Avant d’entrer en scène, dimanche au Paris Event Center, l’ancien chef de l’État se sentait comme d’habitude dans la peau du prochain président. Il revendiquait une victoire morale avec Éric Woerth relaxé dans l’affaire Bettencourt, et un triomphe stratégique, puisque la justice autorisait l’UMP à devenir « Les Républicains ». Dans la foulée, il laissait dire à ses lieutenants habituels qu’il ferait d’une pierre deux coups : Nathalie Kosciusko-Morizet serait évacuée pour cause d’indiscipline centriste, son concurrent droitier, Laurent Wauquiez, serait écarté au nom de l’équilibre, et l’ex-intouchable au sens indien du terme, Éric Woerth, deviendrait numéro 2 puisqu’il était désormais intouchable au sens juridique du mot.
Emballé, c’était pesé, Sarkozy prouvait que les affaires qui le cernent ne seraient que des malveillances, et il prenait d’une main de fer un parti qui votait à plus de 80 % en faveur du passage de l’UMP aux Républicains, c’est-à-dire pour l’effacement de 2012 et la restauration de 2017.
La suite a toutes les chances de prouver que ces calculs d’appareil nous ramènent, comme dirait Charles Aznavour, à « un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître »... Il n’a fallu que quelques heures pour que les réseaux sociaux s’amusent de la relaxe de Woerth, blanchi dans une affaire d’argent. Ainsi, dans l’affaire Bettencourt, le gestionnaire de la fortune Patrice de Maistre est-il considéré comme corrompu, et condamné à de la prison ferme, quand il s’agit de ses rapports avec une vieille dame très riche, mais le même devient désintéressé, et blanc comme neige, dans sa relation avec un ministre qui l’a fait décorer de la Légion d’honneur et dont il a embauché la femme. C’est une vision de la morale qui peut courir dans les prétoires, mais étonner dans l’opinion.
Le deuxième contretemps est survenu à grand spectacle pendant le fameux congrès fondateur. D’abord la participation au vote (moins d’un militant sur deux), ensuite la salle, beaucoup moins pleine qu’au bon vieux temps où les bus et les repas étaient offerts, enfin les fameux sifflets qui rappelaient que pour être « Républicains », c’est-à-dire universels, on n’en restait pas moins sarkozystes, c’est-à-dire supporteurs d’un homme providentiel. Incontestablement, le congrès fondateur n’a pas fermé le ban mais ouvert la primaire.
La primaire précisément : c’est ici que la machine a toutes les chances de s’emballer vraiment. Officiellement, il s’agit d’une élection interne, ouverte aux électeurs de la droite et probablement du centre. Dans les faits, au vu d’un contexte que l’élection du Pontet a brutalement rappelé dimanche soir, cette primaire pourrait devenir une élection générale. Le Front national étant à des hauteurs qui lui promettent le second tour, et le Parti socialiste à des niveaux qui le menacent d’élimination, la primaire à droite pourrait faire office de présidentielle avant l’heure, c’est-à-dire d’élection destinée à désigner, purement et simplement, le prochain président de la République.
Dans ces circonstances, le nouveau nom du parti pourrait se retourner contre son concepteur. Passer de l’UMP aux « Républicains » pouvait paraître habile en interne, pour se donner une image de rassembleur, mais la manœuvre a toute les chances de créer une espèce de droit de vote au niveau du pays, quand sonnera l’heure de la primaire. Il sera beaucoup plus facile aux électeurs de gauche et du centre, souvent très anti-sarkozystes, de se déclarer « Républicains » que de se prétendre électeur de droite, et donc d’aller voter pour faire barrage à l’ancien président : vous êtes « Les Républicains », chiche, diront-ils à l’ancienne UMP ! Puisque le patron du premier parti de droite a obtenu le droit d’utiliser la République, rien n’empêchera après tout des centaines de milliers, voire des millions de républicains d’ailleurs, d’exercer leur droit de vote dans ce nouvel espace public.
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