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UMP: imposer la primaire ou voter Sarkozy?

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Ils ont encore fait comme si. Discours de renaissance et têtes d’enterrement, les responsables de l’UMP ont mimé l’unité lors du conseil national de leur parti, avec des votes quasiment soviétiques, mais totalement contradictoires. Ils se sont ainsi prononcés à 91 % pour le projet, à 90 % pour la haute autorité chargée d’organiser la primaire, et à 88 % pour la commission des statuts qui partage les pouvoirs entre les différents candidats potentiels à cette primaire. Mais personne n’a évoqué le retour du candidat officiel, et quasiment déclaré, Nicolas Sarkozy, qui ne veut ni de cette élection interne, ni de haute autorité, hormis la sienne, et qui n’entend se plier à aucun programme imposé de l’extérieur.

Autant dire que l’objet de ce conseil n’était pas la mise en place d’une politique de rechange, sur laquelle personne n’est en fait d’accord, mais l’affichage d’un armistice en attendant la grande bataille, la seule qui compte à l’UMP : la bataille présidentielle.

Sur le programme, les divergences sont insolubles, au niveau sociétal comme au plan des alliances, ou dans le domaine économique. Cette semaine, le vote sur l’IVG a prouvé, une fois encore, que les tentations réactionnaires sont vives et bien organisées à l’UMP, mais qu’elles gênent les courants modérés, ou pragmatiques, qui craignent de choquer un grand nombre d’électeurs sous l’influence d’un Tea party à la française. Un clivage qu’on avait retrouvé lors du vote sur le mariage homosexuel et lors du virage à droite engagé sous l’impulsion de Patrick Buisson, notamment à l’occasion du fameux débat sur l’identité nationale.

Sur le plan des alliances, le discours officiel refuse le rapprochement avec le Front national. Jean-François Copé condamne toute entente, et François Fillon n’a pas de mots assez forts pour fustiger Marine Le Pen. Sauf que l’un a fait du pain au chocolat l’un de ses marqueurs électoraux, que l’autre a dédouané le vote pour l’extrême droite en le plaçant sur le même plan que le vote pour la gauche et que partout les tentations d'alliances locale sont fortes, à la veille des municipales.

Enfin, sur le plan économique, la surenchère libérale, accentuée par le virage de François Hollande, inquiète Alain Juppé, absent de ce conseil national, et provoque la colère de François Baroin, qui n’a pas voté le projet. De même, l’idée d’aller devant les électeurs en promettant la suppression sans contreparties des trente-cinq heures (et même des trente-neuf heures, puisque toute référence à une durée hebdomadaire serait abandonnée), en taillant dans les budgets sociaux ou en engageant la bataille contre le chômage par le biais d’une lutte contre les abus des chômeurs, ne paraît pas présentable à tous les délégués, notamment Bruno Le Maire.

Entre la droite forte ou la droite populaire, qui jugent ce programme trop tiède, et les centristes comme Jean-Pierre Raffarin qui le trouvent jusque-boutiste, il n’y a au fond qu’un point commun : l’idée d’afficher une plate-forme afin de sauver les apparences, en se disant qu’il sera temps de l’esquiver quand on passera aux choses sérieuses, c’est-à-dire quand on désignera le candidat pour l’élection présidentielle.

Car tout part et tout revient à la désignation du Chef, dans ce parti bonapartiste issu du RPR, de l’UDR, de l’UNR, et remontant au 13 mai 1958, quand Charles de Gaulle s’est imposé parce qu’il était Charles de Gaulle, donc le sauveur naturel.

Depuis lors rien n’a changé. Chez les gaullistes et leurs descendants, le Chef n’est pas désigné par un parti, c’est le parti qui émane de lui, et la Constitution de la Cinquième République, puis l’instauration de l’élection du président au suffrage universel ont gravé ce commandement dans le marbre. Ce n’est pas l’UNR qui a porté de Gaulle au pouvoir, mais de Gaulle qui a créé l’UNR ; pas le RPR qui a fabriqué Chirac, mais Chirac qui a inventé le RPR, puis l’UMP, avant que Sarkozy ne s’en empare comme à Arcole, et la taille à son usage.

Depuis cinquante-cinq ans, cette structure bonapartiste a toujours sécrété sur son flanc une droite et un centre parlementaristes, qui traînent les pieds en rêvant d’un fonctionnement plus collectif, mais se rallient dès qu’on propose un poste à leurs dirigeants.

Officiellement l’UMP, impressionnée par la primaire socialiste de 2011, a tourné la page du bonapartisme et adopté le fonctionnement souhaité par l’ancienne UDF, mais les réflexes ont la vie dure. Au-delà des haines, la bataille Copé-Fillon a démontré la fantastique incapacité du principal parti de droite à organiser une élection qui ne soit pas un coup d’État. Et la perspective d’une élection primaire, en 2016, pour désigner le candidat de 2017, se présente sous les mêmes auspices.

Théoriquement, cette concurrence démocratique opposera des candidats partant à égalité : Fillon, Le Maire, Bertrand, Pécresse peut-être, Copé, pourquoi pas? Dans la réalité, depuis le 6 mai 2012 à 20 heures, un candidat naturel hante ces préparatifs, et les sape en même temps. Tout ce que peut dire et faire l’UMP, comme par exemple organiser ce conseil national, apparaît comme irréel et décalé. Pas une fois le nom de Nicolas Sarkozy n’a été prononcé, or tout le monde n’avait en tête que ce Nicolas-là, candidat depuis l’instant précis où les Français l’ont chassé du pouvoir.  

Ainsi le programme réel de l’UMP, pour les deux prochaines années, n’est pas celui qui a été voté avec un pourcentage digne de l’époque Ben Ali, mais la promesse d’une bataille éternelle entre la droite parlementariste, qui s’accroche à l’élection primaire, et la droite bonapartiste, qui veut la saborder. Au-delà de l’enchevêtrement des arrière-pensées, des rivalités, des opportunismes, des ambitions, des alliances et mésalliances, ou même des idées pour la France, l’enjeu du conseil national n’était ni le programme, ni l’Europe, ni même les municipales. Il révélait d’abord une grande hésitation. L'UMP doit-elle s'imposer la primaire, qui liquiderait le bonapartisme, ou laisser Sarkozy s’imposer, quitte à liquider le Parti ?  

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Carnet de contacts étendu dans Android 4.4, encore une régression de la vie privée


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