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Le FN ne remporte aucun département mais confirme son implantation locale

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Le Front national avait pris soin de ne pas livrer de pronostic pendant cette campagne. Bien consciente de la difficulté pour son parti d'emporter un département, Marine Le Pen n'avait fait que reconnaître que des victoires dans l'Aisne et le Vaucluse étaient des « hypothèses crédibles ». « Si nous gagnons un seul département, ce sera déjà la cerise sur la gâteau ! », avait-elle déclaré lors de sa tournée dans le Var, mi-mars.

Avant le premier tour, un membre du bureau politique avait expliqué à Mediapart que « la consigne avait été donnée de ne rien déclarer ». « L’objectif est d’apparaître comme le choix du premier tour, de s’afficher premier parti de France, puis de foutre la merde au troisième tour, lorsqu’il faudra constituer des majorités. Si on peut exploser l’UMP, on le fera. Et si on a des présidents, tant mieux ! »

Dimanche soir, le parti frontiste n’a remporté aucun département. Pas même le Vaucluse et l’Aisne. Le Front national loupe donc la marche d’une victoire médiatique et symbolique – car jamais le parti n’a conquis de département dans son histoire. Il reste cantonné à un parti de premier tour sur ce type d'élections. Il a aussi essuyé une petite défaite symbolique : le seul conseiller général FN sortant, Laurent Lopez, à Brignoles (Var), a été battu.

Mais Marine Le Pen s’est efforcée d’afficher un large sourire dimanche soir au siège du Front national, et de minimiser ce palier que son parti n’est pas parvenu à atteindre. Elle ne s’« attendai[t] pas à gagner » de départements, a-t-elle assuré. Peu avant 20 h 30, et dans la foulée de Manuel Valls et Nicolas Sarkozy, la présidente du FN a déroulé dans son intervention un discours similaire à celui du premier tour, évoquant un « magnifique succès » pour le FN en dépit, dit-elle, d’une « campagne amère menée par le premier ministre, rejoint par beaucoup de médias puis dans l’entre-deux tours par l’UMP ».

D’autres ont moins caché leur déception. Interrogé en direct de la permanence du FN à Carpentras, Jean-Marie Le Pen a préféré ne retenir de la soirée que la « victoire symbolique » dans cette ville du Vaucluse, qui vengerait selon lui « l’insulte faite dans les années 1990 » (le FN avait été accusé à tort de la profanation du cimetière juif). Reconnaissant simplement que « les sondages laissaient espérer de meilleurs résultats », le président d’honneur du FN a estimé que « l’essentiel c’était le premier tour » et que son parti gagnait « une centaine d’élus au second tour alors que nous avions un seul sortant ».

Sur Twitter, certains responsables frontistes se sont agacés, comme Éric Domard, conseiller spécial de Marine Le Pen et membre du bureau politique :

Marion Maréchal-Le Pen n’a pas non plus caché son énervement en dénonçant un « mode de scrutin fabriqué contre nous » et « une campagne d'insultes et de diffamation ». « Notre beau département va retomber entre les mains de l’UMP et du PS qui se sont d’ores et déjà entendus à l’entre-deux tours, les uns se désistant, les autres appelant à voter pour leurs soi-disant adversaires », a-t-elle déclaré en expliquant que le FN était « le premier parti du Vaucluse en nombre de voix ».

La députée du Vaucluse n'est pas parvenue à faire basculer à l’extrême droite ce département sur lequel son parti misait gros. Elle avait pourtant toutes les chances de son côté : une très large médiatisation, une droite laminée contrainte de se recomposer à l’extrême droite, et une stratégie locale consistant à faire élire à Bollène le binôme de la Ligue du Sud – le parti du frère ennemi Jacques Bompard – pour faire barrage au PS.

« Vous voulez que je vous dise quoi ? Qu'on a perdu ce soir ? », s'est aussi énervé Franck Briffaut, le maire FN de Villers-Cotterêts. Candidat victorieux dans son canton avec 51,89 % des voix, l'élu n'a pas apprécié les questions des journalistes sur l'échec de son parti à conquérir l'Aisne. Non seulement le Front national ne l'a pas emporté, mais il ne gagne « que » quatre cantons (soit huit élus). Au premier tour, il avait pourtant confirmé son implantation dans ce département picard où tous les indicateurs socio-économiques sont dans le rouge : il était arrivé loin devant avec 38,7 % des voix et avait terminé en tête dans 16 des 21 cantons.

Les meilleurs résultats frontistes sont venus du Pas-de-Calais, une terre que laboure Steeve Briois depuis les années 1990, et érigée en « laboratoire » militant par Marine Le Pen, qui s’y était elle-même parachutée en 2007. Aux municipales, Hénin-Beaumont avait été conquise dès le premier tour. Dimanche dernier, le FN a confirmé ses bons scores en arrivant en tête dans le département (35,5 % des voix, près de 10 points devant le PS). Si le Pas-de-Calais reste aux mains de la gauche (le PS gagne 30 élus), le FN y obtient 12 élus. Plusieurs ténors du parti se sont félicités de cette implantation croissante dans le bassin minier :

Le Front national confirme en tout cas son implantation dans ses zones de force : 12 sièges dans le Pas-de-Calais, huit dans l'Aisne, six dans l'Hérault, le Var et le Vaucluse, quatre dans le Gard, l'Oise, la Haute-Marne, deux dans la Somme. Il confirme aussi ses scores des municipales dans la grande majorité des villes conquises. Interrogée par Le Monde, Marine Le Pen a expliqué qu’il avait manqué à son parti « l'implantation locale » et « la notoriété » pour conquérir un département. Mais la présidente du FN estime avoir « rempli [son] contrat », le « triptyque de [ses] engagements quand [elle est] arrivée à la tête du FN » : « implantation locale, professionnalisation, normalisation ».

L’objectif de cette élection – où le Front national est traditionnellement absent – était d’abord de reconstruire ce réseau d’élus et de cadres sans lequel rien n’est possible. Dimanche, Marine Le Pen a pu se féliciter devant les caméras de « la forte augmentation des scores » de son parti qui, dit-elle, « s'installerait au niveau de 40 % » là où il était présent. « Ce niveau électoral exceptionnel est le socle des victoires de demain, [...] une étape cruciale pour le mouvement patriote sur le chemin du pouvoir » alors que « nous partions pourtant dans ces élections départementales avec beaucoup de handicaps », a-t-elle expliqué, avant de se positionner en opposante numéro un : « L’objectif approche. Je suis désormais à la tête du seul mouvement d'opposition véritable au pouvoir en place. »

« Il y aura les régionales, la présidentielle, les législatives. Et croyez-moi, on va en entendre parler ! », a lancé de son côté Jean-Marie Le Pen. « Nous avons une satisfaction ce soir, celle de voir le PS s'effondrer », a raillé sa petite-fille, Marion Maréchal-Le Pen.

Dimanche soir, en attendant le décompte définitif, le FN pronostiquait de son côté 40 à 50 cantons remportés. Pour le politologue Jean-Yves Camus, directeur de l'Observatoire des radicalités politiques (ORAP), interrogé par l'AFP, « gagner en scrutin majoritaire dans 40 à 50 cantons, c'est quelque chose qui était proprement inimaginable il y a deux ou trois ans ».

Marine Le Pen, dimanche 29 mars, au siège du FN, à Nanterre.Marine Le Pen, dimanche 29 mars, au siège du FN, à Nanterre. © Reuters

Pour le Front national, plusieurs échéances sont importantes à court et moyen terme. D’abord l’élection des présidences des conseils départementaux, jeudi. Le parti frontiste tentera de jouer le rôle de faiseur de roi et de semer le trouble dans les départements où l'UMP aura besoin de ses voix. L'Aisne, le Vaucluse et le Gard seront à surveiller de près. Certains départements où aucune majorité claire ne se dessine pourraient d’ailleurs devenir ingérables. Comme l’Aisne, où la droite termine en tête mais sans majorité absolue, et où le FN a obtenu huit élus.

Autre étape importante à moyen terme : les régionales, en décembre, où la proportionnelle reflétera davantage le poids du Front national. Au FN, on mise sur « 4 régions, peut-être même 5 gagnables » : Bourgogne, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Alsace-Champagne-Ardenne et Sud-Ouest.

Mais ces victoires se traduiront-elles par une dynamique nationale dans la perspective de la présidentielle de 2017 ? Lors de l'analyse des résultats du premier tour, le chercheur Jean-Yves Camus a expliqué le « risque » qui guettait le FN. Que le parti « se consolide dans ses fiefs, qu’il s’étende de la gestion municipale à celle d’un canton, renforce son assise dans les villes conquises et autour, qu’il soit en position d’exercice du pouvoir, mais que cela ne suive pas au niveau national. De même qu’il y a eu des bastions communistes qui ont duré longtemps sans que le PCF ne soit au pouvoir. Le Front national pourrait consolider des bastions locaux sans que ceux-ci soient pour autant un tremplin vers une conquête nationale ».

Retrouvez ici le premier plateau de notre émission, consacré à la droite et au Front national.

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