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Réforme des retraites: les contours du compte pénibilité se précisent

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Les contours du « compte personnel de prévention de la pénibilité », l’une des mesures principales de la réforme des retraites, commencent à se préciser. Ce mardi 10 juin, Michel de Virville, ancien DRH de Renault, conseiller-maître à la Cour des comptes, chargé par le gouvernement d’une mission de concertation pour mettre en place ce dispositif qui pourrait concerner un salarié sur cinq, a rendu ses préconisations aux ministres du travail et de la santé, François Rebsamen et Marisol Touraine. Ces derniers devraient annoncer d’ici à deux semaines les modalités retenues, qui découleront directement du rapport de Virville. Elles seront ensuite traduites ou pas par décret d’ici juillet pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2015.

Si cette avancée sociale suscite l’ire du patronat qui y voit une usine à gaz – Pierre Gattaz répétant que la mesure est « inapplicable », « très anxiogène » et « une énorme boîte de Pandore pour les entreprises » –, c’est un pas en avant pour les syndicats qui réclament depuis des années la remise à plat du volet pénibilité, censé compenser, dans un souci d'équité, l'espérance de vie moins longue des ouvriers et des employés les plus exposés, l’un des grands fiascos de la réforme Woerth de 2010. La CFDT avait notamment suspendu son soutien à la réforme des retraites de 2013 à la création de ce compte.

À compter de 2015, les salariés exposés à des facteurs de pénibilité (bruit, manutention de charges lourdes, rythme décalé, travail de nuit ou dans un milieu sous forte pression, températures extrêmes, postures pénibles, exposition à des produits chimiques et travail en équipe alternante) pourront ainsi engranger des points sur un compte (voir les conditions sous la page Prolonger). Lesquels, en s'accumulant tout au long d'une carrière, permettent aux travailleurs concernés de se former, travailler à temps partiel ou de partir jusqu’à deux ans plus tôt à la retraite.

Pour chaque critère, le rapport de Virville propose des seuils précis, aussi bien sur leur intensité que sur leur durée. Pour la plupart des critères, le seuil est de 900 heures par an, sauf pour le bruit ramené à 600 heures ou les vibrations à 450 heures. Le compte pénibilité se calculera finalement de façon annuelle et non mensuelle comme initialement prévu, ce qui vient rassurer le patronat. L'employeur fera une moyenne sur l'année (au prorata de la durée travaillée pour les contrats inférieurs à un an) de l'exposition subie par ses salariés. Une fois ces seuils atteints, le salarié sera considéré comme étant en situation de pénibilité, et engrangera des points.  

En cas de dépassement des seuils, le compte du salarié sera crédité de quatre points (huit en cas de polyexposition) et le nombre total des points sera plafonné à 100 points. Dix points permettront l'acquisition d'un trimestre de retraite supplémentaire ou une réduction du temps de travail d'un trimestre à mi-temps, les 20 premiers points ne pouvant être utilisés que pour le financement d'une formation sauf pour les salariés proches de la retraite. La mesure n'est pas rétroactive, mais les salariés âgés de 59,5 ans au 1er janvier 2015 bénéficieront des points à un rythme doublé.

Dans son rapport, de Virville propose d’intégrer les expositions de chaque salarié au logiciel de paie, ce qui évitera aux patrons une déclaration sociale de plus. Le logiciel générera alors automatiquement le versement des cotisations et surcotisations dues par l'entreprise (une cotisation générale pénibilité de 0,2 %, payée sur la masse salariale et une cotisation spécifique de 0,3 à 0,8 % portant sur les salariés exposés), la transmission à la caisse de Sécurité sociale, et enfin l'édition des fiches de pénibilité.

Mais il se pourrait que le gouvernement lâche finalement du lest en n’obligeant pas les entreprises à verser la cotisation générale sur la pénibilité lors des premières années de sa mise en place et en démarrant avec des taux très faibles. Le salarié, lui, recevra chaque année sa fiche de pénibilité pour connaître l’évolution de son exposition, fiche qui ne serait cependant pas obligatoire avant le 1er juin 2015, le temps d’adapter les outils informatiques.

Pour pallier la complexité du dispositif (l’une des principales critiques des organisations patronales), de Virville mise sur des modes d'emploi par branches applicables à chaque métier. Le coût du dispositif est estimé à 500 millions d'euros par an en 2020 et 2,5 milliards d'euros en 2040. Son succès est un véritable enjeu pour le gouvernement qui a fait de cette mesure l’emblème de justice de sa réforme.

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : La blague de pétition pour demander l’accord de l’asile à Snowden en France


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