Le gouvernement Valls II aura tenu dix jours. Jeudi, l'Élysée a annoncé le remplacement d'un des secrétaires d'État, Thomas Thévenoud, par le député socialiste Matthias Fekl, en charge du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.
D'après nos informations, Thomas Thévenoud, élu député pour la première fois en juin 2012, ne déclarait pas ses impôts depuis plusieurs années – un contribuable « défaillant », pour reprendre le jargon de l'administration fiscale. Ces dernières années, selon certaines sources, celle-ci aurait lancé une procédure « d'imposition d'office », théoriquement à la suite de relances et mise en demeure, pour prélever à la source une part des revenus de l'élu (vice-président du conseil général de Saône-et-Loire depuis 2008). À ce stade, Mediapart n'a pas pu obtenir d'informations sur les montants concernés.
Sollicité par Mediapart, l'intéressé n'a pas répondu à nos questions. Dans une déclaration écrite envoyée à l'AFP après sa démission, Thomas Thévenoud a finalement admis « des retards de déclaration et de paiement » au fisc, qu'il affirme désormais « intégralement régularisés ». « Je n'ai jamais fait l'objet d'aucune poursuite judiciaire ou fiscale », indique-t-il encore.
Jeudi en fin d'après-midi, le cabinet de Manuel Valls avait déclaré à l'AFP que le « premier ministre a considéré que, suite à une situation découverte après sa nomination, M. Thévenoud ne pouvait poursuivre sa fonction. Le premier ministre et M. Thévenoud ont convenu que ce dernier devait remettre sa démission ». Dans son communiqué, l'Élysée avait esquivé le sujet en évoquant des « raisons personnelles ».
Thomas Thévenoud avait été une des surprises du dernier remaniement : élu en Saône-et-Loire, il a été un temps considéré comme un proche d'Arnaud Montebourg, limogé du gouvernement après ses critiques de la politique économique de François Hollande et de Manuel Valls. Lors de la dernière fête de la rose de Frangy-en-Bresse, Montebourg en avait fait l'éloge mais politiquement, ils étaient assez éloignés.
Un autre secrétaire d'État du gouvernement Valls, Jean-Marie Le Guen, toujours en place, a déjà été épinglé pour des problèmes fiscaux. D’après des informations recueillies par Mediapart en juin, ce dernier a initialement « sous-déclaré » son patrimoine d'environ 700 000 euros à la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique. Mediapart avait révélé qu'il devrait subir un redressement fiscal sur son impôt sur la fortune, qui pourrait logiquement atteindre 50 000 euros rien que sur l'année 2013.
À l'époque, Thomas Thévenoud, interrogé par nos soins, avait refusé de réagir, par SMS, en tant que porte-parole du groupe PS à l'Assemblée : « Pas de commentaires pour l'instant. »
Il avait également été membre de la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Cahuzac. Il avait alors déclaré au micro de RTL : « J'ai une question toute simple à lui poser : pourquoi a-t-il menti à la représentation nationale ? (Et) pourquoi il s'est menti à lui-même ? » Avant de conclure : « Cahuzac est un ancien collègue, ça a été un ministre qui avait un savoir-faire, mais il nous a menti et c'est une véritable trahison. »
Thévenoud était aussi, depuis mars 2013, vice-président de la mission d’information sur la fraude fiscale. En octobre dernier, il lançait à propos des demandes de régularisation reçues par le fisc de la part de fraudeurs : « Faites repentance fiscale parce que le compte à rebours va s'enclencher. »
Thomas Thévenoud est remplacé par Matthias Fekl. Jeune député brillant, ce dernier s'est fait remarquer à l'Assemblée, où il est élu député depuis juin 2012. Proche de Pierre Moscovici pendant plusieurs années, il s'est montré plusieurs fois critique de l'exécutif – sur le respect du Parlement ou certains éléments de la politique d'immigration par exemple – sans jamais rejoindre les “frondeurs”. Dans un entretien à Mediapart, publié samedi, il critiquait aussi l'inclination sociale-libérale du nouveau gouvernement.
« C'est un gouvernement cohérent, derrière une ligne, mais qui court le risque d'avoir une assise politique extrêmement étroite. Au sein de la gauche, de ses valeurs, de ce que nous avons collectivement porté pendant la campagne présidentielle, de la diversité de celles et ceux qui ont élu François Hollande, ce gouvernement risque, sur plusieurs points, de s’éloigner de nos engagements », expliquait-il, quelques jours avant sa nomination. Avant d'ajouter : « Un gouvernement progressiste ne peut être un simple gestionnaire. Il lui revient d'ouvrir des perspectives, de nouveaux horizons de conquêtes, d'être imaginatif. Nous ne devons pas donner le sentiment que nous mettons en œuvre ce que Nicolas Sarkozy n'a pas fait. »
Au commerce extérieur, et sous l'autorité de Laurent Fabius, Matthias Fekl aura notamment pour tâche de défendre la position de la France sur le traité de libre-échange avec les États-Unis.
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