Selon nos informations, Me Gilles August, qui figure parmi les avocats les plus connus et les plus influents du barreau de Paris, a été placé en garde à vue lundi 26 mai dans le cadre des investigations judiciaires conduites autour du scandale Adidas. L'audition a duré jusqu'à mercredi matin: l'avocat est ressorti sans être mis en examen ni même déféré devant les juges d'isntrcution. Il s’agit d’un rebondissement important dans l’instruction judiciaire de cette affaire, car l’avocat a longtemps défendu les intérêts de l’État, avant que ce dernier ne mette fin à ses missions.
Initialement, Mediapart avait cru savoir que les juges d’instruction avaient l’intention d’organiser ce lundi 26 mai une confrontation entre les deux avocats du Consortium de réalisation (CDR), porteurs des intérêts de l’État, face à Bernard Tapie, c’est-à-dire Me August, et son confrère, Me Jean-Pierre Martel (lire Affaire Tapie : Guéant convoqué, les avocats de l’État confrontés). En effet, à l’issue de l’arbitrage controversé qui a alloué 405 millions d’euros à l’homme d’affaires, les deux avocats ont fait l’objet de très vives critiques, pour une cascade de raisons : pour n’avoir jamais contesté le préjudice moral que réclamait Bernard Tapie ; pour n’avoir pas recommandé à son client d’engager des recours contre la sentence litigieuse. Dans un premier temps, la justice a donc envisagé d’organiser une confrontation entre les deux avocats – le projet est d'ailleurs toujours d'actualité.
Mais finalement, c’est un autre choix que les magistrats instructeurs ont fait. En même temps que Claude Guéant, l’ex-secrétaire général de l’Élysée, ils ont convoqué Me August lundi matin, et l’ont placé en garde à vue. Même si l'avocat est ressorti mercredi de cette audition sans avoir été déféré devant les juges, l’affaire va faire grand bruit, car Me Gilles August, cofondateur du célèbre cabinet August & Debouzy, est l’un des avocats parisiens parmi les plus connus et les plus influents. Longtemps conseil de Jérôme Cahuzac, quand Mediapart a révélé son compte secret en Suisse, il travaille aussi pour de nombreuses autres personnalités. Il est aussi le conseil de la Caisse des dépôts et consignations et de nombreuses grandes entreprises. Son placement en garde à vue pendant deux jours va donc faire beaucoup de bruit dans les milieux judiciaires.
Si la justice a décidé de procéder ainsi, c’est sans doute qu’elle cherche à vérifier de nombreuses informations sur le rôle exact de Me August dans l’affaire Tapie. Déjà, les bureaux de l’avocat avaient fait l’objet d’une perquisition judiciaire l’an passé. La brigade financière a ainsi découvert que Me August, officiellement conseil du CDR, avait eu des contacts avec Bernard Tapie avant même l’arbitrage. Par exemple, un rendez-vous a eu lieu entre les deux hommes dès le 27 février 2007, à partir de 15 h 30 (lire Affaire Tapie : révélations sur les préparatifs secrets de l’arbitrage).
Et comme Mediapart l’a révélé, la brigade financière a même découvert par ses perquisitions que cet avocat du CDR entretenait aussi de longue date des relations privées avec… le même Bernard Tapie (lire Ce que Tapie a dit pendant sa garde à vue), même après l’arbitrage. Dans les agendas de Me August, les policiers ont ainsi retrouvé la trace de nombreux autres rendez-vous de l’avocat avec Bernard Tapie : le 2 février 2009 est ainsi mentionné un « dîner Tapie », « Le Divellec réservé », puis le 26 mars 2009 « RV B. Tapie/R. Maury », « Messine » ; le 6 avril 2010 « B. Tapie », « Tong Yen, 1 bis rue Jean Mermoz, réservé ».
Pourquoi donc tous ces rendez-vous avec l’avocat censé défendre la partie adverse ? Réponse de Bernard Tapie : « Dans mes souvenirs, le rendez-vous au Divellec était un déjeuner et non un dîner. Il s'agissait d'une rencontre que maître August m'avait demandé d'organiser avec une actrice avec laquelle j'avais joué ou je devais jouer et qu'il souhaitait rencontrer. Le rendez-vous avec M. Maury, je ne vois pas de quoi il s'agit, je ne connais pas de M. Maury. Concernant le Tong Yen, il s'agit d'un restaurant dans lequel je vais souvent, mais je n'ai pas souvenir d'un déjeuner ou dîner avec maître August. Cependant si ce rendez-vous figure dans l'agenda de monsieur August, c'est bien qu'il a dû avoir lieu. »
À cela s’ajoute, d'après l’enquête, le fait que Me August, arrivé dans le dossier de manière surprenante, était très proche de Stéphane Richard, l’actuel patron d’Orange et ex-directeur de cabinet de la ministre des finances, mis en examen pour « escroquerie en bande organisée », au point d’être son témoin de mariage ! De longue date, le rôle de Me August intéresse donc la justice.
BOITE NOIRENous avons mis en ligne cet article le mardi 27 mai, en début de soirée, lorsque nous avons appris que Me August avait été placé en garde à vue depuis la veille. Nous avons ensuite apporté des corrections à l'article quand nous avons appris mercredi matin la fin de sa garde à vue.
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