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Loi Macron : le sparadrap revient à l'Assemblée

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Loi Macron, nouvel épisode à l'Assemblée. Et nouveau psychodrame? En février, le gouvernement, peu sûr du soutien de ses propres troupes, avait fait adopter cette loi contestée en utilisant pour la première fois du quinquennat la procédure spéciale du 49-3, qui empêche le vote des députés.

Quelques mois et un congrès du PS plus tard, la loi « croissance, activité et égalité des chances économiques » (son vrai nom) revient devant les députés dès lundi 8 juin. Ce texte fourre-tout, souvent présenté comme un paquet de mesures économiques censé rassurer Bruxelles, comporte plusieurs dispositions emblématiques, comme une ouverture limitée des professions réglementées ou l’extension du travail du dimanche. Il retourne devant les députés substantiellement modifié et durci par les sénateurs. Et avec encore plus d'articles (332 désormais), dont des dispositions nouvelles qui font frémir certains élus de la majorité.

Alors que le PS tient congrès ce week-end à Poitiers, la loi devrait animer les débats de la grand-messe socialiste que l'on annonçait un peu terne après le vote des militants, et la victoire de la motion Valls-Aubry. Mais le ministre Emmanuel Macron, tout occupé à peaufiner son image d'inlassable "réformateur", ne sera pas là: l'ancien banquier d'affaires, puis secrétaire général adjoint de l'Elysée auprès de François Hollande, n'a pas sa carte du PS et se tient ostensiblement éloigné du tumulte socialiste. « Nous devons réformer et moderniser le pays, c'est ce que la vie des gens exige. La vie des gens ce n'est pas le décor de la vie politique, c'est son objet. Tout ce qui est de la combinazione politique ne m'intéresse pas », a-t-il dit sur France Info jeudi matin. Sans démentir un éventuel nouveau recours au 49-3 sur cette loi: depuis des semaines, le ministre fait savoir qu'il n'y est pas opposé. 

Emmanuel Macron à l'Assemblée, le 26 janvier 2015Emmanuel Macron à l'Assemblée, le 26 janvier 2015 © REUTERS


Si le texte fait un nouveau passage à l'Assemblée, c'est parce que députés et sénateurs n'ont pas réussi, mercredi 4 juin, à se mettre d'accord: près de 200 articles ont été votés dans des versions différentes dans les deux assemblées. Impossible notamment de trouver un compromis sur les professions réglementées, l'ouverture du marché des autocars ou le permis de conduire. Le Sénat, où la droite et le centre sont majoritaires, avait surtout largement étendu le travail dominical, au-delà de ce que souhaitait le gouvernement, en autorisant les enseignes culturelles à ouvrir tous les dimanches et en supprimant les contreparties pour les salariés dans les très petites entreprises. Il permet également de s'appuyer sur un simple référendum sur les contreparties en lieu et place de l'accord collectif initalement décidé pour les magasins situés en zone touristiques ou commerciales.

Dès la semaine prochaine, les députés réunis au sein d'une commission spéciale vont s'empresser de rétablir le texte adopté sans vote par l'Assemblée en février, avant son examen dans l'hémicycle du 16 au 19 juin. Le gouvernement et les neuf rapporteurs de cette énorme loi ont une idée en tête: en revenir autant que possible au texte initial. « J'envisage de finir au plus près du texte équilibré issu de l'Assemblée nationale », explique le rapporteur socialiste Richard Ferrand. « Il ne faut pas que la loi bouge trop », prévient François Brottes, président PS de la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Dans la mesure où les frondeurs (réunis dans la "motion B" menée par Christian Paul) ont été battus lors du vote des militants, ces injonctions s'accompagnent d'appels musclés à l'unité. « Je ne souhaite pas que nous nous donnions en spectacle une nouvelle fois sur des divisions, a déjà prévenu le patron des députés PS, Bruno le Roux, sur les echos.fr. Je demande à mes collègues (…) d’accepter ce qui a été majoritairement voté par les militants dans ce congrès, la demande qui leur est faite qu’à l’Assemblée nationale nous ne formions qu’un et que nous soyons un groupe uni, soudé, montrant de la force. Si jamais nous ne faisions pas ça, qu’on utilise les moyens de la Constitution ne me gêne pas. » Autrement dit, recourir à nouveau au 49-3 est bien une option.

L'hypothèse est d'autant moins virtuelle que le problème du travail dominical reste entier. Or c'est justement ce dossier qui avait mis le feu aux poudres à l'Assemblée nationale en février, conduisant au déclenchement du 49-3.

A l'époque, les frondeurs socialistes bataillaient contre la possibilité donnée aux maires d'autoriser les commerces de leur commune à travailler douze dimanche par an, contre 5 actuellement. Ils exigeaient aussi que, dans les zones commerciales ou touristiques, le doublement du salaire soit inscrit dans la loi, alors que le gouvernement souhaitait privilégier les accords au niveau de l'entreprise et de la branche. Au dernier moment, Benoît Hamon, qui se voyait alors en possible futur patron du PS, avait tenté (en vain) d'arracher à la buvette de l'Assemblée nationale un accord avec Emmanuel Macron.

Cinq mois plus tard, rien n'est réglé. Les frondeurs continuent de réclamer des contreparties financières inscrites dans la loi pour les salariés. « Dans le cas contraire, tous les salariés ne seront pas traités de la même façon », assure Laurent Baumel, un des cosignataires de la "motion B". Mercredi, devant les députés PS, Emmanuel Macron l'a redit: c'est "niet", car fixer un seuil de compensation pourrait empêcher certains petits commerces d'ouvrir le dimanche. A Bercy, son entourage assure que la position du ministre est bien plus pragmatique qu'« idéologique »: la rémunération minimale, « ça ne vole pas » « ça ne marche pas », en jargon Macron. Sauf pour les salariés des supermarchés, dont la majoration salariale pour travail dominical pourrait être portée à l'Assemblée à 40% — contre 30%. dans la version initiale. Comme le souhaite la CFDT, Bercy plaide pour que chaque ouverture dominicale soit bien précédée d'un accord d'entreprise. Dans les entreprises de moins de 10 salariés, des référendums sur le travail du dimanche pourraient également être organisées. « Le sujet est sur la table », confirme Bercy. De quoi susciter l'inquiétude des organisations syndicales de terrain. Et agacer une partie de la gauche, députés PS compris.

Le travail du dimanche, déjà très sensible au sein du PS — sous Nicolas Sarkozy, le parti y a longtemps été radicalement opposé, avant de changer d'avis une fois au pouvoir – l'est d'ailleurs encore plus depuis quelques semaines. Car le texte de la motion A, cosigné par Martine Aubry, affirme qu'il n'y aura « pas de nouvelle extension du travail dominical ». Une formule très vague, qui évite de préciser si cela inclut ou non les dispositions prévues dans la loi Macron. Dans les prochaines semaines, l'habileté rhétorique va trouver ses limites. « Ce sont les aubrystes qui ont la clé maintenant, explique Laurent Baumel, signataire de la "motion B". On va en tout cas vérifier très vite si la motion A est une sorte de discours du Bourget "bis" ou non… » « C'est à Jean-Christophe Cambadélis de lever l'ambiguité », commente le député PS Denys Robiliard, frondeur de la motion B mais aussi rapporteur de la loi Macron pour la partie droit du travail. Avant le congrès, Jean-Marc Germain, un proche de Martine Aubry affirmait à Mediapart qu'il ne voterait pas une loi Macron étendant le travail dominical « au-delà de ce qu’il est aujourd’hui ». Il est désormais cité comme possible ministre en vue du remaniement qui s'annonce mi-juin.

D'autres sujets potentiels de discorde se rajoutent. Le 9 juin, François Hollande et Manuel Valls vont annoncer des mesures en faveur des TPE qui seront en partie inclues dans la loi Macron (ou dans la loi Rebsamen sur le dialogue social). Parmi elles, des mesures pour améliorer le dispositif des « accords compétitivité-emploi » (négocié par les partenaires sociaux en 2013, mais inefficace), et un possible encadrement des indemnités financières attribuées par les tribunaux de prudhommes aux salariés qui ont fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Actuellement, celles-ci ne sont pas plafonnées par la loi, ce qui donne la possibilité au juge d'adapter la sanction en fonction des cas. Sur Canal Plus, il y a un mois, François Hollande a plaidé pour que le « coût de la rupture » soit « connu ». La version Sénat de la loi Macron les plafonne elle aussi. Bercy admet que le sujet peut provoquer des « inquiétudes », mais martèle que « la prévisibilité pour les entreprises doit être améliorée ». « Aujourd'hui, en fonction du juge, c'est la loterie », assure son entourage. Le ministère de l'économie affirme toutefois que dans le nouveau dispositif, « le juge doit avoir une marge d'appréciation importante ». Des "fourchettes" pourraient être fixées. Une partie de la gauche pourrait y voir une remise en cause substantielle des droits des salariés.

Pour le gouvernement, les prochaines semaines sont risquées. Le calendrier parlementaire de la loi Macron, sur laquelle il n'a pas décrété l'urgence, va s'étirer sur près de deux mois encore: après cette nouvelle lecture à l'Assemblée, la loi Macron devra repasser à nouveau devant le Sénat, puis une ultime fois devant les députés fin juillet. « La fronde parlementaire n'est peut-être pas terminée », veut croire l'ancien ministre Benoît Hamon.

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