Même Neuilly ne résiste pas à l'hémorragie des adhérents UMP. La ville, dirigée par Nicolas Sarkozy pendant près de vingt ans, et l'une des plus importantes sections UMP de France, a perdu, depuis 2007, plus de la moitié de ses militants encartés. C'est plus qu'à l'échelle nationale, où le parti a vu s'évaporer un tiers de ses adhérents (ils étaient 370 000 fin 2007, et 250 000 fin 2013). Alors que l'UMP traverse une crise importante, marquée par cinq années de défaites électorales, l'élection fiasco de son président en 2012, des divisions idéologiques et une guerre des chefs qui a fait fuir certains militants, les chiffres d'adhésion de cette section clé sont loin d'être anodins.
Sur Facebook, l'UMP Neuilly se félicite de compter, en octobre, « près de 3300 adhérents » :
Mais ce que ne dit pas l'UMP locale, c'est que seuls 1386 d'entre eux avaient renouvelé leur carte. D’après un compte-rendu interne que Mediapart s’est procuré, 1839 des 3225 adhérents du fichier UMP de Neuilly n'étaient pas à jour de cotisation, en octobre :
« Beaucoup de gens ne renouvellent qu'en décembre », précise à Mediapart Roger Karoutchi, le patron de la fédération UMP des Hauts-de-Seine. Pourtant, l'UMP de Neuilly ne termine l’année qu’« autour de 1550 adhérents », selon le chiffre d'Anthony Dodeman, chargé de mission de l'UMP Neuilly-Puteaux et proche de Jean Sarkozy.
À l'échelle de la circonscription (Neuilly-Puteaux), le parti perd près de la moitié de ses militants par rapport à 2007. Selon la fédération départementale, fin 2007, ils étaient 4812 à jour de cotisation, tandis que fin 2013 (au 30 novembre), ils ne sont plus que 2563. Neuilly reste « la circonscription la plus importante de France en termes d'adhérents », affirme Anthony Dodeman, qui s'est d'abord refusé à nous fournir des chiffres (lire notre boîte noire).
Comment expliquer cet effondrement en seulement quelques années ? « Cette diminution coïncide avec le contexte de crise économique, qui a plombé le moral des Français, et Neuilly n'a pas été épargnée, justifie Anthony Dodeman. C’est un phénomène général rencontré dans bien des circonscriptions de France. En 5 ans, il est difficile de rester toujours au "top niveau". »
Il souligne aussi les « records d’adhésions » de 2007, année d’élection présidentielle (et de victoire de Nicolas Sarkozy). « Les années de campagnes nationales sont toujours marquées par des vagues d'adhésions. En 2008-2009, après la présidentielle, il y a eu une baisse de l’ordre de 25 % sur toute la France, avec une accélération à Neuilly car on a perdu au passage la mairie... », explique Roger Karoutchi.
Mais l’élection présidentielle de 2012 n’a pas suffi à inverser la tendance, malgré la candidature de leur ancien maire. « Il y a une baisse de l’élan car un certain nombre d’UMP à Neuilly sont déroutés, admet Karoutchi. Ils ont vécu trois chocs : en 2008 on a perdu les municipales et le maire n’est plus UMP ; en 2012 Nicolas Sarkozy a été battu, et on a perdu les élections législatives dans la foulée. Neuilly a subi plus que les autres la défaite de Sarkozy. »
À Neuilly, les dissidents UMP évoquent une « crise profonde », conséquence de plusieurs « crash » consécutifs de leur parti. D’abord le psychodrame des municipales de 2008. Le candidat UMP, David Martinon, porte-parole de Sarkozy à l’Élysée, avait été rejeté massivement, puis lâché par Jean Sarkozy, qui l'avait pourtant soutenu « à mort ». L'UMP avait apporté son appui au candidat divers droite Jean-Christophe Fromantin... qui l'avait refusé. Arnaud Teullé, le chef de l'UMP locale, s'était maintenu en dissident et avait été suspendu par son parti. Fromantin l'avait emporté avec plus de 60 % des voix, et s'était félicité d’avoir « déverrouillé le système ».
Autre épisode qui explique la chute des adhésions, la polémique de l’Epad. Fin 2009, la promotion programmée de Jean Sarkozy à la présidence de l'établissement public de la Défense provoque un tollé. Le fils Sarkozy se rend sur le plateau du 20 h de France 2 pour expliquer qu’il renonce à briguer la présidence. Mais l’épisode est dévastateur : il renforce les soupçons de népotisme et choque jusque dans les rangs de la droite.
Anthony Dodeman affirme que l’affaire de l’Epad « n'a eu aucune incidence sur l'affluence des militants » mais il reconnaît en revanche que « les élections municipales de 2008 ont sans doute laissé des traces, puisque le candidat UMP initial a explosé en plein vol ».
Ce n'est pas la séquence des municipales de mars qui permettra de refaire le plein d'adhérents. Après la rumeur du parachutage de Michèle Alliot-Marie et les nombreuses tractations, le parti, sans candidat naturel ni réelles chances de l'emporter, a annoncé le 6 janvier qu'il soutiendrait le maire sortant. Le candidat dissident Franck Keller avait dénoncé, sur Mediapart, les « négociations » entre Jean-Christophe Fromantin et Jean Sarkozy et les « petits arrangements entre amis » des « apparatchiks locaux » de l'UMP locale.
Militant RPR puis UMP depuis 1991, Franck Keller se dit déçu par « l'UMP locale », qui n'a « rien fait en six ans et s'est ridiculisée en 2008 ». « Les militants ont vu que l'UMP n'avait rien fait aux législatives de 2012, que cela allait se poursuivre aux municipales », estime son colistier Clément Hallard, ex-responsable des Jeunes UMP de Neuilly. Pour cet ancien proche de Jean Sarkozy, « les manœuvres de l’UMP avec Fromantin ont dégoûté les militants. L'absence d’objectif et de cap a amené cette section à sa perte. Elle n’est pas libre, on lui impose ses choix, à la différence d’autres sections. Ce sont des méthodes d’un autre âge, qui ne sont pas démocratiques. À Neuilly, l'UMP est devenue une coquille vide ».
BOITE NOIRESollicité en décembre, puis à nouveau en janvier, Anthony Dodeman n'a pas accepté notre demande d'entretien, et a souhaité répondre par email à nos questions. Il a d'abord refusé de nous communiquer les chiffres d'adhésion « sans avoir reçu de validation préalable ». Puis à l’évocation du document, dont il est l’auteur, il a reconnu que ces chiffres étaient « corrects », en soulignant qu’ils avaient « légèrement évolué à la hausse » en fin d’année.
Roger Karoutchi nous a fourni les chiffres de 2013 (au 30 novembre), en précisant que les chiffres définitifs (au 31 décembre) ne seront finalisés que début février.
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