Suspension de l’écotaxe, renoncement à la taxe sur l’excédent brut d’exploitation, mais on ne lâche rien sur Notre-Dame-des-Landes. Après plusieurs semaines d’incertitude, les services de l’État s’apprêtent à publier les arrêtés “loi sur l’eau” et “déplacement d’espèces protégées”, étape préalable au lancement des travaux de transfert de l’aéroport dans la campagne nantaise. Ils sont attendus pour décembre, délivrés conjointement par souci de visibilité, et en même temps que la publication d’un nouveau calendrier d’actions.
La parution de ces textes doit lever le dernier obstacle administratif à la réalisation des travaux. Pour la puissance publique, c’est une étape importante, et la manifestation de sa volonté de poursuivre ce projet pourtant très contesté. Autre étape obligatoire tout juste franchie : le conseil de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) de Loire-Atlantique, commission consultative départementale, vient de donner un avis favorable à l’arrêté loi sur l’eau – en présence du préfet de région, un geste inhabituel.
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Retrouver ici notre dossier sur l'aéroport de la discorde
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Pour autant, rien n’assure que les premiers travaux programmés commenceront dans la foulée. D’abord parce que les arrêtés feront vraisemblablement l’objet de recours par les opposants, dont certains pourraient être suspensifs. Ensuite, parce qu’en plein drame national de l’écotaxe, et alors que le démontage de portiques et de radars routiers devient un sport national, le lancement d’une nouvelle opération d’expulsion de la zone d’aménagement différée (ZAD) promet d’élever encore d’un cran la tension sociale à l’ouest de la France. La zone s’est peuplée de collectifs plus ou moins actifs depuis l’échec de l’opération d’évacuation « César » l’année dernière. Des occupants organisent la plantation d’un « barreau forestier » ce week-end (voir ici) en lieu et place du barreau routier prévu.
En juin, Frédéric Cuvillier, le ministre des transports, s’était engagé au nom du gouvernement à « reconstruire des espaces de dialogue » sur place. Plusieurs réunions de concertation se sont ainsi tenues depuis la rentrée au sujet du plan d’exposition au bruit de l’actuel aéroport de Nantes Atlantique. Cet aspect technique du dossier n’en est pas moins stratégique car la nuisance sonore – et la sécurité des habitants – est l’un des principaux arguments brandis par la direction générale de l’aviation civile (DGAC) pour justifier le transfert de l’aéroport. À la demande de la commission de dialogue, dont le rapport a été rendu au printemps dernier (voir ici), la DGAC a réalisé une nouvelle estimation de l’impact du bruit aérien de l’actuel aérogare en fonction de l’essor de son trafic dans les années à venir. Comme dans son précédent mémoire, elle conclut qu’un développement du site créerait des nuisances sonores incompatibles avec le développement urbanistique de l’île de Nantes. De son côté, le collectif des élus opposés au nouvel aéroport, le CéDpa, a commandé un rapport à un cabinet européen d’experts, Adecs Airinfra, qui conteste ces conclusions (voir ici). Il doit être discuté par porteurs et opposants du projet lors de la dernière réunion prévue, le 27 novembre.
Mais cet échange d’arguments restaure-t-il le dialogue ? Rien n’est moins sûr. Conseillère générale (Front de gauche) de Loire-Atlantique et membre du CéDpa, Françoise Verchère regrette les mauvaises conditions de cette « concertation » : « Il y a une rétention d’information terrible. Le plan de la DGAC sur un éventuel réaménagement de Nantes Atlantique nous a été présenté en power point le 6 novembre, a été mis en ligne le 18 et nous devons en présenter une contre-expertise le 27 ! Nous avons très peu de temps. »
Les naturalistes en lutte, à pied d’œuvre sur la préservation de la faune et de la flore autour de Notre-Dame-des-Landes (voir ici), ont subi les mêmes déconvenues. La consultation du public sur les futurs arrêtés de dérogation « espèces protégées », uniquement sur internet, ne devait initialement durer que quinze jours. Elle s’est finalement prolongée de deux semaines. « Cela atténue le déni de démocratie qu’elle représentait sans l’annuler », considère François de Beaulieu, membre du collectif. Selon son décompte, au total, le dossier mis à l'enquête court sur 4 247 pages, ce qui représente 785 Mo de fichiers informatiques, « mais tout est en petits morceaux et en vrac ». Les naturalistes en lutte ont rendu leur propre contre-expertise, découvrant l’oubli de nombreuses espèces protégées dans les documents officiels. Le site ne permettait pas de la déposer en ligne, ils ont dû l’envoyer par courrier.
Par ailleurs, l’État n’a toujours pas répondu aux demandes d’une autre commission dont il avait aussi sollicité l’expertise, sur l’agriculture cette fois-ci. Au nom de la préservation des espaces agricoles, les auteurs du rapport réclamaient des aménagements notables au projet du nouvel aéroport (réduction de l’impact au sol des constructions, la réduction du périmètre des parkings, le déplacement du barreau routier…). Malgré l’engagement du gouvernement à « mettre en œuvre les préconisations des trois commissions qu’il a mandatées », les autorités n’ont toujours pas dit si elles souhaitaient revoir le chantier sur ces points et comment. Sollicitée par Mediapart, la préfecture n’a pas répondu à nos questions.
En revanche, le front européen se dégage pour l’État français. La commission européenne vient de donner son accord à la subvention de 150 millions d’euros accordée par Paris à la filiale de Vinci, Aéroport du Grand Ouest (AGO), estimant qu’elle « est compatible avec les règles de l’Union européenne relatives aux aides d’État » et ne cause pas de « distorsion indue de la concurrence ».
Sur place, la situation reste tendue. Le bureau nantais de Biotope, l’un des principaux bureaux d’études actifs sur le projet d’aéroport, a été cambriolé. Et Vinci a déposé plainte au pénal contre la destruction de mares devant servir à des actions de génie écologique.
BOITE NOIRELe 18 novembre, le conseil municipal du village de Notre-Dame-des-Landes a été informé d'une décision de report à l'année prochaine du déplacement des espèces protégées de la zone concernée par le projet d'aéroport. L'information a aussitôt circulé parmi les opposants, est arrivée à Mediapart... mais s'est révélée erronée comme je l'ai compris au bout de quelques vérifications. Sollicitée, la préfecture de Loire-Atlantique n'a pas répondu à mes questions.
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