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Un député UMP pourfendeur de la fraude sociale dissimulait un compte en Suisse

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Le grand œuvre de Dominique Tian, à l'Assemblée nationale, c'est un rapport au Karcher contre les fraudeurs aux prestations sociales, ceux qui grugent le RSA ou les allocations familiales, parfois pour 100 euros de plus par mois. Mais pendant qu'il réclamait, sabre au clair, plus de sanctions pénales contre ces tricheurs de seconde zone, le député UMP dissimulait un compte en Suisse, non déclaré au fisc, farci d'environ 1,5 million d'euros, si l'on en croit les chiffres fournis à Mediapart par l'intéressé lui-même. Aujourd'hui, Dominique Tian pourrait bien être rattrapé par la justice.

Vendredi 17 avril, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), créée après l'affaire Cahuzac pour contrôler les déclarations de patrimoine des élus, a en effet saisi le parquet de Paris, estimant que Dominique Tian avait rempli un formulaire potentiellement mensonger, « en raison notamment de l'omission d'avoirs détenus à l'étranger ». Le procureur devrait, en toute logique, ouvrir dans la foulée une enquête préliminaire.

Depuis les lois sur la transparence de fin 2013, toute « omission » peut valoir jusqu'à trois ans de prison et 45 000 euros d'amende aux délinquants en cravate, possiblement privés de leurs droits civiques et de l'exercice de toute fonction publique. Après Degauchy (UMP), Sido (UMP), Brochand (UMP), Dassault (UMP) et de Montesquiou (UDI), c'est la sixième fois que la HATVP transmet à la justice des déclarations de patrimoine de parlementaires.

D'après nos informations, les griefs retenus à l'encontre de Dominique Tian, chef d'entreprise dans le privé, portent non seulement sur un ancien compte outre-Léman, mais aussi sur un hôtel en Belgique, non signalé à la Haute autorité.

La saisine semble viser une « vieille » déclaration de patrimoine datant de 2012, muette sur les fonds cachés en Suisse. À l'époque, les déclarations étaient épluchées par la Commission pour la transparence financière de la vie politique (l'ancêtre de la HATVP), dépourvue de moyens de contrôle effectifs et facilement flouée. C'est seulement au lendemain de l'affaire Cahuzac que le député a rapatrié son argent en France, en profitant de la cellule de régularisation mise en place en 2013 par le ministère du budget. « En 2014, j'ai réactualisé ma déclaration de patrimoine, ainsi que ma déclaration d'ISF (impôt sur la fortune –ndlr) », affirme Dominique Tian à Mediapart.

Du coup, cet ancien évadé fiscal ne comprend pas qu'on vienne aujourd'hui lui chercher des noises. « Je suis passé par la cellule de régularisation, comme 35 000 Français, dit-il. J'ai tout déclaré. Et aujourd'hui, ce sont les élus honnêtes, comme moi, qui se retrouvent poursuivis par la HATVP ?! Un esprit mal intentionné dirait qu'il valait mieux ne pas régulariser ! » Pour une infraction potentiellement commise en 2012 dans sa déclaration de patrimoine, le délai de prescription court toutefois jusqu'en 2015…

« Ce compte en Suisse a été ouvert par mon père, veut relativiser le député, usant du même argument que son collègue Lucien Degauchy ou que le sénateur Bruno Sido (voir leurs déclarations à Mediapart en novembre dernier). C'est un héritage. On l'a appris tardivement. C'était compliqué à gérer, comme dans toutes les familles… » À quelle date exactement son père est-il décédé ? « Il y a environ dix ans. » Pourquoi ne pas avoir rapatrié plus tôt ? « La procédure Cazeneuve est faite pour ça », répond tranquillement Dominique Tian.

L'élu rappelle d'ailleurs que sur le plan fiscal, il s'acquittera des pénalités. « J'attends de savoir de combien elles seront. Je n'ai pas de nouvelles de Bercy mais je crois que dans ces cas-là, c'est entre 10 % et 40 % du montant. » Et de quel montant parle-t-on précisément ? « Entre 1,5 et 1,8 million d'euros. » Quand on s'étonne du flou, le Marseillais répond : « Comme ils sont bien placés, ça rapporte. »

Par ailleurs, ce gérant de société (qui avait empoché plus de 600 000 euros de revenus ou dividendes en 2013) s'occupe d'un hôtel en Belgique, « acheté pour 7 ou 8 millions d'euros » dans les années 2000, qu'il a choisi de ne pas signaler dans sa déclaration de patrimoine. « J'estime que c'est un outil professionnel qui n'a pas à figurer, tandis que la HATVP dit que c'est un bien personnel, explique Dominique Tian. Mais c'est un hôtel acheté par mes sociétés, pas par moi. » La justice devra trancher ce débat.

En attendant, le député UMP, qui rappelle avoir voté contre les projets de loi sur la transparence, critique une Haute autorité « soi-disant indépendante ». Il ne le dit pas, mais ces derniers temps, dans les couloirs de l'Assemblée, plusieurs de ses collègues, sous couvert d'anonymat, s'en chargent : « Les parlementaires épinglés sont tous de droite ! » Formulé ainsi, ça n'est pas inexact. Mais outre quelques explications sociologiques, il faut rappeler que la HATVP a bien accroché plusieurs ministres de François Hollande, à commencer par l'ancienne secrétaire d'État Yamina Benguigui, renvoyée en décembre devant le tribunal correctionnel son procès a été reporté pour des raisons personnelles mais devrait se dérouler cet été.

Le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, a également été épinglé en juin dernier pour avoir minoré son patrimoine immobilier d'environ 700 000 euros. Les discussions ayant abouti à une réévaluation de ses avoirs de 30 % « seulement », la Haute autorité n'a pas jugé opportun de saisir la justice. Mais ce proche de Manuel Valls devait écoper d'un redressement sur son ISF d'environ 50 000 euros, rien que pour l'année 2013, d'après les informations recueillies à l'époque par Mediapart. A-t-il bien eu lieu ? Pour quel montant ? Toujours en place, Jean-Marie Le Guen refuse invariablement de répondre à Mediapart sur ce point. 

Il faut enfin évoquer Thomas Thévenoud, éphémère secrétaire d'État, qui ne déclarait pas régulièrement ses impôts. La vérifiation fiscale lancée par la HATVP au lendemain de sa nomination a débouché, début septembre, après des jours de tergiversations, sur son éviction du gouvernement. S'il est retourné siéger à l'Assemblée nationale, on ne l'entend plus dénoncer, comme auparavant, les ravages de la fraude fiscale. Dominique Tian va-t-il lui aussi renoncer à ses diatribes contre les fraudeurs au RSA ou les étrangers qui, à ses yeux, abusent de l'aide médicale d'État ?

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