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Deux présidents africains écoutés par la justice française

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Le 28 mars 2014, à 12h55, Michel Tomi, surnommé le “parrain des parrains”, condamné plusieurs fois par la justice dans des affaires financières liées à la mafia corse, décroche son téléphone. Un vieux complice est au bout du fil, Pierre-Nonce Lanfranchi, dit “Nono”. « Putain, ils ne te lâchent plus ! », s’agace “Nono”, élu historique du petit village de Guitera-les-Bains (Corse-du-Sud), entre deux échanges en patois insulaire avec l’homme d’affaires. Il faut dire que, ce jour-là, un article du Monde révélant l’existence d’une enquête judiciaire d’ampleur contre Michel Tomi tourne sur la Toile depuis plus d’une heure.

« Qu’est-ce qu’ils me cherchent ! », confirme Michel Tomi, alors écouté par les policiers de l’Office anti-corruption de Nanterre. « Ah, mais on dirait qu’ils cherchent plutôt IBK », avance “Nono”. Ces initiales sont celles de l’actuel président du Mali : Ibrahim Boubacar Keita. Un « ami » de la France, symbole de la politique africaine de François Hollande, que l’on retrouvera aux premiers rangs de la marche officielle des chefs d’État du monde entier, le 11 janvier dernier, après les attentats de Paris.

IBK et François Hollande, le 11 janvier, à Paris.IBK et François Hollande, le 11 janvier, à Paris. © Reuters

« Il va finir en garde à vue, hein ? », interroge “Nono”. « Je ne crois pas, non », le rassure Tomi. « Mais il y a quelqu’un qui bouge par derrière, c’est pas possible », suggère son ami. « Bien sûr. Tu as raison », confirme l’homme d’affaires. Puis les deux hommes s’amusent du surnom (le “parrain des parrains”) de Michel Tomi, exilé depuis plusieurs décennies en Afrique, où cet ancien pilier de l’ombre du clan Pasqua — il a été condamné dans l’affaire du casino d’Annemasse — a bâti avec son groupe Kabi un empire autour des jeux, puis de l’immobilier, puis de l’aviation, puis de tout ce qui est juteux. Au Cameroun, au Gabon, au Mali. Le tout sous le regard longtemps bienveillant de la France, de sa police et de ses services secrets.

Les temps ont, semble-t-il, changé et “Nono” n’a pas tout à fait tort. Même s’il est actuellement protégé pénalement par son statut de chef d’État, le président du Mali, Ibrahim Boubacar Keita, est bel et bien dans le radar des policiers et de la justice française, selon de nombreux documents réunis par Mediapart. De manière incidente, IBK a même été écouté téléphoniquement à de très nombreuses reprises en 2013 et 2014 dans le cadre de l’enquête des juges Serge Tournaire et Hervé Robert (parti au printemps à la Cour des Comptes) sur l’empire Tomi. Il n’est d’ailleurs pas le seul. Un autre chef d’État africain — et non des moindres —, Ali Bongo, le président du Gabon, a lui aussi été écouté.

Les retranscriptions policières révèlent un vaste système de largesses en tout genre mis en place par Michel Tomi au profit d’IBK et, dans une moindre mesure, d’Ali Bongo : croisières sur un yacht, voyages en jets privés, séjours dans les plus grands palaces parisiens, transport en limousines, achats de costumes de luxe, de voitures, de lunettes, soins médicaux réglés rubis sur l’ongle.

Contactées, les présidences du Mali et du Gabon n’ont pas donné suite à nos sollicitations.

Tomi se met en quatre pour satisfaire les moindres désirs des présidents. Il est leur homme. Leur tiroir-caisse. Le facilitateur pour leur rendre la vie plus douce, à tous points de vue. Il fluidifie. En contrepartie, il a le champ libre pour faire prospérer ses affaires sur le continent. Pour justifier ces faveurs, l’homme d’affaires préfère revendiquer un lien de nature « familiale » avec Keita et Bongo, comme il le fera par exemple en garde à vue devant les enquêteurs.

Soupçonné par les polices françaises d’être, au mieux, le banquier du milieu corse et, au pire, l’un de ses parrains les plus redoutables, Michel Tomi a tout fait pour tromper la surveillance judiciaire. En vain. Dans une écoute du 31 mars 2014, à 18 h 58, trois jours après les révélations du Monde, l’homme d’affaires explique ainsi au couple Keita — il parle à l’un et à l’autre à tour de rôle — qu’il utilise un numéro spécial pour ses conversations avec eux. « Il est que pour vous […] Tu vois, je m’en sers qu’au Mali, donc il a pas été touché par tous ces problèmes », confie-t-il, de manière à peine codée.

Le même jour, mais dix minutes plus tard, il glisse sur une ligne identifiée par les policiers comme étant utilisée par les Keita : « Des fois, avec l’autre [téléphone – ndlr] je peux te dire des conneries, hein. Donc, n’en tiens pas compte. Tu vois ce que je veux te dire… La vérité, je la dis sur celui-là hein. » Pas de chance, cette ligne aussi est écoutée. La vérité s’écoulera au fil des mois d’un téléphone l’autre et finira par causer les plus graves ennuis judiciaires que Michel Tomi ait connus ; c’est dire. L’homme d’affaires a été mis en examen, le 20 juin 2014, après 48 heures de garde à vue, pour « corruption d’agents publics étrangers » parmi dix-sept chefs d’inculpation.

  • Le catalogue de la corruption
Michel Tomi, au second rang, derrière son associé assassiné Robert FeliciaggiMichel Tomi, au second rang, derrière son associé assassiné Robert Feliciaggi © Reuters

Alors que le Mali est classé parmi les pays les plus pauvres du monde en plus de connaître la guerre et le terrorisme, les écoutes Tomi dans lesquelles apparaît IBK montrent un président malien obsédé par la satisfaction de ses besoins dispendieux. Le “parrain des parrains” le couvre d’égards et de cadeaux. Une voiture, pour commencer. Un Range Rover. Écoute du 4 octobre 2013, à 20 h 15 : « Et le Range ? », demande Tomi au président du Mali. « Impeccable, impeccable… », répond l’intéressé, qui n’a rien payé, d’après la justice. Le Corse, telle une nounou pour chef d’État, rappelle ensuite à IBK sa prescription médicale, listant les médicaments qu’il doit prendre sans faute.

L’homme d’affaires ne ménage pas ses efforts pour permettre au président malien de bénéficier des meilleurs soins en France. Le 3 décembre 2013, après s’être assuré qu’IBK a bien réceptionné le manteau qu’il vient de lui faire livrer (« comme ça demain vous vous couvrez bien »), Tomi tente un trait d’humour pour souligner à quel point il s’est démené pour obtenir un rendez-vous médical. Au bout du fil, celui qui fut élu vice-président de l’Internationale socialiste en 1999 semble réceptif.

—   Tomi : « Vous savez la dernière pour un socialiste ? On va casser la grève demain, parce qu'il y a grève dans les hôpitaux à Marseille mais pour vous on va ouvrir l’IRM »
—   IBK : « Ouuuh mon frère »
—   Tomi : « Hein… »
—   IBK : « Tu fais de moi un briseur de grève ! »
—   Tomi : « Voilà ! Briseur de grève ! J’ai déjà préparé le panneau “IBK contre la grève” ».

Beaucoup de conversations entre Tomi et IBK tournent également autour de l’aviation de luxe. D’abord au sujet d’un jet privé Bombardier Global Express, propriété du groupe de Michel Tomi, que la présidence malienne loue pour un million d’euros « alors même que l’État malien semble disposer d’un avion présidentiel », s’étonnent les enquêteurs de l’Office anti-corruption dans un rapport de synthèse de mars 2014. Il est aussi question de l’acquisition pour le président IBK d’un avion estimé à 36 millions de dollars par l’intermédiaire d’une société basée à Hong Kong, Skycolor.

Le mandat signé entre l’État malien et Skycolor, dont la justice a échoué à découvrir les vrais bénéficiaires économiques faute de coopération judiciaire, prévoit une commission de 5 % sur la vente au profit de ses mystérieux ayants droit. Les policiers soupçonnent que Tomi ou des proches se cachent en réalité derrière toute l’opération. Le principal intéressé s’en défend.

Les écoutes montrent pourtant bien que tout le clan Tomi s’investit intensément dans cette vente. Par pure amitié, donc. Les policiers soulignent d’ailleurs dans le même rapport de synthèse « l’influence » de Tomi exercée sur IBK, de telle sorte que quand deux ministres du gouvernement malien s’opposent à l’achat de l’avion pour des raisons de bonne gestion, « Michel Tomi en est informé et contacte immédiatement le président malien, lui demandant d’appeler ses ministres ». « Le soir même, le président malien prend attache avec Tomi  pour l’informer qu’il a contacté son ministre de l’économie et que la signature de la vente de l’avion ne pose aucun problème », notent, sidérés, les enquêteurs.

S’agissant de cet avion, la générosité de Tomi pour IBK n’a pas de limite. Dans une écoute du 2 avril 2014 avec le plus proche collaborateur d’IBK à la présidence, Mahalmoudou Sabane, on découvre que c’est l’homme d’affaires corse qui a directement rémunéré un expert aéronautique chargé d’expertiser l’avion fraîchement acquis. « Dis-moi, Sabane, attaque Tomi, il y a un problème. On a un expert qui est descendu pour expertiser le 727 [un 737, en fait - ndlr] à la demande du président. Depuis hier, il est à l’hôtel, il n’a pas de nouvelles. C’est quelqu’un qu’on paie. Personne ne s’en occupe. Il faut lui envoyer un chauffeur. » Sabane, qui appelle Tomi « patron », paraît aux ordres : « Oui, j’ai compris. »

  • « Vous avez besoin d’autre chose ? »

Michel Tomi est décidément un ami tout confort. Grâce à lui, IBK profite lors de ses séjours en France, officiels ou non, de nuitées dans les plus beaux palaces de Paris et de Marseille : le Royal-Monceau, La Réserve, le Meurice, le Sofitel, l’Intercontinental. C’est un homme de main de Tomi, Valentin Dos Reis, qui règle la facture à chaque fois, toujours en espèces : 14 005 € par-ci, 32 950 € par-là. Mais c’est Tomi en personne qui fait les réservations. Le 5 février 2014, il appelle par exemple le Sofitel de la cité phocéenne « pour le président Keita ». Il veut « la grande suite, pour lui ». Il répète l’exercice avec Le Royal Monceau de Paris. Il lui faut sept chambres. Dont la plus grande.

Quelques heures plus tard, Tomi appelle IBK pour lui dire qu’il s’occupe de tout pour le séjour qui s’annonce chargé. « On va chez le tailleur et tout. On peut faire les courses », souffle l’homme d’affaires, qui propose par ailleurs au président malien de lui mettre à disposition l’un de ses jets privés, le Falcon 900 ou le Global Express. Au même moment, vent de panique à la présidence. Sabane, l’homme de confiance d’IBK, appelle Tomi pour se plaindre que le Sofitel de Marseille ait envoyé la facture « au bureau ». « Nous avons demandé de ne pas faire ça », dit-il. « Ramène-la, je vais m’en occuper », le rassure Tomi.

IBK, lui, a autre chose en tête. Le lendemain, à 20 h 21, lors d’une conversation téléphonique, le président malien s’interroge :

—   « Tu as pensé à mes lunettes, Michel ? »
—   Réponse de Tomi : « Demain, j’ai celles avec les verres blancs. Il y a trois paires. »
—   IBK : « Les fumées, les fumées ! ».
—   Tomi : « Ok, y a pas de problème, y a pas de problème. »

Ibrahim Boubacar Keita, au Mali. Ibrahim Boubacar Keita, au Mali. © Reuters

Tout doit être aux petits oignons pour IBK. Le “parrain des parrains” va même jusqu’à s’occuper des films qui doivent être téléchargés dans l’I-Pad du président malien. La liste qu’il dicte à l’un de ses obligés, lors d’une conversation téléphonique du 8 février, à 14 h 26, parle d’elle-même : « Les trois “Parrains”, “Les Affranchis”, “Ultimo Padrino”, mets la série “Corleone”, elle est belle, mets-lui la série – elle est pas très belle – “Mafiosa”, sur la Corse. Ça va lui plaire. » Cela ne s’invente pas.

Une autre fois, Tomi fait en sorte que des costumes de la marque Cifonelli attendent son « frère » Keita dans sa suite de l’Intercontinental de Paris. Il y en a pour plusieurs milliers d’euros. Une écoute du 2 mars 2014, à 22 h 10, montre un IBK très sensible à ces faveurs. Très pressé, aussi. « Michel, si les gens de Cifonelli, là, pouvaient me donner mes habits de campagne, j’apprécierais beaucoup. Mes tenues légères, les trois poches là… », réclame le président malien. Tomi : « Elles seront prêtes demain. Vous avez besoin d’autre chose ? » IBK : « Euh..., en ce moment, non. »

  • « J’étais le “frère” d’Omar Bongo »

Quand il s’agit d’amitié, Michel Tomi n’est pas seulement généreux. Il est aussi extrêmement fidèle. Avant de jeter son dévolu sur le Mali et Keita, l’homme d’affaires a d’abord fait ses classes au Gabon sous les présidences de Bongo, père et fils. C’est son autre Corse. Le pays où il s’est installé au début des années 1990 sous l’égide de son ancien compagnon de route, Robert Feliciaggi, assassiné à Ajaccio en 2006. Celui dont il a acquis la nationalité il y a dix ans. Celui, surtout, qui lui a permis de faire fortune et d’être élevé au rang d’empereur des jeux africains (son groupe Kabi possède notamment le PMU du Gabon et le Casino Croisette de Libreville).

Quand il en parle, il n’est presque plus question d’affaires et de gros sous. Seulement de racines et de sphère intime. « Jusqu'à hier, nous avons parlé de Michel Tomi et du groupe Kabi. Je vais maintenant vous parler de Michel Tomi perso », confie-t-il gravement aux enquêteurs en juin 2014. Sept ans plus tôt, la mise sur écoute de son téléphone dans l'enquête sur l'assassinat de Feliciaggi avait révélé « ses relations très privilégiées » avec le président gabonais d’alors, Omar Bongo, qui le surnommait affectueusement le « Batéké corse » ; mais également avec le fils de celui-ci, Ali, à l’époque ministre de la défense, qu’il a littéralement poussé au pouvoir à la mort de son père en 2009.

L’homme d’affaires s’enorgueillit des « relations familiales » qu’il entretient avec l’actuel président du Gabon. « J’étais le “frère” de son père, dans la coutume gabonaise. J’avais la chance d’avoir son affection. […] Il disait de moi que je ne lui avais jamais menti. » Logiquement, Ali Bongo le considère aujourd’hui comme son « oncle ». D’ailleurs, « tout le Gabon me considère comme son “oncle” », souligne Tomi qui joue les ingénus quand on l’interroge sur les raisons d’une telle affection. « J'ai toujours été un homme de parole, jusqu'à son dernier souffle, j’ai accompagné le père, risque-t-il. Aujourd’hui, je vois Ali Bongo sous un angle familial et non protocolaire. […] Les liens avec un président en Afrique ne sont pas forcément basés sur l'argent comme le pensent la plupart des gens. »

En revanche, ces liens se renforcent quand on sait faire plaisir. Et Tomi est un maître en la matière. Lors de ses séjours parisiens, il n’hésite pas à dégainer ses cartes bleues pour acheter « divers cadeaux luxueux pour récompenser ses amis et collaborateurs, en offrant de nombreuses montres de luxe (Rolex, Breitling, etc.) ou véhicules de marques prestigieuses », comme l’indiquaient encore les écoutes de 2007. Une Porsche Cayenne pour Omar Bongo, des voyages en jets privés pour toute la famille et les ministres du gouvernement gabonais, des frais d’hospitalisation pour certains dignitaires du pays… Quand on aime, on ne compte pas. Et Michel Tomi aime beaucoup les Bongo.

Il les emmènerait jusqu’au bout du monde s’il le pouvait. Et il le peut. Grâce au Graziadiu, un luxueux yacht de 43 mètres acheté 13,5 millions d’euros et géré par la société Harmill Limited, domiciliée aux Seychelles. Le 20 juillet 2013, le bateau navigue sur une mer d’huile, au large de l’île grecque de Corfou. À son bord deux hôtes de prestige : le président du Gabon et sa femme, Sylvia. Ali Bongo est tranquillement en train de regarder le Tour de France à la télévision quand le capitaine lui tend un téléphone. C’est Tomi au bout du fil. Il veut savoir si tout se passe bien. « Oui ! Ça va, on est content ! », s’enthousiasme le chef d’État.

Très vite, son « oncle » corse l’entraîne sur le terrain des affaires. « Que vous sachiez, notre ami qui voulait prendre l’immeuble, le terrain là… […] Il a fait intervenir la grande sœur. Il lui a proposé un deal… en lui disant que je m’étais attribué le terrain. » Bongo s’énerve : « Oh ? L’autre, il ne bouge pas sans mon autorisation. Sans moi, il ne bouge pas, c’est tout. » Une fois rassuré, Tomi fait mine de s’excuser : « Non mais je veux pas vous embêter, c’est les vacances ! » Avant d’enchaîner sur une proposition on ne peut plus explicite :

—   « Bonne continuation, profitez bien du… j'avais une belle hôtesse, une Bulgare.... mais je l'ai pas mise… »
—   Gloussements d’Ali Bongo : « Eh, ehe !!! »
—   Tomi : « Parce que dit Maman… hein elle était vraiment belle »
—   Bongo : « Eh eh eh »
—   Tomi : « Surtout pour le petit massage, eh ehe ehe !!!! hein »
—   Bongo : « Ah oui oui oui ! tout à fait ! »
—   Tomi : « J'ai dit quand même, je l'ai enlevée pour moi et pour vous, celle-là je la garde pour septembre, si des fois en septembre y a un petit saut tout seul… heu… c'est pas mal… y a ce qui faut. »

Le "Graziadiu", le yacht de Tomi où défilent les présidents. Le "Graziadiu", le yacht de Tomi où défilent les présidents. © DR

Quelques jours plus tard, l’homme d’affaires est de nouveau au téléphone, mais cette fois-ci avec son ami Alexandre Rodriguez, patron de la société SNP Boat qui assure tous les frais afférents à l’utilisation du Graziadiu. Les deux hommes sont ravis. Le président « était très content » de sa petite croisière, lui et sa femme ont « adoré le bateau ». Tomi et Rodriguez se connaissent depuis fort longtemps. Non contents d’avoir en commun le goût des yachts de luxe, ils partagent également de nombreuses – et souvent mauvaises – fréquentations, parmi lesquelles Richard Casanova, l’un des anciens piliers du gang corse de la “Brise de mer”, assassiné en 2008 à Porto-Vecchio.

Rodriguez a lui aussi eu maille à partir avec la justice. En 2010, il a été mis en examen pour « blanchiment, d’infraction à la législation sur les jeux et d’extorsion de fonds aggravée, recel de malfaiteurs, abus de bien sociaux », après un coup de filet dans le milieu du grand banditisme marseillais. Écroué, il a officiellement légué la présidence de SNP Boat à son père. Officieusement, celui qui reçoit compliments et remerciements de la bouche même du président gabonais semble pourtant toujours aux commandes.

Le Graziadiu a beau être un petit bijou flottant, c’est aussi un nid à problèmes pour Michel Tomi. En témoigne une écoute téléphonique datée du 2 février 2014, entre l’homme d’affaires et « Philippe », le gérant déclaré de Harmill Limited qui détient le yacht. Ce dernier est ennuyé par une nouveauté made in Seychelles : « Ils veulent des actions nominatives. » « C’est hors de question de leur donner votre nom, prévient-il. Je voulais savoir si c’était pas mieux de mettre votre fils. » « Non, non, je vais mettre mon neveu, répond Tomi. J’ai presque aussi envie de changer le nom. Je vais l’appeler Hamboulaye. Ça veut dire comme Graziadiu, mais en arabe. »

—   « À partir du moment où il est au nom de mon neveu, si un juge est pris de folie contre moi, il ne peut pas le saisir ? », s’inquiète-t-il soudain.
—   Philippe le rassure : « Non, il ne peut pas le saisir. »
—   Tomi : « Même si on veut m’embêter comme ils le veulent depuis des années ? »

Embêté, Tomi le sera sérieusement le 18 juin 2014 : interpellation à 6 h 10 du matin dans son luxueux appartement parisien, perquisitions chez lui et ses proches, garde à vue, mise en examen… Face aux policiers, il a tenu la même ligne de défense : ce n’est pas du tout ce que vous croyez, qu’il s’agisse des Bongo ou des Keita. « Si je fais des cadeaux [à IBK – ndlr], c’est en raison de notre amitié et non par le fait qu’il soit président », a juré Tomi. Les Bongo ? « Des relations familiales. »

Devant les juges, le lendemain, il n’en démordra pas : « Je suis quand même étonné qu’on me mette en examen pour corruption d’agents publics étrangers. Je fais des choses officiellement avec des sociétés étrangères qui viennent chercher des marchés dans certains pays africains […] Je pense que si certains organes de presse ne m’avaient pas fait une certaine réputation, je ne serais pas là aujourd’hui. »

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