Jeudi 24 juillet après-midi, le tribunal d’instance de Calais a décidé de l’évacuation prochaine de l’ancienne usine désaffectée Galloo Littoral, située impasse des Salines. Ce squat, ouvert par des soutiens et des migrants pour servir de refuge aux personnes expulsées au début du mois de juillet dernier, semblait pourtant, pour la première fois depuis 12 ans, laisser entrevoir une esquisse d’espoir pour les centaines de migrants qui, dans la région de Calais, attendent de tenter leur chance pour rejoindre la Grande-Bretagne.
Depuis 2002 et l’évacuation du hangar de la Croix-Rouge à Sangatte, aucune solution, provisoire ou pérenne, pour les centaines de Syriens ou d’Érythréens coincés dans le Calaisis n’a été trouvée. Au contraire. La politique en la matière montre une cohérence stricte entre le gouvernement UMP d’hier et le gouvernement PS d’aujourd’hui. Dès que les migrants s’installent de manière trop visible, ou en nombre jugé trop élevé, dans un espace déterminé, une opération policière est lancée pour les disperser, les invisibiliser, les précariser.
En 2002, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, décide de fermer le hangar de Sangatte, pour éviter tout « point de fixation ». En 2009, Éric Besson, titulaire du ministère de l’immigration, de l’intégration et de l’identité nationale obtient le démantèlement de ce qu’on appelle les « jungles », ces grands campements installés dans les bois à la périphérie de Calais. En 2014, au début de ce mois, rebelote sous un gouvernement socialiste, avec l’évacuation, jeudi 2 juillet à l’aube, du lieu de distribution des repas aux migrants cherchant à gagner l’Angleterre, où avaient trouvé refuge des centaines d’entre eux.
Environ 300 migrants ont été interpellés ce jour-là avant d’être conduits dans des centres de rétention dans toute la France, à Lille, Metz, Rennes ou au Mesnil-Amelot. La plupart ont été libérés dans les 48 heures, puisqu’ils sont ressortissants de pays où la situation est telle qu’ils ne sont pas expulsables. Quatre jours après cette démonstration de force policière, le nombre de migrants présents à la distribution de nourriture était ainsi le même qu’avant le 2 juillet, preuve que la plupart d’entre eux avaient, à nouveau, rejoint le Calaisis.
Une lettre ouverte adressée au premier ministre et à celui de l’intérieur, signée par EELV, le PCF, le PG et de nombreux collectifs d’aide aux migrants, a dénoncé l’absence de changement de politique migratoire depuis l’élection de François Hollande. « La politique migratoire que vous menez aujourd’hui à l’encontre des exilé.e.s présent.e.s dans la région de Calais et sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord n’est guère différente de celle que les socialistes avaient sévèrement critiquée à l’époque où ils étaient dans l’opposition, explique la lettre. Au moment de l’évacuation, à l’initiative du ministre de l’immigration d’alors, de la "jungle des Pashtouns" à Calais en septembre 2009, le premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, avait dénoncé une "opération de communication", qui n’allait pas "régler le problème" puisqu’"il n’y a pas une jungle mais des jungles" et que "les réfugiés vont aller ailleurs". Il fallait, concluait-il, "régler la question, autant qu’il est possible, à l’échelle de l’Europe". »
« L’occupation Galloo » aurait pourtant pu dessiner une autre manière de traiter la question récurrente de la présence des migrants du Calaisis. Mais les juges, entre le droit au logement et le droit de propriété, ont donné préséance au second. Le lieu est pourtant suffisamment grand pour accueillir la presque totalité des migrants dispersés dans la région. Des travaux ont été effectués par les occupants pour condamner les espaces dangereux ou insalubres. Et l’association Médecins du monde s’est impliquée pour installer des toilettes et des douches dans ce lieu ouvert à l’origine par les collectifs No Borders.
La question n’est donc pas technique, « mais bien politique », comme l’écrit le blog Passeurs d’Hospitalités, qui documente au jour le jour la vie de l’occupation Galloo et la situation des migrants dans le Calaisis.
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