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Cinq adjoints de Delanoë vivent dans des logements sociaux

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Quelque 140 000 ménages sont inscrits comme demandeurs de logements sociaux à Paris. Moins de 12 000 logements de ce type ont été attribués en 2012. Le manque est criant. Pourtant, pendant que des familles aux revenus modestes patientent pendant une dizaine d’années, Mediapart a découvert que cinq adjoints du maire de Paris vivent dans ces appartements où ils payent des loyers 2, voire 3 à 4 fois inférieurs au prix du marché. Une sixième adjointe habite de son côté un logement de fonction dans une école maternelle dont elle n’est plus directrice depuis 2002. Ces maires adjoints sont rémunérés environ 5 500 euros brut par mois. Certains d’entre eux ont des activités et donc des ressources complémentaires. Sans compter les éventuels revenus de leur conjoint(e).

Leur situation ne relève pas de l’illégalité. Ils sont entrés dans ces logements avant l’élection de Bertrand Delanoë en 2001. Tous expliquent qu’ils répondaient aux critères d’entrée, et qu’ils n’ont à ce titre bénéficié d’aucun privilège. La mairie de Paris, de son côté, rappelle qu’aucun élu ne s’est vu octroyer un logement depuis que Bertrand Delanoë dirige la ville. Cependant, informé de la situation de ces élus, l’édile n’a pas jugé nécessaire de leur demander de déménager. La mairie explique qu’il n’avait pas « les moyens légaux » de les faire partir.

La situation de Jean Vuillermoz (PCF), Liliane Capelle (PS), Pierre Mansat (app PCF), Claudine Bouygues (PS), Didier Guillot (PS) et Catherine Vieu-Charier (PCF) ne manque pourtant pas d’interroger.

Jean Vuillermoz, conseiller de Paris depuis 2001, puis adjoint aux sports depuis 2008, vit seul près du métro Saint-Fargeau (XXe arrondissement) dans un appartement de 53 m2 pour lequel il paye un loyer de moins de 300 euros par mois (hors charges) dans un immeuble de la RIVP (régie immobilière de la ville de Paris). Dans le privé, ce logement serait vraisemblablement loué entre 1100 et 1200 euros par mois. Il explique : « Quand je me suis séparé de mon épouse en 1990, je me suis retrouvé sans rien. J’ai eu ce logement "à loyer libre" par la ville. J’étais permanent du PC et salarié de la RATP. »

Aujourd’hui, outre son indemnité de maire, il touche une retraite de 2800 euros par mois de la RATP. Alors pourquoi ne pas être allé habiter dans le privé ? « Je ne reverse plus l’intégralité de mes revenus d’élu au Parti communiste comme je le faisais quand j’étais conseiller régional, mais quand même environ 2000 euros par mois. Je n’aurais pas les moyens d’aller dans le privé. » Vraiment ? « Effectivement, on peut se loger dans 10 m2 », s’agace Jean Vuillermoz, qui ne se représentera pas aux prochaines municipales et qui précise : « Après moi, je crois qu’il n’y aura plus d’ouvriers élus à Paris. Si on veut des gens modestes au Conseil de Paris, on ne peut pas interdire de vivre dans le parc des bailleurs sociaux. »

Didier Guillot, adjoint à la vie étudiante depuis 2008, précise tout comme Jean Vuillermoz, habiter dans un logement à loyer libre, une catégorie un peu spécifique dans le parc des bailleurs sociaux. Mais qui ne change rien au fait que le loyer payé est inférieur aux prix du parc privé. Didier Guillot a obtenu son logement quand il était salarié du Conseil régional d’Île-de-France en 1997. Il a ensuite changé de logement en 2000 et vit depuis dans un appartement de 113 m2 près du métro Jules Joffrin (XVIIIe arrondissement). Il dit payer 1900 euros par mois (parking inclus). « Je me suis interrogé. J’en ai parlé avec les personnes au-dessus de moi à la mairie. Personne ne m’a demandé de partir. »

À côté de ses revenus, Didier Guillot, qui explique qu’il avait tout mis sur la table dans un billet de blog passé inaperçu en 2010, se veut transparent sur sa situation : « En plus de mon poste d’adjoint, j’ai un mi-temps à l’université Paris 13, qui me rapporte 1300 euros par mois. Ma femme est magistrate. Elle gagne 4000 euros par mois. J’ai trois enfants. Mais en 2011, quand j’ai envisagé de déménager, je me suis heurté à un obstacle dans mes recherches. Les agences ont refusé de considérer mes indemnités de maire adjoint comme un revenu à part entière. Pour elles, c’était l’équivalent d’un CDD. »

Le couple aurait donc alors été dans l’impossibilité de trouver un logement dans le quartier. « Si à la suite de votre article, on me demandait de partir avant les municipales, je ne partirais pas. Je ne pourrais pas. » Pour Didier Guillot, ce qui serait choquant, c’est qu’un élu obtienne un logement pendant son mandat. Pas qu’il s’y maintienne.

Pierre Mansat, adjoint (app PCF) depuis 2001 en charge de « Paris-Métropole », occupe un 75 m2 près du métro Reuilly-Diderot (XIIe arrondissement), et dit payer 1100 euros. Il a eu accès à un logement social en 1998. « À une époque, c’était une marque de rigueur de rester dans une HLM et de ne pas aller dans le privé. On se disait : on est comme tout le monde. J’ai toujours admiré Jack Ralite, ministre, parlementaire, qui habitait dans un immeuble HLM à Aubervilliers. » Le raisonnement ne serait-il pas anachronique ? En décalage complet avec la réalité du marché immobilier parisien ? « J’ai une conception ouverte du logement social. Il ne doit pas être réservé aux plus pauvres, je pense. Mais répondre à l’ensemble des besoins de la société. »

Pierre Mansat, qui dit verser 1200 euros par mois au Parti communiste, n’a pas été reconduit sur les listes d’Anne Hidalgo : « J’ai 59 ans. Bientôt, je n’aurai que ma retraite de La Poste. Sûrement quelque chose comme 1600 euros (NDLR : sans compter une retraite de conseiller de Paris). Je ne pourrai plus accéder au logement privé. Si je n’habitais pas dans un logement social, je serais obligé de sortir de Paris. » L’élu explique : « Un mandat, c’est précaire. Il n’y a pas de statut de l’élu. Tout peut s’arrêter du jour au lendemain. Et il n’est pas aisé de retrouver du travail. Dans le privé, je devrais consacrer 25 ou 30 % de mes revenus à mon logement. » Comme tout le monde, donc, hormis ceux qui y consacrent encore plus. « C’est vrai, admet Pierre Mansat. Mais c’est la réalité du parc social aujourd’hui. Ceux qui y accèdent ne le lâchent pas. »

La précarité du mandat est l’argument sans cesse mis en avant. Mais comment font les Parisiens ? Certains ne sont-ils pas au chômage, dans la précarité, ne perdent-ils pas leur emploi ? La fonction de l’élu serait donc la seule à être inconfortable ? Après tout, si ces élus allaient vivre dans le parc privé le temps de leur mandat, rien ne les empêcherait de postuler à nouveau à un logement social à l’issue de celui-ci.

Claudine Bouygues, adjointe depuis juillet 2012 aux droits de l’homme, de l'intégration et de la lutte contre les discriminations, ne voit pas les choses de la sorte. Comme l’a expliqué Le Figaro mercredi, elle vit vers le métro La Chapelle (XVIIIe) depuis 1989 dans un appartement de 56 m2. Elle paye 496 euros (+ 200 euros de charges) et considère « avoir une certaine éthique. Je ne suis pas en infraction vis-à-vis de la loi. Et si je voulais acheter dans le privé, on me dirait : "Vous n'avez pas de salaire, vous avez des indemnités." C'est une situation temporaire. »

Liliane Capelle, conseillère (PS) de Paris depuis 1995 et adjointe en charge des seniors et du lien intergénérationnel, est dans une situation un peu différente. Elle habite depuis 1993 un logement du XIe arrondissement qui a été racheté par le RIVP en 2004. Ses revenus étant supérieurs aux plafonds de ressources autorisés pour entrer en HLM, il lui a donc été appliqué la règle habituelle : elle peut rester dans les lieux, mais doit continuer à payer le montant de son ancien loyer. Soit 1800 euros (charges comprises), pour un 100 m2 (+ 2 balcons de 10 m2 chacun). Son loyer n’est donc pas déconnecté des prix du marché privé. En revanche, elle occupe un appartement qui satisferait bien des familles, qui payeraient, elles, un loyer social si elle déménageait. Liliane Capelle ne voit pas les choses de cette façon : « Je ne vole personne. La vie fait que la RIVP a racheté cet immeuble dans lequel j’habitais. Je n’ai pas de loyer préférentiel, donc l’idée de partir ne m’a pas effleuré l’esprit. En 1993, j’avais d’ailleurs quitté un logement social, estimant, au vu de mes revenus – même si je n’étais pas adjointe à l’époque – qu’il n’aurait pas été honnête d’y rester. »

Enfin, Catherine Vieu-Charier, adjointe (PCF) chargée de la mémoire et du monde combattant, est dans une situation tout autre mais qui pose également question. Elle a été directrice d’une école maternelle de la rue des Couronnes (XXe) entre 1996 et 2002. Elle n’y travaille plus depuis lors, mais occupe toujours, seule, le logement de fonction de 68 m2, pour lequel elle ne paye que les charges (environ 300 euros par mois, dit-elle). Catherine Vieu-Charier précise qu’elle a obtenu ce logement car elle a le statut d’institutrice et que le cadre légal lui permet d’y rester. Aujourd’hui, elle dit travailler à plein temps, parallèlement à ses fonctions d’adjointe, auprès de l’inspection d’académie pour un salaire mensuel de 2000 euros. Des parents d’élèves se sont interrogés il y a quelques années : « La valse des directeurs ne l’école ne s’expliquerait-elle pas par le fait qu’ils ne pouvaient disposer d’un logement de fonction, celui-ci étant occupé ? » Pas du tout, selon Catherine Vieu-Charier, qui n’en démord pas : « Je ne vois pas ce qu’il y a d’immoral à ce qu’un instituteur soit logé. »

La mairie de Paris explique que cette situation ne la concerne pas directement puisque « ce n’est pas un logement attribué par la ville ». Il n’empêche : toutes ces situations risquent d’embarrasser la candidate PS Anne Hidalgo, actuellement 1re adjointe, et qui a fait de la construction de logements sociaux une de ses priorités en promettant 30 % de logements sociaux à Paris en 2030. N’y a-t-il pas déjà quelques places qui devraient être libérées ? Lorsque le Lab Europe 1 a révélé que deux têtes de listes UMP vivaient dans des logement sociaux à Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet a claironné que si elle était élue, aucun conseiller de Paris (on ne parle même pas des adjoints) ne pourrait vivre en logement social.

Anne Hidalgo ne va pas aussi loin. Son directeur de campagne, Jean-Louis Missika, rappelle, comme la mairie de Paris, qu’aucun conseiller de Paris ne s’est vu attribuer de logement social depuis que la gauche dirige la ville. Il précise qu’aucune tête de liste d’Anne Hidalgo ne bénéficie d’un logement social. Mais dans le futur ? « Pour les élus qui sont en logements sociaux, Anne Hidalgo souhaite créer une commission indépendante, avec des magistrats ou d’anciens magistrats, qui prendra au cas par cas des avis auxquels Anne Hidalgo se pliera. Il y a des situations particulières, comme avoir un enfant handicapé. Mais si la commission considère que l’élu devrait partir, l’adjoint devra choisir entre sa fonction et son logement. Si on veut faire de la politique, cela a des conséquences. Il faut faire des choix. »

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