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Rompre avec cette politique d’inhospitalité

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Les forces de l’ordre pourchassent dans les rues de Paris des migrants expulsés de La Chapelle pour les empêcher de s’installer sous les ponts ou dans les jardins publics. Une petite fille de trois ans et demi, arrivée d’Abidjan en Côte d’Ivoire, demeure retenue, seule, quatre jours entiers en zone d’attente à Roissy (lire notre article). Dans quel pays vivons-nous pour que ce genre de situation soit possible ? « Une politique d’humanité et de fermeté », assure le gouvernement. Une politique insensible, de désordre, aveugle aux nouvelles réalités.

La France fait l’apprentissage depuis quelques mois de ce que connaît à plus grande échelle l’Italie depuis des années. Rappelons-le : il n’y a pas de « tsunami » migratoire en France. Simplement l’arrivée de plusieurs milliers de personnes fuyant, au prix de risques terribles, les guerres et les répressions. Et la France n’est souvent qu’un pays de passage, vers le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la Scandinavie. Soudan, Érythrée, Syrie, Irak, Libye : ce sont ces pays brisés que fuient des hommes, mais aussi de plus en plus de femmes et d’enfants. L’immigration économique n’est certainement pas le premier moteur de ces exils ; il s’agit d’abord de sauver sa vie, d’échapper aux massacres ou à la prison.

C’est très exactement pour cela qu’ont été faites les conventions de Genève, ces accords internationaux qui font obligation aux États signataires d’accueillir les réfugiés et d’organiser un droit d’asile. La première urgence à exiger de ce gouvernement n’est ni d’humanité ni de fermeté : elle est de légalité. Appliquer ces conventions et appliquer les lois françaises qui les ont intégrées.

Or les bruyantes rodomontades du ministre Jean-Marie Le Guen cachent mal le vide politique d’un gouvernement comme tétanisé face à une crise qu’il tente de rendre invisible (lire notre article), de peur de subir les assauts de la droite et de l’extrême droite. Faute de discours politique solide, les solutions mises en œuvre sont débordées par une reprise en main policière : expulser les campements parisiens, éparpiller les migrants.

Si cette réponse a pu permettre ces dernières semaines de masquer l’ampleur du drame, de gagner du temps, elle s’accompagne de son cortège de violences et d’injustices. Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, est saisi de toutes parts ces derniers jours. Il vient d’annoncer son intention d’ouvrir une enquête après les dérapages constatés par divers élus lors de l'opération d'interpellation de 84 Érythréens et Soudanais qui avaient trouvé refuge sur l’esplanade de la Halle Pajol, dans le 18e arrondissement de Paris, après avoir été repoussés du square devant l’église Saint-Bernard et « évacués » de sous le pont de La Chapelle.

Quarante d’entre eux ont été placés dans des centres de rétention administrative (à Vincennes, au Mesnil-Amelot, à Palaiseau et au Dépôt à Paris) en vue de leur expulsion. La visée de cet enfermement est principalement répressive : le consulat érythréen ne délivre pas les laissez-passer nécessaires au renvoi effectif de ses compatriotes. Concernant le Soudan, des recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme sont possibles, empêchant a priori les reconduites forcées.

Des élus d’EELV, du PCF et du Parti de gauche sont montés au créneau pour dénoncer l’usage de la force et la politique de non-accueil du gouvernement. La situation est explosive, car les passages via la Méditerranée s’accélèrent ces dernières semaines. Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 100 000 personnes sont arrivées en Europe depuis le début de l’année en empruntant ce chemin. La Sicile, Lampedusa et les îles grecques le savent : elles font face à cet aflux depuis au moins une décennie.

Le système français d’asile et d’accueil des étrangers est dépassé. Il est à refondre urgemment pour tenir compte de la nouvelle donne : des pays sont durablement en guerre aux portes mêmes de l’Europe. Dès lors, les déclarations guerrières d’un Manuel Valls refusant tout de go la proposition européenne d’une politique d’accueil par quotas dans les 28 pays membres de l’Union font figure de petit calcul de politique intérieure. Alors que plusieurs pays européens, comme l’Allemagne, la Suède et l’Italie, ont massivement accueilli des exilés, la France apparaît claquemurée dans ses débats obsolètes, comme inconsciente de la tragédie se déroulant à ses frontières.

Médecins du Monde appelle le pays à regarder la réalité en face : des camps de réfugiés doivent être ouverts (lire notre entretien avec Jean-François Corty). La maire de Paris, Anne Hidalgo, a lancé l'idée de lieux d’accueil spécifiques. Mais il est trop tôt pour mesurer la portée de cette annonce. Sur l'asile et sur l'immigration, le gouvernement défend deux projets de loi, en cours d'examen ou sur le point de l'être au Parlement. Mais, attendus depuis le début du quinquennat, rédigés depuis de longs mois, ils ne sont pas de nature à modifier les équilibres actuels.

Lors de la campagne présidentielle de 2012, François Hollande avait fait des promesses de rupture en la matière. Mais il semble que le fiasco Leonarda – entre autres – l'ait ralenti dans son élan. Il s'était notamment engagé à empêcher que des mineurs ne séjournent dans des lieux d'enfermement, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant. Ce qui a été fait, en partie, pour les centres de rétention doit l'être pour les zones d'attente. Pour éviter que d'autres ne subissent la même arrivée en France que Fanta.

A lire aussi sur le blog de Tuxicoman : Si j’ai bien tout compris


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