuters

Comme à son habitude, Valls a de nouveau structuré son discours autour d’expressions empruntées aux discours libéraux, comme « adaptée à la réalité », « remettre en mouvement », ou « lever les blocages ». Sur l’accès au logement, « ce qui compte, c’est l’efficacité, pas l’idéologie », a dit le premier ministre.

Mais, devant les députés, l’ancien maire d’Évry a tenu à rassurer ses troupes : il a rappelé de façon appuyée son attachement au modèle social français, répété son discours tenu fin août à La Rochelle, pour expliquer qu’il ne « faisait pas de l’austérité », et annoncé que le minimum vieillesse sera revalorisé de 8 euros pour atteindre 800 euros, alors que les petites retraites (inférieures à 1 200 euros) bénéficieront d’une « prime exceptionnelle ».

Valls a également évoqué le combat pour « l’égalité » – une façon de rassurer sa majorité, et même une partie de son gouvernement, inquiète de la disparition du discours de l’exécutif de cette bataille identitaire pour la gauche. Mais il l’a fait à sa façon, en parlant de « l’égalité des possibles » chère au nouveau ministre de l’économie Emmanuel Macron (lire notre article). « Le grand dessein de la République, c’est l’égalité des possibles », a dit le premier ministre.

La seule nuance par rapport à son premier discours de politique générale, il y a cinq mois seulement, réside dans le passage sur l’Europe. La dernière fois, Valls avait déjà critiqué la cherté de l’euro et défendu la réorientation de la politique européenne. Il est allé un peu plus loin mardi, appelant l’Allemagne à « prendre ses responsabilités ». Mais on est très loin de la confrontation promise par certains dirigeants de la majorité ces derniers jours.

Avec le résultat de mardi, le premier ministre peut d’ores et déjà s’attendre à des votes serrés sur tous les grands textes à venir à l’Assemblée. Et notamment le budget. « Désormais, l’objectif est pour nous le budget 2015. C’est en fonction de cela que nous saurons si nous sommes toujours dans la majorité ou si nous passons dans l’opposition », prévient l’écologiste Christophe Cavard. Même tonalité auprès des socialistes de Vive la gauche : « Notre abstention aujourd’hui va nous permettre de peser dans le débat budgétaire de l’automne », assure l'aubryste Jean-Marc Germain, qui réclame des mesures en faveur du pouvoir d’achat des ménages.

En attendant, c’est au tour de François Hollande de se prêter au jeu de l’explication de texte : jeudi 18 septembre, il tiendra sa conférence de presse semestrielle à l’Élysée.

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Profession journaliste inutile


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