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Face aux mécontentements socialistes, Manuel Valls calme le jeu

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La Rochelle, de notre envoyé spécial.   L'ambiance était électrique ce dimanche matin, à La Rochelle. Et au terme d'une semaine marquée par l'« accélération » libérale de Manuel Valls, puis d'une réaction de diverses franges du parti samedi (lire ici), le premier ministre a tempéré ses ardeurs d'aggiornamento à marche forcée du PS.

C'est le responsable des universités d'été, David Assouline, qui a essuyé en introduction les plâtres fissurés, recueillant la plus grosse bronca matinale en évoquant Manuel Valls et l'amour des entreprises. À l'inverse, la présidente du MJS, Laura Slimani, aura livré un discours aussi offensif qu'ovationné (voir ici), emportant l'applaudimètre de la matinée. Les « Vive la gauche ! Vive la gauche ! » ont également parsemé les discours d'une salle moins bien « faite » que les prédictions l'avaient annoncé, jusqu'à recouvrir les premières secondes du discours de Valls.

Situés au fond des deux côtés de la grande salle rectangulaire de l'espace Encan, le centre autour de la tribune étant visiblement plus enclin à applaudir, voire s'enthousiasmer (hormis la tribune du MJS), les socialistes mécontents n'ont toutefois pas eu de réelle provocation à conspuer. Le premier ministre a recueilli les applaudissements les plus fournis en affirmant son attachement aux 35 heures (« il n'y aura pas de remise en cause de la durée du temps de travail » (comme une récente interview du nouveau ministre de l'économie, Emmanuel Macron, le laissait redouter). Ou quand il a expliqué qu'il était nécessaire d'« adapter le rythme de réduction des déficits à la situation économique, au niveau de la croissance ». Ou encore lorsqu'il évoqua la fusion entre le RSA et la prime pour l'emploi, comme la réforme des rythmes scolaires.

Discours de Manuel Valls à La Rochelle, 31 août 2014

Autre différence notable au vu de ses discours des deux dernières années sur le sujet, Valls a été longuement soutenu par l'assistance quand il a détaillé son intention de « refaire nation », entamant un long plaidoyer en faveur de la jeunesse des quartiers populaires, du respect de l'islam, comme de la lutte contre les discriminations. Mais sans parler ni de droit de vote des étrangers, ni de lutte contre le contrôle au faciès (une loi sur les actions de groupe en matière discriminatoire pourrait voir le jour dans les prochains mois). Quitte même à se faire applaudir contre lui-même, quand il appelle à arrêter « de stigmatiser des populations en les ramenant à leurs origines », ce dont il s'était rendu coupable à propos des Roms il y a un an.

En défendant le bilan socialiste en matière de création de postes de fonctionnaires et d'emplois d'avenir, il a également martelé combien « nous ne faisons pas de l'austérité », parvenant même à se faire féliciter de tenir son « objectif de 50 milliards d'économies », en le comparant à « la folie » des « 100 ou 150 milliards » annoncés par la droite. L'accueil fut plus modéré, quand il demanda le soutien au président de la République, mais à force d'insistance, il parvint à faire se lever peu à peu la salle.

Au total, le premier ministre n'a pas pris de réel risque, ni tenté de pousser plus loin idéologiquement l'avantage institutionnel issu de son 18 Brumaire du week-end dernier (lire ici). Ses seules audaces partagèrent les réactions de la salle, quand il parla du pacte de responsabilité ou du « début de confiance » accordée aux « chefs d'entreprise ». À ce moment, face aux sifflets, il quitte son texte et s'adressant face à lui (et aux principaux dirigeants et cadres de la direction du parti), il lance, bravache : « Si vous sifflez ces mots, quel message adressez-vous aux Français. Alors je vous demande de vous lever ! » La standing ovation du centre ne suffira alors pas à couvrir le tollé des extrémités.

Sans citer son nom, Valls irrita aussi l'épiderme militant en faisant allusion à Emmanuel Macron. « J'ai entendu, depuis quelques jours, de nombreuses réactions, de nombreux commentaires, sur un jeune ministre qui venait d'être nommé…, entame-t-il. Des commentaires avant même qu'il n'ait eu le temps de faire ses preuves. Mais j'aurais aimé qu'à l'unisson nous nous félicitions davantage que la République ait su reconnaître les compétences, le travail, l'engagement. » Huées dans la salle, tombée dans le piège d'une habileté rhétorique de Valls, concluant ce passage sur Najat Vallaud-Belkacem. « Ça apprendra certains à me laisser finir… »

Au moment de conclure un discours non-exempt de novlangue (« Nous sommes les héritiers de l'avenir ») et de surréalisme (quand il fait applaudir, « car j'ai le sens de la camaraderie », Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, ministres pourtant brutalement congédiés six jours plus tôt), Manuel Valls s'est remémoré ses congrès passés au sein du PS, quand il était jeune rocardien (années 1980), puis jospiniste (années 1990), puis l'aile droite du parti (années 2000).

Et il a essayé de profiter de son nouveau statut pour emporter la ligne d'un parti qu'il n'avait auparavant jamais réussi à convaincre. « Il n'y a ni virage, ni tournant. Il y a une ligne : celle de la vérité, de la réforme et de l'efficacité », lance-t-il, en concluant son éloge de « la gauche, celle qui gouverne », pour qui « la meilleure façon de ne pas renoncer à l'idéal, c'est de ne pas renoncer au réel ». Mais les applaudissements restèrent alors mesurés.

Peu après, le premier ministre a estimé devant quelques journalistes que son intervention « clôt une semaine très cohérente », mais se veut lucide. « Un discours ne sera pas suffisant. Ça n'efface pas les différences, mais je continue, je ne lâche rien. Ce qui est en train de se jouer, c'est l'avenir du pays, pas celui du parti. » Sans doute conscient que ce n'est pas avec le parti qu'il parviendrait à imposer ses vues pour le pays. À l'extérieur, les « frondeurs » occupent l'espace, et répètent en boucle combien « le risque du grand écart est grand » entre un tel discours et la réalité des actes. « Se faire applaudir sur les valeurs communes de la gauche, ce n'est pas très difficile, estime le député Christian Paul. Nous, nous souhaitons qu'il ne s'enferme pas dans ses certitudes. Il demande que l'on se respecte et j'en suis tout à fait d'accord. Mais le respect, ça signifie aussi d'écouter les mécontentements. »

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Un attentat aux USA en 2009 planifié par le FBI


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