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Dérive à l’IUT de Paris 13 : un précédent rapport pointait des dysfonctionnements

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L’affaire est désormais entre les mains de la police judiciaire de Seine-Saint-Denis. L’agression de son directeur, Samuel Mayol, mercredi 20 mai, a donné à la crise ouverte au sein de l’IUT (institut universitaire de technologie) de l’université Paris 13 une tout autre dimension. Ce dernier a en effet été roué de coups par deux hommes à la sortie d'une réunion du Grand Orient de France organisée dans le IXe arrondissement de Paris.

Depuis le mois de février, Samuel Mayol, avait reçu une quinzaine de courriers de menace de mort, comme l’avait révélé RTL en racontant aussi qu’un grave conflit interne l’opposait avec un chef de département récemment destitué. En avril dernier, au terme d’une longue procédure interne, Rachid Zouhhad, qui dirigeait la section « techniques de commercialisation » depuis la rentrée 2012, a été destitué pour dysfonctionnements majeurs et soupçons d’emplois fictifs.

Nommé à la tête du département en septembre 2012, ce maître de conférences aurait changé à la rentrée 2013 la moitié des 120 vacataires habituels de l’année précédente, remplacés par des proches, selon la direction de l’IUT. Les soupçons portent ainsi sur la réalisation de quelque 4 800 heures de cours, pour un préjudice total de près de 200 000 euros.

Depuis ces révélations, la presse s’est fait l’écho des plaintes des étudiants de ce département : cours non assurés, voire notation trafiquée, le tout dans un climat particulièrement délétère.

Un document confidentiel de l’inspection générale auquel a eu accès Mediapart montre que Rachid Zouhhad avait déjà été au cœur d’un précédent scandale dans la même université (à lire en intégralité ci-dessous).

 

En 2004, la présidence de l’époque s’étonne de la manière dont fonctionne l’IUP (institut universitaire professionnalisé) « Ville et santé » basé à Bobigny et alors dirigé par Rachid Zouhhad, maître de conférences en gestion à Saint-Denis. Elle soupçonne des inscriptions de complaisance d’étudiants, l’emploi indu de certains vacataires et relève (déjà) que beaucoup de cours ne sont pas assurés. L’inspection générale est saisie et rend en juin 2005 un rapport accablant.

Il montre tout d’abord que cet IUP créé en 1994 pour une durée de trois ans à titre expérimental a depuis lors continué à fonctionner sans statuts, devenant selon les termes de l’inspection un « objet universitaire non identifié ».

« Cet "IUP Ville et santé" a bénéficié pendant des années et bénéficie encore de signes apparents d’existences entretenus par des négligences internes jusqu’en décembre 2004 », note l’inspection générale. « Les enseignements dispensés menaient à la délivrance de diplômes "labellisés" par un "institut " qui n’existait pas. Ceci pourrait éventuellement ouvrir droit à contestation », s’inquiètent les inspecteurs généraux…

En termes choisis, la mission s’interroge « sur la rigueur et le sérieux mis en œuvre lors des inscriptions pédagogiques des étudiants de ces formations ». Elle soupçonne des inscriptions de complaisance pour gonfler les effectifs et relève que les documents qu’elle a pu consulter ne « laissent pas d’étonner sur le niveau en français d’étudiants de licence, de maîtrise ou de master ».

L’inspection souligne également une explosion (+72 %) des effectifs en licence à la rentrée 2004 en remarquant qu’« une telle augmentation est constatée au moment où l’existence de l’“IUP” est mise en cause ». La part importante d’étudiants étrangers dans cette formation, 48 % contre 21,5 % dans l’ensemble de l’établissement, est aussi un motif d’interrogation. « Il apparaît à la mission de toute première importance que les inscriptions pédagogiques soient désormais organisées de manière incontestable (…) en assurant une vérification rigoureuse des compétences des étudiants ainsi que de la validité des diplômes qu’ils présentent. » 

Parallèlement, l’inspection générale déplore des « dysfonctionnements pédagogiques » pouvant porter préjudice à la « validité des diplômes ». En ligne de mire, le recrutement de vacataires. « Il est apparu à l’inspection générale que le recrutement de certains enseignants vacataires dans ces formations n’était pas assuré avec toute la rigueur nécessaire », certains CV comportant même des titres universitaires qui n’existent pas comme cet enseignant se prévalant du titre de« professeur d’université en GRH3 », ce qui constitue pour l’inspection « une fausse déclaration ».

Sans trop s’étendre, le rapport de l’inspection générale souligne aussi « des dysfonctionnements dans l’organisation et la surveillance des examens ». En clair, de forts soupçons de fraudes aux examens sans doute pour augmenter la réussite d'étudiants manifestement pas au niveau…

Pour conclure, l’Inspection générale recommande donc la fermeture du site de Bobigny « pour des raisons évidentes de sécurité et de responsabilité ». Suite à ce rapport, l’IUP est dissous, et les enseignants sont finalement rattachés à deux UFR existantes.

Un enseignant de l’époque – qui ne souhaite pas que son nom soit publié comme la plupart des personnes interrogées pour cet article – se souvient qu’aucune sanction disciplinaire n’a alors été prise : « Nous avons déplacé la personne d’une entité vers une autre. Le petit groupe de personnes mis en cause à l’époque a été dispersé. C’est tout ce que l’on a pu faire. » Certaines sommes, qui correspondaient à un abus d’avantages professionnels, ont été remboursées. L’université a ainsi obtenu le remboursement d’une facture de plus de 6 000 euros de téléphone portable de M. Zouhhad. Et tout est rentré dans l’ordre.

Jusqu'à l'an dernier. « Quand on l'a vu arriver à la tête de la section, on s'est quand même posé des questions », confie une enseignante. « Comme nous sommes dans un monde de gens courtois et civilisés, nous avons quand même attendu de voir comment se déroulait l’année. Dès la rentrée suivante, il n’y avait plus de doute possible. Une procédure de destitution a donc été engagée au mois de novembre », raconte-t-elle. 

Comment, avec un tel passif au sein de l’établissement, M. Zouhhad, trésorier adjoint du syndicat Sup Autonome, a pu quelques années plus tard accéder de nouveau à des fonctions de direction dans la même université ? Interrogé par Mediapart, l’enseignant explique avoir contesté à l’époque ce rapport « non objectif » et rappelle qu’« à ce jour il n’y a eu aucune condamnation de (sa) personne ».

Un enseignant rappelle le contexte particulier dans lequel s’est déroulée cette précédente affaire. « Ceux qui avaient alerté sur les dysfonctionnements au sein de cet IUP ont été attaqués pour harcèlement, racisme. La présidence était totalement sur la défensive », se souvient une enseignante. Plusieurs articles de presse relaient à l’époque la fermeture de cet institut en s’interrogeant sur les motifs xénophobes d'une telle décision. Le rapport de l’inspection générale n'éludait d'ailleurs pas la question mais estimait qu’« aucun élément sérieux et incontestable » ne permettait d'étayer ces accusations. La plainte déposée par Monsieur Zouhhad pour discrimination a finalement été classée sans suite.

Aujourd’hui, Rachid Zouhhad a indiqué à Mediapart qu’il avait porté plainte en diffamation contre les médias qui avaient relayé « les allégations de la direction de l’IUT » concernant la gestion de son département. Pour lui, dans cette nouvelle affaire la dimension xénophobe ne fait à nouveau pas de doute. « J’ai pratiquement été assimilé à Ben Laden », s’agace-t-il en référence à certains articles qui rapportaient le caractère religieux de la dernière lettre de menace reçue par Samuel Mayol. Menaces avec lesquelles il affirme n'avoir rien à voir, ne comprenant pas que les médias puissent faire un tel « amalgame ». Sur le fond, il attribue l’essentiel des dysfonctionnements de l’IUT à un manque chronique de moyens. « Bien sûr que son fonctionnement était perfectible. Mais je n’ai cessé de demander des moyens humains et financiers », assure le même enseignant.

En interne, certains s’interrogent néanmoins sur les protections dont a pu bénéficier ce maître de conférences par ailleurs trésorier adjoint du syndicat Sup Autonome. Beaucoup d'enseignants contactés nous ont alertés sur une gestion clientélaire de l'université qui ne serait pas sans lien avec les graves dysfonctionnements constatés aujourd'hui. Contactée à plusieurs reprises, la présidence de l’université a refusé de répondre à nos questions, ne souhaitant pas alimenter la polémique. Le président de Paris 13, Jean-Loup Salzmann, nous a finalement adressé un courriel lapidaire pour indiquer que « les fonctions de directeur de département d'IUT sont des fonctions électives qui ne sont pas attribuées par le président de l'université », tout en rappelant que « la présomption d'innocence protège l'ensemble des citoyens de ce pays » (lire sous l'onglet Prolonger).

BOITE NOIRELa plupart des enseignants interrogés pour cette enquête ont demandé à ne pas être cités faisant parfois état de pressions et d'intimidations diverses dans ce dossier.

Prolonger : Retrouvez toutes nos informations complémentaires sur notre site complet www.mediapart.fr.

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